L’église Saint-Martin de Dave retrouve son graduel du 17e siècle

L’hiver dernier, le Musée diocésain de Namur présentait dans une exposition, avec d’autres livres de chant, un graduel du 17e siècle inédit, resté plusieurs années dans les réserves du musée. Ce graduel provenait de l’église Saint-Martin de Dave (près de Jambes, Namur). Endommagé et fragile, le livre vient d’être restauré, afin de permettre son retour à l’église de Dave. Ce week-end des Églises ouvertes (1er et 2 juin), le graduel est présenté pour la première fois au public dans l’église de Dave.

Un graduel ?

Le graduel après restauration
Fig. 1. Le graduel après restauration

Imprimé sur papier et protégé par une épaisse couverture composée de plaques de bois (« ais ») recouvertes de cuir et protégée par des rivets métalliques, ce livre de chant est frappant par son grand format : 60 cm de long, 40 cm de large, 16 cm d’épaisseur, et plus de 600 pages ! Cette grande taille s’explique par la fonction du livre : utilisé posé sur un lutrin dans le chœur de l’église, les chantres réunis autour du lutrin pouvaient y lire la musique.

Il s’agit plus précisément d’un « graduel », un livre liturgique qui contient les textes et la musique des parties chantées de la messe. Ce type de livre, qui apparaît dès le Haut Moyen Âge, tire son nom d’un type de chant, le répons-graduel. Ce chant était exécuté après la première lecture par le soliste qui se tenait debout sur un degré (gradus) menant à l’ambon (petite tribune à l’entrée du chœur d’où était lue la Bible).

2. Le graduel avant restauration
Fig. 2. Le graduel avant restauration

Relevant de la catégorie du plain-chant (cantus planus), une musique vocale et monodique, les chants du graduel appartiennent au répertoire connu sous l’expression de « chant grégorien », qui s’est développé dans nos régions à partir des 8e – 9e siècles. Les chants sont choisis suivant le calendrier liturgique.

Un livre conforme aux décrets du Concile de Trente

Le contenu du graduel a varié au cours des époques et des régions. Cet exemplaire, imprimé en 1640 à Paris, est présenté comme conforme au concile de Trente. À cette époque, les guerres de religions ne sont pas loin ; l’église a réaffirmé son autorité et s’est réorganisée. Le concile de Trente (1545-1563) avait été convoqué en réponse aux critiques des protestants. À la suite du concile, les livres liturgiques ont été remaniés, l’imprimerie favorisant leur diffusion et la normalisation de leur contenu.

En tout début de cet épais volume, se trouvent, en guise de préface, plusieurs textes qui nous éclairent sur l’histoire entourant l’édition du graduel. Tout d’abord, une lettre du pape Urbain VIII (1623-1644). Ce pape a mis en application plusieurs décrets du Concile, dont la réforme du bréviaire romain, publié en 1631. Il affirme la prédominance de l’Église catholique sur les mouvements protestants, en veillant particulièrement à une diffusion correcte et universelle de tous les textes et livres. Sa lettre s’adresse spécifiquement aux libraires et imprimeurs français pour saluer leur travail, dans le respect des consignes qu’il leur avait assignées.

Le deuxième texte est une lettre du roi de France Louis XIII (1601-1643), qui acte les propos du pape et rappelle que les livres en usage dans le royaume de France doivent être conforme aux décrets du Concile de Trente et aux intentions du Pape. Le troisième et dernier texte de la « préface » est une lettre du Cardinal de Richelieu (1585-1642) datée de 1631. Le Cardinal avait été chargé par Louis XIII de surveiller les corrections et l’impression des livres réformés. Le roi lui accorde le pouvoir de choisir les imprimeurs et libraires qui auront l’exclusivité de l’impression et de la diffusion de ces livres. Richelieu crée d’abord une « société » des principaux imprimeurs et libraires de Paris «  pour tous ensemble et à communs frais, travailler à la dite impression ». C’est ainsi que le graduel de Dave ne reprend au bas de sa première page aucun nom d’imprimeur, mais l’intitulé « Imprimerie des livres de l’office Ecclésiastique établie par ordre du Roi  MDCXL   Avec le privilège du Saint Père et du Roi très Chrétien français ».

Imprimé à Paris, le graduel de l’église de Dave n’est donc pas unique. En combien d’exemplaires a-t-il été distribué ? Comment ce livre est-il arrivé à Dave ? Quand ? Et à partir de quelle date a-t-il été utilisé pour le culte local ? Des recherches seraient nécessaires pour répondre à ces interrogations.

