CIPAR

Des vitraux contemporains pour une église millénaire

Publié le 08/10/2021

Le mercredi 8 septembre dernier a vu l'inauguration des neuf nouveaux vitraux de l'église de Wéris. Ils sont l’œuvre de l'artiste durbuysien Gilbert Laloux et du couple de maîtres verriers Rita et Bernard Debongnie. Ces vitraux contemporains retracent la vie de sainte Walburge, patronne de l'église. Ces nouvelles créations inscrivent dans l’édifice millénaire une trace de notre époque.

L’église

Classée depuis 1938, l’église Sainte-Walburge date du 11e siècle. Elle a connu plusieurs phases de transformations au cours des siècles qui ont suivi. Très récemment, après des fouilles archéologiques de l’ancien cimetière, l’enclos paroissial a été réaménagé avec des nouvelles pierres de soutènement, et l’ajout d’un dallage qui lie le village à l’église et qui s’agrandit devant la porte de l’église pour créer une petite place. Un pavement japonais évoque la silhouette des mégalithes des alentours, reliés par une rose des vents.

eglise_sainte_walburge_weris
L'église Sainte-Walburge de Wéris.

L’artiste

Né en 1945 à Houx, Gilbert Laloux a suivi des études à l’école des Beaux-arts de Namur et à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Saint-Luc à Liège, où il  a appris différentes techniques. Il fut professeur à son tour avant de se concentrer exclusivement à ses créations : peinture, bijou, sculpture. Avant le projet de Wéris, cet artiste touche-à-tout ne s’était jamais lancé dans le travail du verre. En acceptant ce défi, il a suivi son envie de s’approprier de nouvelles techniques et de repousser les frontières de sa carrière artistique. Les vitraux de Wéris, projet débuté en 2017, présentés fièrement par l’artiste lors de l’inauguration, sont le résultat de plusieurs années de recherches sur la vie de sainte Walburge.

Le projet

Après un premier crayonné, les cartons, colorés à l’aquarelle, ont permis d’aiguiller Rita et Bernard Debongnie, spécialistes en mise en couleur et restauration de vitraux. La phase sur papier terminée, ils  ont concrétisé le projet en choisissant les verres avec l’artiste. Le choix a été guidé par la couleur des verres, mais aussi par leur texture, qui a toute son importance dans l’effet produit par la lumière. En vibrant et en traversant le verre, celle-ci fait naître un véritable arc-en-ciel. Rien que pour le sapin de la baie 7, une quarantaine de verres verts différents a été sélectionnée. Des verres dits cathédrales, des verres étirés ou encore des verres dits américains (opalescents) ont été utilisés, tout comme la technique du fusing (débris de verre superposés à froid qui sont fusionnés sous la chaleur). 

vitrai_sapin_wéris
"Le sapin de Noël". Détail du vitrail avec différentes couleurs et structures.

Les plaques de verre utilisées sont des carrées de 50X50 cm. Dans certains cas, seuls 2 cm de la plaque ont été exploités. « Il n’est pas possible de garder le reste des plaques pour une future restauration car un verre conservé dans un entrepôt n’évoluera jamais de la même manière au niveau de sa couleur que le verre placé à la lumière du soleil. » explique Rita de Debongnie.

L’artiste et les maîtres verriers ont apporté autant de soin dans le travail du plomb que du verre, en jouant sur les épaisseurs. Gilbert Laloux souhaitait « l’intégration complète de la mise en plomb dans la composition souvent en prolongation décentré les uns des autres, des sinuosités délibérées et nombreux angles rentrants » nous rapporte les maître-verriers. Des barlotières, pièces métalliques transversales, ont été envisagées pour assurer la solidité du vitrail mais n’ont finalement pas été retenues.

le feu_vitrail_wéris
"Les feux". Détail du verre avec les différents couleurs et structures du verre comme le travail du plomb.

Au moment du placement, l’artiste et les maîtres verriers se sont rendus compte que la lumière n’avait pas la même intensité partout. L’ordre initialement prévu pour les vitraux, suivant la chronologie de la vie de la sainte, a dû être modifié pour que les vitraux soient chacun mis au mieux en valeur par la lumière. 

wéris_vitrail_projectionsurlemur
Projection sur le mur par la lumière. Vitrail "L'église de Wéris".

Pour terminer le placement, il a fallu enfin enlever les protections extérieures anciennes, calfeutrer les trous à la chaux, plafonner à l’intérieur et nettoyer les deux faces des vitraux. Des vitres de protection extérieures ont été placées.

wéris_vitrail et maconnerie wéris_maconnerie_vitrail extérieur

Un travail de collaboration et d’amitié

C’est Gilbert Laloux qui a demandé à l’atelier Debongnie de travailler sur ce projet des vitraux. Sans se connaître au préalable, ils ont très vite formé un trio à succès. De cette alchimie et amitié naissante découle une œuvre qui répond parfaitement aux dessins de l’artiste, les Debongnie ayant pu très bien comprendre et assimiler le projet, en passant du temps avec l’artiste, pour le concrétiser de manière fidèle.

vitrail_weris_walpurgies
Détail du vitrail "Les nuits de walpurgies" avec les signatures et la date.

