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Patrimoine religieux : patrimoine ou religieux ?

Publié le 14/07/2021

L’expression patrimoine religieux nous est familière. Elle caractérise simplement un large champ d’objets ou d’édifices qui font notre quotidien. Pourtant, si on y réfléchit un peu, elle comporte deux termes qui peuvent se trouver en réelle contradiction. Cette divergence n’est pas que sémantique, elle se révèle également en pratique dans les options de conservation et de valorisation dont les œuvres doivent faire l’objet. Il apparait alors un conflit d’intérêt qu’il est particulièrement important de résoudre.

Le mot religieux signifie bien sûr que le bien conservé relève de l’exercice d’une religion. En termes plus administratifs, on dira qu’il est affecté au culte, pour ce qui nous concerne, le culte catholique. Ces objets, lieux ou édifices concourent à la pratique religieuse d’une communauté qu’ils aident comme support de dévotion ou comme espace ou accessoire liturgiques. En Belgique, la constitution et la loi prévoient à la fois le financement et la liberté de religion pour six cultes ou convictions philosophiques reconnus. Cela veut dire que l’Etat finance mais s’interdit toute ingérence dans l’organisation et dans l’utilisation des moyens mis en œuvre. Le rôle de médiateur de l’objet religieux lui confère, aux yeux des fidèles, un caractère hors du commun, c’est-à-dire une sacralité qui suppose un respect particulier et sur laquelle l’Etat ne peut porter de jugement de valeur.

salle de trésor
Illu. Salle de Trésors. Photo : Maura Moriaux.

Le mot patrimoine fait appel à la notion d’héritage commun. Il élargit le champ d’intérêt. La patrimonialisation d’un bien signifie que d’autres publics que celui pour lequel il a été conçu peuvent regarder l’objet avec d’autres ressorts : des valeurs historiques, sentimentales, esthétiques, sociales, ou encore paysagère s’il s’agit d’un monument. La patrimonialisation élargit le dénominateur, tout en le diversifiant. Cette évolution n’est pas à regretter car elle constitue un gage d’avenir pour un ensemble d’objets dont l’usage premier pourrait disparaitre.

En pratique, il n’est pas toujours facile de concilier fonction cultuelle, avec sa dimension de sacralité, et destin patrimonial dans sa dimension profane. Il s’agit là d’un défi qui se pose à l’Eglise si elle veut affirmer son rôle d’acteur culturel responsable dans la société multiculturelle contemporaine.

Mobilier religieux. Vue des autels.
Illu. Mobilier religieux. Vue des autels de l'église de Dave. Photo : Julie Timmermans.

La conservation et la valorisation des châsses reliquaires dans nos églises se trouvent au cœur de cette problématique. Construites pour recueillir les restes sacrés de saints emblématiques d’une région, elles sont souvent des œuvres d’art d’une qualité artistique exceptionnelle, chargées de l’histoire et des traditions de toute une communauté. Leur préciosité impose des conditions de conservation rigoureuses. Leur historicité suppose une valorisation et une accessibilité au grand public. Leur sacralité requiert un respect qu’elles ne peuvent trouver que dans leur lieu d’origine. L’affectation au culte signifie également une utilisation rituelle comme l’exposition à la dévotion des fidèles ou le déplacement en procession.

Pour cette période de vacances, nous vous proposons de découvrir quelques châsses reliquaires que les responsables d’église ont su valoriser en conciliant ces différents impératifs. Ces monuments sont accessibles au public. Les dispositifs déployés témoignent de la possibilité d’exposer le patrimoine religieux majeur dans des conditions de conservation, de sécurité et d’accès raisonnables tout en respectant leur caractère sacré. Cela doit constituer des modèles inspirant pour tous les fabriciens responsables des églises paroissiales.

Nous vous souhaitons de belles découvertes !

Christian Pacco

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