Le traitement de conservation-restauration

Des fragments de manuscrits plus anciens découpés pour renforcer la couverture
Fig. 3. Des fragments de manuscrits plus anciens découpés pour renforcer la couverture

Afin d’assurer la préservation du livre, un traitement de conservation-restauration a été effectué par l’atelier ARTBEE (Liège). Les pages, fragilisées par l’usure, l’encrassement, les déchirures, ont été nettoyées et consolidées. La reliure était particulièrement abîmée : lacunaire, encrassée, le cuir usé et craquelé. Elle a été complètement restaurée.

Fait curieux, mais pas du tout exceptionnel : la restauration a permis de dégager des fragments de parchemins, issus de manuscrits plus anciens, découpés et utilisés dans le passé pour renforcer la reliure. Il reste maintenant à en déchiffrer le texte, pour tenter d’identifier le manuscrit dont proviennent les fragments.

 

4. Nettoyage des pages. Photo © Atelier Artbee. 5. Restauration de la couverture. Photo © Atelier Artbee.

Merci à la Société archéologique de Namur pour le soutien logistique.

Hélène Cambier et Alex Furnémont 

Revoir Van Eyck

La Vierge du chancelier Rolin

20 mars – 17 juin 2024

Pour partager avec le public l’événement que représente cette restauration historique (l’œuvre n’avait jamais été restaurée depuis son entrée au Louvre en 1800), le musée du Louvre a décidé de consacrer la première des expositions - dossiers à se tenir dans la salle de la Chapelle depuis 2014 au chef-d’œuvre de Jan Van Eyck : Le Chancelier Rolin en prière devant la Vierge et l’Enfant, dit aussi La Vierge du chancelier Rolin. La restauration, qui a notamment permis d’alléger les couches de vernis oxydé qui assombrissaient la peinture, offre une redécouverte spectaculaire du tableau.

Cette opération s’inscrit dans l’élan actuel d’études des œuvres de Van Eyck, d’abord lancé par la restauration du retable de l’Agneau mystique à Gand. Depuis près de dix ans, en effet, ces dialogues internationaux et interdisciplinaires renouvellent fortement les questions des spécialistes. À son tour, le Louvre entend faire découvrir au public combien les études menées au Centre de recherche et de restauration des musées de France et la restauration elle-même interrogent ce que l’on pensait savoir de cette œuvre, longtemps appelée La Vierge d’Autun.

Cette peinture majeure de l’art occidental, aujourd’hui étonnamment méconnue, peut sembler difficile à comprendre. C’est pourquoi l’exposition sera guidée par des questions, qui sont autant d’étapes du regard sur le tableau : pour quel(s) usage(s) Van Eyck a-t-il conçu cette œuvre si spéciale, à l’intention du chancelier Nicolas Rolin ? Pourquoi a-t-il peint à l’arrière-plan un paysage tellement miniaturisé qu’il en est presque invisible ? Comment comprendre les deux petits personnages du jardin ? Quels dialogues l’œuvre entretient-elle à la fois avec l’art de l’enluminure et les bas-reliefs funéraires sculptés ? Peut-on savoir comment les artistes du 15e siècle ont compris cette œuvre ? La Vierge Rolin cristallise en un sens les tensions qui traversent l’art flamand dans le premier tiers du 15e siècle, entre tradition médiévale et expérimentations révolutionnaires.

L’exploration de La Vierge du chancelier Rolin sera enrichie par son rapprochement avec d’autres œuvres de Van Eyck, mais aussi de Roger Van der Weyden, Robert Campin et des grands enlumineurs de l’époque. Une soixantaine de panneaux peints, manuscrits, dessins, bas-reliefs sculptés et objets orfévrés seront exceptionnellement réunis, grâce au soutien de nombreux musées et institutions en France et à l’étranger comme le Städel Museum de Francfort (qui prête pour la première fois la Vierge de Lucques), la  Gemäldegalerie de Berlin, la Bibliothèque royale de Bruxelles, la Morgan Library and Museum de New York ou encore le Museum of Fine Arts de Philadelphie.

Le Louvre, communiqué

Pour plus d'informations, cliquez ici.

Le CIPO vous ouvre ses portes !

Image 1.0.a : Vue de l’église Sainte-Marie d’Oignies (Copyright Charlotte Hance)
Fig. 1 : Vue de l’église Sainte-Marie d’Oignies (Photo © Charlotte Hance)

Installé dans l’église Sainte-Marie d’Oignies à Aiseau-Presles, le CIPO (Centre d’Interprétation du Proto-Béguinisme à Oignies) sera bientôt accessible au public.