Dans le futur

Londot_vitrail_choeur_wéris
Vitrail de Londot dans le choeur.

Dans le chœur, il y a deux vitraux réalisés par Londot. A cela s’additionnent désormais les neufs nouveaux de Laloux. Les vitraux du bas sont tous colorés. Il reste les quinze baies-hautes qui attendent des vitraux. Gilbert Laloux espère poursuivre son œuvre. Cela dépendra des futurs budgets et de l’avis du comité du certificat du patrimoine. D’autres aménagements doivent être réalisés, comme l’escalier à côté de l’église qui a été très endommagé envahi des racines du tilleul de 200 ans, le plafonnage intérieur de l’église, … 

Cette réalisation nous montre qu’en matière d’art religieux, le vitrail continue à inspirer les artistes contemporains qui semblent y trouver un moyen d’expression privilégié. Sainte-Walburge parée de ses nouveaux vitraux est un magnifique exemple d’intégration du présent dans le passé. 

 

Présentons les neuf tableaux qui s’opposent : le calme et l’harmonie sur le côté nord contre le mouvement et le trouble au sud.

Tableau 1 : « L’église de Wéris » (Nord)

Ce vitrail représente l’édifice protégée par la sainte et le tilleul séculaire. 

Vitrail_l'église_de_wéris

Tableau 2 : « Son enfance » (Nord)

La jeunesse fastueuse à Sussex de la sainte est dessinée mais aussi tout ce qu’elle a abandonné en faisant le choix radical d’une vie monacale. 

vitrail_son_enfance_wéris

Tableau 3 : « Ses parents » (Nord)

Dans les tons roses, ce vitrail figure la sainte avec ses deux parents couronnés, le roi Richard et Winna. Le luxe dans lequel a grandi la sainte est exactement ce qu’elle rejeta ensuite pour vivre sa foi avec les plus démunis.

Vitrail_ses_parents_wéris

Tableau 4 : « Les parfums » (Nord)

Gilbert Laloux a dépeint la mort de la sainte conformément à la légende, yeux fermés, poussant son dernier souffle, entourée d’un parfum mystérieux, symbolisé par un panel de bleus et de mauves pastels. 

vitrail_les_parfums_wéris

Tableau 5 : « Les Saintes Huiles » (Nord)

 La légende dit que lorsque son corps fut déposé dans son tombeau, de l’huile sacrée coula dans des gouttières d’argent. Depuis, l’huile de sainte Walburge, chargée de pouvoir miraculeux, est honorée dans de nombreux endroits de pèlerinage et distribuée dans une fiole pour guérir les malades.

vitrail_les saintes_huiles_wéris

Tableau 6 : « La tempête » (Sud)

La tempête subie par le bateau qui a permis à sainte Walburge de traverser la Manche est représentée par des hélicoïdes symbolisant les vagues déchaînées. Quand la sainte a regardé la mer, celle-ci se serait tout de suite apaisée.

vitrail_la_tempête_wéris

Tableau 7 : « Le sapin de Noël » (Sud)

Son oncle, le futur saint Boniface, aurait planté un sapin le soir de Noël dans la Forêt Noire. Ce serait de cette histoire que découlerait le symbole du sapin. Une autre légende liée à Saint Boniface dit qu’il  voulait convaincre les druides germains que le chêne n’était pas un arbre sacré. Il en fit donc abattre un. « En tombant, l’arbre écrasa tout ce qui se trouvait sur son passage à l’exception d’un jeune sapin ». A partir de là, la légende fait son œuvre. Saint Boniface aurait qualifié ce pur hasard de miracle, et aurait déclaré : « Désormais, nous appellerons cet arbre, l’arbre de l’Enfant Jésus. » Depuis, on plante de jeunes sapins pour célébrer la naissance du Christ.

vitrail_Lesapin_wéris vitrail_lesapin_wéris_détail

Tableau 8 : « Les feux » (Sud)

La sainte est priée pour calmer les feux intérieurs et les brûlures.

Les feux_vitrail_wéris d"atil_vitrail_les_feu_wéris

Tableau 9 : « Les nuits de Walpurgies » (Sud)

Il s’agit de fêtes païennes pour fêter sainte Walburge avec des grands feux.

vitrail_les_nuits_de_walpurgies_wéris

Pour en savoir plus 

Nous vous conseillons de vous rendre à l’exposition « Chemin de lumières » au DHAM où un espace didactique a été aménagé avec une vidéo qui explique comment on fait un vitrail. (Durbuy history & Art museum

Vinciane Groessens

Les photographies sont de l'auteur.

CIPAR - Centre Interdiocésain du Patrimoine et des Arts Religieux linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram