CIPAR

Objectif ? Restaurer « la Foi » et « la Charité » à Hamme-Mille !

Publié le 02/03/2021

Nous vous en avions déjà parlé dans le courant de l'année 2020 : l'église d'Hamme-mille a connu une grosse restauration et une mise en lumière. Voici un résumé de l'histoire de cette restauration : quand le projet a-t-il commencé? Qui est impliqué? Où trouver les fonds? Comment trouver un restaurateur?

1 - Le déclic : les journées du patrimoine 2015 !
Début 2015, la représentante de la Commune de Beauvechain à la Fabrique d’église Saint-Amand, Brigitte Wiaux, surprend les membres de cette Fabrique et du Conseil paroissial : « Le thème proposé par la Commune pour les prochaines journées du patrimoine des 12 et 13 septembre est le suivant : De l’abbaye de Valduc au cœur de l’église Saint-Amand à Hamme-Mille. »

Un vrai défi pour Hamme-Mille dont le patrimoine et l’église n’ont pas souvent eu l’occasion d’être mis en exergue. Ce défi va être relevé par une équipe de bénévoles de la paroisse soutenue par Mathieu Bertrand, historien de l’art, et par Manu Paye (directeur du CCVN) mandatés par la Commune ! Enthousiasmés par l’opportunité offerte, ces quelques personnes (Jean-Luc Lecluse du conseil paroissial, Anne-Marie Wautié et Michel Verhoyen de la Fabrique d’église, …) vont s’investir pour élaborer une petite notice sur l’histoire et le patrimoine de l’église Saint-Amand et pour rassembler et détailler un certain nombre d’objets répertoriés dans l’inventaire. Le but : organiser une exposition qui permette à chacun d’admirer « de visu » un certain nombre de pièces faisant partie du « trésor » de la paroisse Saint-Amand.

Ce travail de recherche va s’étaler sur plusieurs mois ! Parmi les (re)découvertes du patrimoine, deux jolies statuettes polychromes représentant les allégories de « la Foi » et de « la Charité » » et réputées provenir de l’abbaye de Valduc . Ces deux représentations féminines, chacune d’une hauteur de 62 cm, sculptées sur bois et dorées, sont attribuées au sculpteur Jacques Bergé (ou Berger) et datées de 1727. Elles sont reprises à l’inventaire de l’I.R.P.A. sous les n°s 10040567 et 10040568. Elles ont été retirées de l’autel dans les années 1980 pour être mises à l’abri en raison de leur dégradation par des petits insectes xylophages. Malgré leur fragilité, il est convenu de les exposer à cette occasion en les mettant en exergue sous vitrine. L’exposition recueille un grand succès tout comme les autres animations (visites guidées, concerts, conférence sur l’histoire de l’abbaye, etc…).
Les deux statuettes sont en quelque sorte les vedettes de cette exposition ! Les journées du patrimoine ont semé au cœur de l’un et l’autre une vraie passion pour l’église Saint Amand et pour le patrimoine mis à l’honneur. Pour ces fervents, il n’est pas imaginable de laisser se dégrader et perdre ce petit trésor local ! Les recherches historiques et patrimoniales se poursuivent et s’approfondissent. Durant l’année 2016, des contacts sont pris par la présidente de la Fabrique d’église, Chantale Lahaye, pour obtenir des premiers devis de restauration des statuettes.

Photos JLL – 12 & 13/09/2015

2 - La sensibilisation au projet de restauration
Par la suite, Mme Marie-Astrid Collet, historienne au CHIREL nous réoriente vers M. Christian Patriarche. Expert en restauration, il a passé l’essentiel de sa carrière (35 ans) à la Ville de Nivelles où il a été recruté pour s’occuper presqu’exclusivement de la restauration progressive de la Collégiale Sainte-Gertrude.

Retraité depuis 12 ans, M. Patriarche accepte de venir à Hamme-Mille le 15 janvier 2018 et procède à un examen minutieux des statuettes. Il trouve que ces statuettes ont une valeur patrimoniale significative et sont sans doute bien de Jacques Bergé ; mais elles ont besoin d’une restauration urgente ! Il propose de nous introduire auprès de M. Michel Lefftz, Directeur du département d’Histoire de l’art et archéologie - Faculté de Philosophie et Lettres – à l’Université de Namur. Une notoriété particulièrement dans ce créneau particulier ! Contact est noué avec M. Lefftz et tout le dossier lui est envoyé. Nous avons aussi pris contact en janvier 2018 avec la Commune en lui demandant ses intentions dans ce projet de restauration. En parallèle, nous avons lancé via le bulletin paroissial bimestriel distribué en toutes-boîtes dans tout le village de Hamme-Mille un appel à se mobiliser pour sauver ce petit trésor !

Le 6 septembre 2018, M. Lefftz se manifeste. Nous sommes très heureux d’entendre qu’il est disposé à rédiger une notice soulignant la qualité des deux statuettes concernées. Le projet de restauration est aussi mis à l’ordre du jour du conseil paroissial et du conseil de fabrique et bénéficie de l’appui de ces deux organes.

Mais quel budget est nécessaire pour pouvoir réaliser ce projet ?

3 - Devis, demande de prix et évaluation budgétaire

Sous l’impulsion du Vicariat, nous avons demandé prix à plusieurs restaurateurs. Nous consultons Mme Emmanuelle Mercier, responsable de l’atelier des sculptures en bois polychrome à l’I.R.P.A. qui nous communique une liste de restaurateurs indépendants spécialisés et reconnus par l'association belge APROA-BRK. Nous prélevons 3 noms parmi cette liste et transmettons une demande de prix plus formelle à ces restaurateurs. En cours de procédure et, en concertation avec le Vicariat, nous étendons la demande de prix également à la restauration du tabernacle qui constitue un ensemble remarquable avec les deux statuettes. L’examen strict et systématique de ces différentes offres, suivant le cadre d'un marché public, nous permet finalement de proposer, sous réserve de disposer du budget nécessaire, d’attribuer :
- la restauration des deux statuettes à Fanny Cayron.
- celle du tabernacle à Isabel Bedós.

4 - Quête budgétaire
Le premier interlocuteur approché pour appuyer financièrement le projet est l’AOP local qui dispose d’une réserve prélevée sur les résultats des collectes et constituée au fil du temps. Le conseil paroissial du 12 mars 2019 accepte le principe de consacrer 4.000 EUR de cette réserve afin de lancer l’opération. Notre curé et notre représentante à l’AOP font ensuite les démarches nécessaires pour obtenir le feu vert de l’AOP régional (Beauvechain) et du doyenné. Cette affectation concrétise ainsi la volonté commune du conseil paroissial et de la fabrique d’église de mener à bien cette opération. Nous nous tournons ensuite vers la population de Hamme-Mille et lançons toujours via le « Contact » en novembre 2019 un appel public à des dons de manière à rendre possible cette restauration. Il nous semble opportun de jauger ainsi l’adhésion des Hamme-Millois à ce projet. Le résultat est significatif puisque cet appel (rappelé en janvier 2020) permet de recueillir le montant de 1.770,00 EUR. Ces deux premières contributions résultant directement ou indirectement des dons des paroissiens (et Hamme-Millois) couvrent le budget nécessaire pour les statuettes. Pour pouvoir traiter en une seule opération la restauration de l’ensemble de l’œuvre de Jacques Berger, celle-ci incluant aussi le tabernacle, il nous faut mobiliser un financement complémentaire de +/- 4.000,00 EUR. Nous avons finalement pu boucler ce budget grâce aux interventions salutaires du Fonds Domus Dei à raison de 3.200,00 EUR, et de la Commune de Beauvechain, à raison de 1.250,00 EUR.

5 - Valeur patrimoniale de l’ensemble en bois polychromé sculpté par Jacques Bergé
L’ensemble de l’œuvre sculptée est composée d’un tabernacle rotatif et de deux jolies statuettes polychromes de 62 cm de hauteur représentant les allégories de « la Foi » et de « la Charité » sous la forme de deux représentations féminines placées respectivement de part et d’autre du tabernacle, chacune sur une console. Cette œuvre remarquable attribuée au sculpteur Jacques Bergé (ou Berger), est datée de 1727 et est réputée provenir de l’ancienne abbaye de Valduc. Les statuettes sont reprises à l’inventaire de l’I.R.P.A. sous les n°s10040567 et 10040568 et le tabernacle est repris comme composante dans l’objet n°10040565 intitulé « autel majeur, autel à retable ».
Leur provenance de l’abbaye de Valduc est notamment revendiquée par Madeleine Le Bon *1 dans le tome 68 des Annales de la Société Royale d’Archéologie de Bruxelles dont elle a été, durant de nombreuses années, secrétaire générale adjointe. Elle y décrit également les deux statuettes. Pendant 5 ans, elle a consacré une partie de son temps aux recherches sur l’ancienne abbaye de Valduc allant jusqu’à loger un certain temps dans l’ancien moulin situé sur ce domaine. La description plus complète du tabernacle nous est livrée par Michel Verhoyen dans l’ouvrage *2 remarquable qu’il a consacré au Patrimoine de la Paroisse et de la Fabrique d’église Saint-Amand.

Tabernacle avec les 2 statuettes
Photo I.R.P.A., Bruxelles – M084594 (1972), 

Le très intéressant ouvrage encyclopédique intitulé « L’architecture religieuse et la sculpture baroques dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège – 1600-1770 », élaboré par
Paul Philippot, Denis Coekelberghs, Pierre Loze et Dominique Vautier, nous apporte des informations précieuses. Ces 4 spécialistes du domaine, tous membres de l’Association du Patrimoine artistique, ont produit en 2003 (éditeur Pierre Mardaga) un ouvrage de référence qui nous éclaire à la fois sur le sculpteur Jacques Bergé de même que sur l’œuvre qui a abouti à Hamme-Mille (dont l’église actuelle a été construite en 1830). Nous y découvrons (pp. 1027-1031) une biographie assez développée de Jacques Bergé (voir aussi encadré pp. 11-12 ci-dessous) en même temps que l’abondance de sa production artistique et sa répartition dans de nombreuses abbayes et églises en Belgique. Y est bien expliquée la filiation artistique vraisemblable qui relie les trois groupes d’œuvres qui y sont décrites et qui se sont succédées :
1. Deux modelli en terre cuite représentant « La Foi » et « La Charité » et réalisées en 1727 (et faisant partie actuellement de collections privées).
2. Les deux statuettes en bois polychromé « La Foi » et « La Charité » réalisées en 1727 et présentes aujourd’hui à HammeMille.
3. Les deux grandes statues en marbre « La Foi » et « La Charité (et l’Espérance) » qui sont situées dans le chœur de l’église abbatiale Saint-Jean-Baptiste du Parc à Heverlee et qui datent de 1729.

Photos JLL le 07/09/2018

A noter que c’est sur le site de l’Abbaye du Parc que sont rassemblées aujourd’hui le plus grand nombre d’œuvres réalisées par le sculpteur flamand Jacques Bergé. Dans ce cadre, nous avons pris contact avec le conservateur du site, M. Stéphane Van Lanni, en vue d’une éventuelle collaboration (modeste) avec l’abbaye du Parc (siège du CRKC – Centrum voor Religieuze Kunst en Cultuur) et plus particulièrement avec le musée « Parcum ».

*1 Madeleine Le Bon. HEURS ET MALHEURS D'UN PATRIMOINE D’ART: L’EGLISE DE L’ABBAYE DE VALDUC. Source : tome 68, Annales de la Société Royale d'Archéologie de Bruxelles.
*2 Michel Verhoyen, Le Patrimoine de la Paroisse et de la Fabrique d’église Saint-Amand. Inventaire – Complément explicatif et critique, § C.2.1.2. p. 43.
*   Paul Philippot, Denis Coekelberghs, Pierre Loze et Dominique Vautier, L’architecture religieuse et la sculpture baroques dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège, pp. 1027-1031.

6 - Les travaux de restauration
28 mai 2020 ! Nous y sommes ! Malgré la pandémie qui a déferlé sur nous depuis février, après avoir reçu les accords de la Fabrique d’église, du Vicariat et de la Commune, nous pouvons enfin
lancer les deux commandes : la restauration des deux statuettes est confiée à Fanny Cayron ; celle pour le tabernacle, à Isabel Bedós. Les travaux de restauration sont lancés ! Les deux statuettes sont conduites à Namur à l’atelier de Fanny Cayron le mercredi 3 juin…

les deux statuettes déposées à l’atelier de Fanny Cayron  Précaution pour le transportla salle dédiée au traitement d’anoxie auquel sont actuellement soumises les deux statuettes

…et y sont soumises directement au traitement d’anoxie afin de les débarrasser d’éventuels insectes xylophages avant d’être restaurées dans les prochains mois.