Ce centre d’interprétation a pour objectif de faire découvrir au plus grand nombre la naissance du mouvement béguinal à travers la figure de sainte Marie d’Oignies, souvent considérée comme une des premières béguines, et de son confesseur, Jacques de Vitry. Ces deux personnages qui vécurent à la croisée des XIIe et XIIIe siècles sont intrinsèquement liés au hameau d’Oignies. En effet, c’est sur cette terre qu’ils se sont rencontrés et où Jacques de Vitry, décédé à Rome en 1240, a souhaité être inhumé au côté de Marie d’Oignies dans l’église du prieuré. Les reliques de la sainte et les restes de son confesseur sont toujours conservés dans l’église actuelle. Mais la renommée d’Oignies ne tient pas qu’à la présence de cette amitié spirituelle entre ces deux personnages. Le prieuré attire également un orfèvre venu de Walcourt, Hugo d’Oignies, auteur de pièces remarquables aujourd’hui classées Trésors de la Fédération Wallonie-Bruxelles et exposées au TreM.a – Musée des Arts anciens à Namur. L’extrême qualité et la richesse de cet ensemble doit sans doute beaucoup à la présence de Jacques de Vitry, un temps évêque en terre sainte, attiré par la personnalité de Marie d’Oignies en ce lieu[1].

Ce projet de création d’un centre d’interprétation sur l’origine des béguinages voit le jour en 2016 lorsque Rita Fenendael, maître de langues principale (UCL) et passionnée par l’histoire béguinal, vient à la rencontre de la commune d’Aiseau-Presles, qui n’a pas hésité à financer l’entièreté de la restauration de l’église pour que ce projet puisse voir le jour et de l’Evêché de Tournai avec le souhait de mettre en valeur le proto-béguinisme. La fabrique d’église est rapidement sollicitée pour la création de ce centre d’interprétation. Le projet bénéficie également du soutien de la Province de Namur, de Qualité-Village-Wallonie et de l’association CACAO. Une équipe de bénévoles se met rapidement en place au niveau local pour la création du futur CIPO coordonnée par le service du patrimoine du diocèse de Tournai et par le CHASHa (Centre d’Histoire et d’Art Sacré en Hainaut) tandis que la rédaction du contenu du CIPO est confiée à Pascal Majerus, historien spécialiste de la question béguinale  et à Rita Fenendael.

Châsse de sainte Marie d’Oignies : Ecole des Métiers d’Art de Maredsous, Coffret-reliquaire de sainte Marie d’Oignies, bois, laiton, métal argenté, pâte de verre, 52 x 58 x 21 cm, 1926, Aiseau-Presles, église Sainte-Marie d’Oignies (Copyright CHASHa)
Fig. 2. Châsse de sainte Marie d’Oignies : Ecole des Métiers d’Art de Maredsous, Coffret-reliquaire de sainte Marie d’Oignies, bois, laiton, métal argenté, pâte de verre, 52 x 58 x 21 cm, 1926, Aiseau-Presles, église Sainte-Marie d’Oignies (Photo © CHASHa)

Dès ses débuts, le CIPO choisit comme moyen d’expression le centre d’interprétation dans sa définition la plus basique : « un espace sans collection à visée de mise en valeur et de diffusion d’un patrimoine destiné à accueillir un large public »[2]. Il faut comprendre le centre d’interprétation comme un lieu destiné à expliciter une idée thématique, à savoir pour le CIPO le proto-béguinisme. Le projet n’a dès lors pas pour but de créer un musée dans un lieu qui reste entièrement affecté au culte, mais d’aménager un espace pour y décliner un propos de manière non invasive. C’est sous cette forme que le CIPO se singularise nettement d’autres projets de mise en valeur patrimoniale initiés par le service du patrimoine du diocèse de Tournai et par le CIPAR pour les églises du Hainaut et ailleurs en Wallonie. La nef de l’église a été séparée en deux parties par une paroi vitrée tandis qu’une attention particulière a été apportée à la mise en scène du CIPO. Un pari difficile lorsqu’il s’agit de combiner l’ambition d’une exposition permanente et la volonté de pouvoir utiliser l’église dans son entièreté pour certaines célébrations. Ce projet ne doit pas entraver l’exercice du culte où gêner l’accessibilité à l’église qui restera ouverte en permanence. Le CIPO peut donc s’effacer momentanément pour les besoins liés au culte. Le visiteur aura ainsi l’occasion de le découvrir librement sans barrière financière. Le CIPO se visite donc de manière autonome. Des visites guidées sont également organisées pour des groupes sur réservation préalable. Maintenir l’église ouverte et accueillante à la fois pour le croyant et pour le tourisme était une évidence même si cela implique quelques restrictions. Aucune œuvre originale ne figure dans le parcours pour des raisons évidentes de sécurisation.  Le sujet est développé au travers de reproductions d’œuvres liées à l’histoire béguinale sur panneau et de la diffusion de documentaires sur le sujet. Après une contextualisation générale des pouvoirs politique, économique et spirituel de la région d’Aiseau au tournant des XIIe et XIIIe siècle, le visiteur est invité à découvrir l’histoire du protobéguinisme à travers le destin de femmes qui furent les pionnières de ce mouvement dont Marie d’Oignies fait bien entendu partie.

Réouverture-Ste-Marie-Oignies : Inauguration de l’église Sainte-Marie d’Oignies en présence du Bourgmestre d’Aiseau-Presles, Jean Fersini et de Monseigneur Harpigny, Evêque de Tournai, en décembre 2023 (Copyright : Agnès Michel)
Fig. 3. Réouverture-Ste-Marie-Oignies : Inauguration de l’église Sainte-Marie d’Oignies en présence du Bourgmestre d’Aiseau-Presles, Jean Fersini et de Monseigneur Harpigny, Evêque de Tournai, en décembre 2023 (Photo © Agnès Michel)

Le CIPO s’adresse à un large public non spécialisé mais également à un public directement lié au béguinisme sous toutes ses formes (lieux de béguinages actuels ou musées du béguinage). Avec cette large ouverture, le CIPO entend créer un réseau plus large et se donne la possibilité d’évoluer et de mettre en place une scénographie changeante, selon un partenariat ponctuel, ou un évènement en particulier. Ceci doit permettre d’accentuer le discours sur des évènements ou des concepts en particulier et de s’adapter aux avancées scientifiques sur les sujets développés ou des sujets connexes très proches du CIPO (ex: le prieuré, le béguinisme, etc.) L’objectif du CIPO est double puisqu’il s’agit de nourrir la réflexion autour du proto-béguinisme, de son potentiel pour le futur sur le plan humain, social et spirituel et aussi d’accueillir des rencontres scientifiques, culturelles et cultuelles autour du proto-béguinisme.

Le CIPO, un espace à découvrir

Eglise Sainte-Marie d’Oignies, rue de l’Abbaye, 6250 Aiseau-Presles. Information et réservation pour les groupes : cipo.oignies@gmail.com et au 0493 81 70 39

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Vous souhaitez soutenir le projet du CIPO ?

Vous pouvez effectuer un versement sur le compte BE26 0882 4526 7929 de Qualité-Village-Wallonie avec la mention obligatoire « CIPO Oignies »

NB : Tout don égal ou supérieur à un montant annuel de 40 € via ce compte, donne droit à une déduction fiscale.

Samuël Christiaens


[1] DE VOS, J., « Le prieuré Saint-Nicolas d’Oignies. Une fondation stratégique en bord de Sambre (1187-1270) », dans DE VOS, J. et DESCATOIRE, C., Merveilleux Trésor d’Oignies. Eclats du XIIIe siècle, cat.expo., Dijon, Editions Faton, 2024, p. 12.

[2] Serge Chaumier et Daniel Jacobi, « Nouveaux regards sur l’interprétation et les centres d’interprétation », La

Lettre de l’OCIM [En ligne], 119 | 2008, mis en ligne le 21 janvier 2011, consulté le 25 novembre 2022. URL :

http://journals.openedition.org/ocim/348 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ocim.348

Où voir les expositions du CIPAR en 2024?

Envie d'en savoir plus sur le patrimoine mobilier de nos églises? Envie d'aller visiter une exposition?  Nous reprenons ici la liste des lieux où vous pouvez aller découvrir une des expositions du CIPAR en 2024. N'hésitez pas à consulter régulièrement le calendrier qui est mis à jour.

L'exposition sur les textiles liturgiques, Vêtements sacrés, sacrés vêtements sera visible à l'église de Villance du 17 juin au 21 juillet.

D'or et d'argent, orfèvrerie et liturgie sera quant à elle visitable du 1e juillet au 1er septembre à l'église de Durbuy.

L'exposition Saint, saints, sains sens et conservation de la sculpture religieuse en bois sera visible du 1 au 7 juin à Emael, du 1 au 2 juin à Dorinne dans le cadre du w-e d'Eglises ouvertes mais aussi jusqu'au 21 juillet à Barbeçon.

Lumière sur le vitrail sera exposée à l'église de Spontin du 1e au 2 juin, à l'église de La Roche-en-Ardenne du 28 juin au 1e septembre 2024, à la collégiale de Dinant durant l'été, à l'église de Bonneville en septembre et à l'église d'Onhaye en automne. Les dates sont encore à préciser.

L'agenda et les informations précises sont à retrouver ici.

Très belle découverte et bel été!

Vinciane Groessens

À la découverte du patrimoine funéraire sculpté de Wallonie : 1. Le Hainaut (suite)

Boussu, Howardries et Brugelette : des ensembles funéraires seigneuriaux exceptionnels

Envisagés individuellement, les monuments funéraires ont pour fonction de commémorer la mémoire d’individus défunts, en particulier par le biais de leur nom, leur date de décès, quelques informations biographiques, leurs armoiries, et éventuellement une effigie ou un portrait. Mais certains monuments funéraires doivent s’envisager également comme des groupes, car ils s’inscrivent dans un contexte plus large, et célèbrent une mémoire collective, en plus de celle de particuliers. C’est le cas notamment des mémoriaux de certaines familles nobles. Et quoi de mieux que le Hainaut pour aborder cette thématique, puisque la province hennuyère, « terre de noblesse par excellence » (Fourez et Dubuisson 1995), est le berceau d’origine de nombreuses familles nobles d’ancien régime.

L’église Saint-Géry de Boussu

Le cas de Boussu est assez unique, car une chapelle funéraire privée jouxte l’église Saint-Géry. Dédiée à la commémoration des seigneurs locaux, la famille de Hennin-Liétard, elle abrite quatre monuments funéraires, dont un taulet, celui de Thierry de Hénin (†1430). Le mur du fond, juste en face de l’autel, accueille le mausolée de Jean de Hennin-Liétard (†1562) et Anne de Bourgogne (†1551), attribué à Jacques Du Broeucq (et Luc Petit). En plus de ses dimensions monumentales et de la richesse de ses matériaux (marbre et albâtre), il accueille aussi plusieurs statues en ronde-bosse, dont un gisant, et le couple représenté en prière devant un Christ en croix, accompagnés de leurs enfants, ce qui est une transposition en trois dimensions et à taille humaine des scènes sculptées sur les taulets (voir section précédente).

La chapelle abrite également le monument funéraire de Maximilien de Hennin-Liétard (†1578), de sa femme Charlotte de Werchin (†1571), de leur fils Pierre (†1598) et de leur bru Marguerite de Croÿ (†1614). Ils sont tous les quatre représentés en prière devant une statue du Christ ressuscité, et au centre se trouve une représentation de la Vierge à l’Enfant.

 

Fig. 1. Monument funéraire de Jean de Hennin-Liétard (†1562) et Anne de Bourgogne (†1551), église Saint-Géry, Boussu. © E. Philippe. Fig. 2. Monument funéraire de Maximilien II de Hennin-Liétard (†1625) et Alexandrine-Françoise de Gavre (†1650), église Saint-Géry, Boussu. Cliché X087947 © KIK-IRPA, Bruxelles. Fig. 3. Monument funéraire de Maximilien de Hennin-Liétard (†1578), Charlotte de Werchin (†1571), Pierre de Hennin-Liétard (†1598) et Marguerite de Croÿ (†1614), église Saint-Géry, Boussu. © E. Philippe.

Un dernier mausolée se dresse dans la chapelle, et remplit en même temps la fonction d’autel. Il est dédié à la mémoire de Maximilien II de Hennin-Liétard (†1625) et Alexandrine-Françoise de Gavre (†1650). Et une fois encore, les défunts sont représentés en prière devant une représentation de la Vierge à l’Enfant.

Fig. 4. L’homme à moulons (détail), premier quart du XVIe siècle, église Saint-Géry, Boussu. © E. Philippe.

Enfin, bien qu’elle ne puisse plus être connectée à un monument funéraire, une dernière sculpture de la chapelle mérite d’être mentionnée. Il s’agit de « l’homme à moulons », daté du premier quart du XVIe siècle en pierre d’Avesnes. Il s’agit d’un transi, c’est-à-dire une représentation d’un corps mort entre l’état de décomposition et celui de squelette, en vogue en Europe entre le XVe et le XVIe siècle.

L’église Sainte-Marie-Madeleine d’Howardries

L’église d’Howardries présente plus ou moins une configuration similaire : un regroupement de monuments funéraires d’une même famille au sein d’un même lieu. Mais cette fois, il ne s’agit pas d’une chapelle privée mais de l’église paroissiale. Les monuments funéraires sont donc publics, et montrent à tous les paroissiens la puissance et la richesse de la famille du Chastel. L’église accueille plus d’une dizaine de monuments funéraires, c’est pourquoi seulement quatre d’entre eux seront présentés. Le premier est de dimensions modestes par rapport à ce qui a été décrit précédemment. Il a été érigé à la mémoire de Guillebert du Chastel (†1570), qui représenté cette fois tourné directement vers le spectateur, et plus agenouillé vers une image de dévotion comme sur tous les exemples vus précédemment. Il se trouve sous un portique de style classique, représenté en perspective, dans une scène de style Renaissance. Il s’agit d’un des rares monuments funéraires d’enfant/adolescent qui a été conservé.

De l’autre côté du transept, la taille du mausolée de Nicolas du Chastel et de ses deux épouses, Barbe d’Oignies et Antoinette d’Avroult, est bien plus imposante. On sait qu’il a été réalisé en 1592, car, fait rare, la date d’achèvement est inscrite sur le monument, en complément des dates de décès des défunts. Le mausolée a comme particularité d’abriter un très grand nombre de quartiers d’armoiries.

               

Fig. 5. Monument funéraire de Guillebert du Chastel (†1570), église Sainte-Marie-Madeleine, Howardries. Cliché X020489 © KIK-IRPA, Bruxelles.
Fig. 6. Monument funéraire de Nicolas du Chastel, Barbe d’Oignies et Antoinette d’Avroult, 1592, église Sainte-Marie-Madeleine, Howardries. Cliché X020484 © KIK-IRPA, Bruxelles.

 

Enfin, mentionnons encore les deux monuments funéraires dédiés à la mémoire de François (†1622) et Nicolas (†1631) du Chastel. Répondant exactement à la même composition, ils fonctionnent comme une paire, et se font face de part et d’autre du maitre-autel. Les deux frères sont représentés allongés sur une natte de paille, la tête reposant sur leur bras accoudé.

           

Fig. 7 et 8. Monuments funéraires de Nicolas (†1631) (à gauche) et François du Chastel (†1622) (à droite) (détail des effigies), église Sainte-Marie-Madeleine, Howardries. Cliché X020480 et cliché X020478 © KIK-IRPA, Bruxelles.

Que ce soit à Boussu ou Howardries, tous ces exemples de monuments funéraires ont ainsi une dimension politique et propagandiste, car ils insistent sur la puissance et la richesse des seigneurs du lieux, à travers une série d’éléments. On peut citer parmi ceux-ci leurs dimensions imposantes, la richesse des matériaux employés, leurs couleurs vives, mais encore les armoiries et quartiers de noblesse (présents parfois en très grand nombre), la représentation et les vêtements des effigies (armure, heaume, cotte, ceinture et tabard pour les hommes ; robes brodées, hermine, bijoux et coiffures sophistiquées pour les femmes). Plusieurs membres de la famille de Hennin-Liétard portent également le collier de la Toison d’Or. La place d’inhumation des défunts n’est pas non plus anodine : seuls les membres fortunés des communautés peuvent être enterrés dans les églises, et le chœur en particulier est réservé aux seigneurs, évêques et curés du lieu.

                   

Fig. 9 et 10. Monument funéraire de Jean de Hennin-Liétard (†1562) et Anne de Bourgogne (†1551) (détails des priants), église Saint-Géry, Boussu. © E. Philippe.

En rassemblant également les monuments funéraires de plusieurs générations au même endroit, l’accent est également mis sur la continuité et l’unité entre les générations, ce qui est primordial pour les nobles lignages.

L’église Sainte-Vierge de Brugelette

Cet aspect est encore plus évident dans le cas de l’église de Brugelette. Elle accueille quatre monuments funéraires de la famille de Jauche, dont trois qui répondent à une composition identique (peut-être due au même atelier) bien que commémorant trois générations différentes. Il s’agit des monuments funéraires de Jacques de Jauche (†1499) et Philippote de Lannoy (†1500), d’Antoine de Jauche (†1533) et Josine de Flandre (†1535), et de Jean de Jauche (†1540) et Honorine de Melun (†1590). Chaque couple est à chaque fois représenté en buste, les mains jointes en prière. Il s’agit de représentations tout à fait inhabituelles et rares pour l’art funéraires du XVIe siècle dans nos régions.

                        

Fig. 11, 12 et 13. Monuments funéraires de Jacques de Jauche et Philippote de Lannoy (gauche) (c. 1527), Antoine de Jauche et Josine de Flandre (centre) (c. 1527, et de Jean de Jauche et Honorine de Melun (droite) (c. 1540), église Notre-Dame, Brugelette. Cliché X150279, cliché X150288 et cliché X150300 © KIK-IPRA, Bruxelles.