Photos JLL le 03/06/2020

Isabel Bedós, mandatée pour l’opération sur le tabernacle, commence son travail de nettoyage et de restauration – in situ - dans l’église dès le mardi 9 juin et y revient régulièrement jusqu’en août.
Le traitement réalisé* a consisté essentiellement en :
- le fixage des soulèvements ponctuels de la polychromie ;
- le dépoussiérage et le nettoyage de la polychromie ;
- le bouchage des joints d’assemblage ouverts au niveau de la porte et des angles ;
- la pose de mastics de remise à niveau a servi à combler les lacunes et les irrégularités de la polychromie ;

- la retouche colorée à l’aquarelle des éléments reconstitués, des mastics et des bords blancs des lacune. Pour les lacunes de la dorure, une pointe de peinture acrylique dorée a été utilisée .
- la pose d’une fine couche de protection de cire microcristalline diluée a été utilisée pour protéger les retouches à l’aquarelle et redonner une unité à l’œuvre.

Isabel Bedós en action premier effet du début de nettoyage

Photo JLL les 11/06 et 15/06/2020

* : Pour le détail, voir : Isabel Bedós i balsach - RAPPORT D’ETUDE ET TRIATEMENT DE RESTAURATION – Tabernacle à tambour – Eglise Saint-Amand à Hamme-Mille - août 2020

Fanny Cayron a entrepris la restauration des statuettes à l’automne…
Quelques exemples de dégradations !

Photo Fanny Cayron le 15/11/2020
- Autres photos JLL le 08/11/2016

A la mi- novembre, les interventions suivantes ont été réalisées :
- la désinfection par anoxie
- le fixage de la polychromie
- le collage de la main droite de la Charité, du pied gauche de la Foi, des baguettes de la base de la Charité
- les bouchages structurels à la poudre de chêne au niveau des différents collages et en soutien de la main droite de la Foi

- le nettoyage de la polychromie : élimination de la bronzine oxydée et de l’encrassement.


Photo – Fanny Cayron – 11/2020 -
Situation après nettoyage et collages

La prochaine étape prévue début 2021 sera le masticage des lacunes, suivi de la retouche des mastics et des usures afin de rendre la polychromie plus homogène. La restauration devrait être terminée au printemps et permettre de fixer l’inauguration durant l’été prochain… (prochaines journées du patrimoine ?).

REMERCIEMENTS :
Un merci chaleureux à tous ceux qui par leur intervention, leur aide, leur support, ont rendu possible et permis de mener à bien ce projet qui nous paraissait si difficile à concrétiser :
réanimer « la Foi » et « la Charité » à Hamme-Mille !
Nous pensons particulièrement à :
 Pour le Vicariat du Brabant wallon : M. Laurent Temmerman, responsable du Temporel, administrateur à la CIPAR et relais vers Domus Dei,
 Pour la Commune de Beauvechain : Mme Brigitte Wiaux, échevine du Patrimoine, 11 Fabrique d’église & paroisse Saint Amand à Hamme-Mille - 01/2021
 Pour la Fabrique d’église Saint Amand à Hamme-Mille : Mme Chantale Lahaye, ancienne présidente, et M. Francis Lemaire, président actuel ; Michel Verhoyen (ancien conseiller) et Mme Anne-Marie Wautié,
 Pour la paroisse Saint-Amand à Hamme-Mille : M. le curé Christophe Munu Binana, Mme M.P. Lysy, membre du conseil paroissial et représentante à l’A.O.P. locale,
 Tous les paroissiens et Hamme-Millois qui ont permis par leurs multiples dons de mener à bien ce projet qui nous paraissait si difficile à concrétiser : réanimer « la Foi » et « la Charité » à Hamme-Mille !

Jean-Luc Lecluse (JLL)
Membre du Conseil paroissial

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