Une hypothèse propose que les monuments de Jacques et Antoine auraient été commandés en même temps, par Antoine, qui aurait voulu prendre soin de sa mémoire et de celle de son père (Suykerbuyk, à paraitre). Ces deux monuments sont d’ailleurs les plus proches en termes de composition. Celui de Jean a ensuite été commandé dans un second temps. Mais tous les trois se conforment volontairement au même modèle, contrairement à ce qui a été fait à Boussu et Howardries. En plus d’insister sur la richesse et la puissance de seigneurs locaux, cela met en outre l’accent sur la continuité entre les générations et leur appartenance à une seule et même famille.

Pour découvrir une autre église hennuyère avec des monuments funéraires seigneuriaux, cliquez ici.

Bibliographie :

  1. Bass, « The Transi Tomb and the “Genius” of Sixteenth-Century Netherlandish Funerary Sculpture », Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek, 67, 2017, p. 161‑87.
  2. Capouillez, La chapelle funéraire des seigneurs de Boussu, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2006 (Carnets du Patrimoine, 43).
  3. Fourez et P. Dubuisson, « Deux chapelles uniques en Hainaut. Les chapelles funéraires de Howardries et Boussu », Revue belge d’archéologie et d’histoire de l’art, XXIV, 1995, p. 165‑217.
  4. Suykerbuyk, « Noble Expectations of Memorial Sculpture: commissioning the Jauche Monuments in Brugelette », dans J. Beckers et H. De Moor (eds.), Taking Shape: Sculpture of the Low Countries, 1400-1600, Turnhout, Brepols, à paraître.

Elise Philippe

Lumière d’hier, splendeurs d’aujourd’hui

Patrimoine des communautés religieuses en Hainaut

  Qu’ont en commun un cadre-reliquaire fait avec les cheveux de la révérende mère abbesse des clarisses et un ciboire en argent du XVIIIe siècle ? Ils font tous les deux parties du patrimoine de diverses communautés du diocèse ayant été en contact avec le Centre d’Histoire et d’Art Sacré en Hainaut (CHASHa asbl) pour la gestion de leur patrimoine mobilier. Le CHASHa présente sa nouvelle exposition 2024 consacrée au patrimoine des communautés religieuses en Hainaut. L’espace muséal du CHASHa, implanté dans l’ancienne sacristie de l’abbaye de Bonne-Espérance, ouvrira ses portes dès le 16 juin 2024.

" Un regard statistique sur les membres de la Vie consacrée dans le diocèse de Tournai peut conduire à des interprétations fort négatives. [...] Bien souvent, elles constituent des communautés très réduites, entre deux et quatre personnes. Les communautés déménagent pour se regrouper ailleurs, ou résident en maison de repos." Ce constat, fait par Monseigneur Harpigny, évêque de Tournai, lors de la rencontre annuelle avec les membres de la Vie consacrée dans le diocèse de Tournai en octobre 2023, reflète la réalité de bien des communautés. Cependant, s'attacher uniquement à ce point de vue ne peut conduire qu'à une fatalité fort négative et pessimiste. Comme concluait Monseigneur Harpigny dans son allocution, "[...] il ne faut pas tomber dans le découragement ou les lamentations". Les communautés évoluent et de nouveaux membres ou de nouvelles missions viennent diriger ce chemin consacré.

Partant de ce constat mais également du support que le CHASHa a pu apporter à diverses communautés dans le diocèse depuis sa création en 2013, l'enjeu est de mettre en lumière le travail d'inventaire, de tri, de réaffectation mais également de médiation et de transmission qui peut être fait autour de ce patrimoine mobilier.

Ce propos se déploie en trois sections dans l'exposition, mettant en valeur les objets des communautés ayant rejoint les collections du CHASHa, agrémentés de quelques objets en prêt venant compléter le propos. Dans la première partie, l'objectif est de définir les communautés, à travers l'exploration du vocabulaire, des missions, des occupations ou des transferts. Différents exemples issus du diocèse abordent la question de la vocation et de la transmission. Un parchemin de 1501 exposé pour la première fois traite par exemple du statut et des règles de la communauté des sœurs d’Artevie à Tournai.

Dans un deuxième temps, l'exposition s'attarde sur la définition du patrimoine des communautés, avec des pièces d'orfèvrerie, de sculpture, de peinture, des textiles ou encore du vitrail. Un vitrail de Ganton de 1926 représentant saint Augustin et sauvegardé de la chapelle du couvent des sœurs de Bonne-Espérance à Binche illustre notamment cette section. Les archives et le cadre juridique de la gestion de ce patrimoine sont également évoqués, par exemple à travers un document d’archive récemment découvert décrivant le transfert de la statue Notre-Dame de Bonne-Espérance de l’église du village vers l’abbaye en 1833.

Enfin, la troisième partie de l’exposition présente la transmission de la mémoire des communautés, l'héritage tant historique, culturel et social que spirituel. Le devoir de mémoire peut prendre des formes bien diverses selon les possibilités des communautés. L’espace muséal des sœurs de la compassion de Jolimont, anciennement mis en place dans le château Bouly avant que les collections ne rejoignent le musée de l’hôpital Notre-Dame à la rose à Lessines, sera notamment présenté à travers le parcours mémoriel gardant la trace de la vie du site à travers les sœurs.

Une exposition à découvrir tout l’été et jusqu’en mars 2025 pour les groupes.

Exposition à découvrir dans l'espace muséal du CHASHa

Du 16 juin au 13 octobre 2024, le dimanche de 14h30 à 18h

Sur réservation pour les groupes jusqu'au 30 mars 2025

Visite guidée le dimanche à 15h de l'abbaye et de l'exposition

 

 

 

Abbaye Notre-Dame de Bonne-Espérance

Rue Grégoire Jurion 21

7120 Vellereille-les- Brayeux

Info@chasha.be

064/330.346

 

Déborah Lo Mauro

Chapocha : pour la sauvegarde des CHapelles et POtales de CHAstre

Il paraît essentiel à tous de devoir sauvegarder, préserver et rénover le petit patrimoine situé dans les 7 communes de Chastre.

Pour ce faire, il est de notre devoir de :

  1. De sensibiliser voire d’initier au petit patrimoine et c’est une façon de transformer cette approche en une motivation créatrice pour avoir davantage confiance dans la capacité de nos communes à enrichir le patrimoine de demain,
  2. De diffuser de l’information et de créer ainsi une démarche d’apprentissage de la citoyenneté qui représente un véritable enjeu d’appropriation de la mémoire collective et du sentiment d’identité culturelle,
  3. De communiquer et donc d’inculquer, dès le plus jeune âge, les principes et les valeurs qui ont guidé ce choix, pour une meilleure compréhension de l’histoire de notre patrimoine.

Cette démarche patrimoniale est l’affaire de chacun, à son échelon de responsabilité. Etre citoyen, c’est prendre une part active et volontaire au choix et à la hiérarchisation des témoins objectifs de notre histoire. La meilleure compréhension de l’Histoire ne se fait-elle pas par la connaissance d’un site proche de son propre lieu de vie ? Diffuser à l’aide d’un dépliant ciblé (« flyer ») une chapelle ou potale située dans l’environnement du citoyen, n’est-ce pas une bonne façon de sensibiliser les concitoyens.

L’objectif est de rassembler des bénévoles proches d’une chapelle ou potale afin d’apporter une aide matérielle et humaine à notre Association afin de rénover un bien qui est situé dans leur environnement proche.

Il est essentiel de créer un site sur le Web afin de diffuser et archiver des documents, photos, articles… et de présenter le calendrier des activités proposées par l’Association. Ce site présente

 En conclusion, l’Association de fait « Pour la Sauvegarde des CHApelles et POtales de CHAstre » dénommée CHAPOCHA via sa convention avec la commune de Chastre a pour objectif

Nous vous proposons donc de parcourir ce site https://chapocha.com et de trouver des renseignements qui vous donneront envie de faire la démarche de visiter ces chapelles et potales faisant partie de notre patrimoine communal et à préserver coûte que coûte. Il y a aussi une page facebook régulièrement enrichie : Chapocha.

Eric DAMMAN – Responsable CHAPOCHA

ericdamman2@gmail.com

Ils organisent souvent des Parcours commentés des Chapelles et potales de Chastre. Les prochaine fois, c'est une collaboration avec le GRACQ :

  1. CHASTRE NORD : RdV au Marché de CHASTRE le Di 30 Juin 2024 à 14h00 à 17h.
  2. CHASTRE SUD    : RdV au Mémorial KONGOLO  le Sa 12 Octobre 2024  à 14h00 à 17h.

 

Journée d'étude - Autour des premiers soins au Patrimoine - Liège

Nuit des cathédrales 2024 à Tournai

Le samedi 11 mai de 18h à 23h

La Cathédrale Notre-Dame de Tournai, classée UNESCO, vous ouvre ses portes le 11 mai prochain, dans le cadre de La Nuit des Cathédrales. De 18h à 23h, venez découvrir la majestueuse Cathédrale de Tournai d'un point de vue différent.

Il y en aura pour tous les goûts et tous les âges : concerts, visites guidées, accès aux fouilles et au Trésor, veillée, ateliers de démonstration (enluminures, icônes, filage de la laine, tissage, paperolles), animations pour enfants...

 

En pratique...

CIPAR - Centre Interdiocésain du Patrimoine et des Arts Religieux