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Une chapelle sur deux villages et même deux diocèses différents

Publié le 03/10/2022

La chapelle de Saint-Antoine, dans la commune de Manhay, a ceci de particulier qu’elle dessert deux villages, l’un liégeois (Burnontige) et l’autre luxembourgeois (Fays). Elle dépend donc à la fois des diocèses de Liège et de Namur, des provinces de Liège et de Luxembourg, des communes de Ferrières et de Manhay.

chapelle manhayActuellement, la commune de Ferrières cherche à ce que la chapelle soit entièrement reprise sous la tutelle de Manhay et donc de la province du Luxembourg et du diocèse de Namur.

C’est dommage car ainsi on mettra fin à une histoire commune commencée vers 1840. Le premier registre de la paroisse date de 1843, mais il semble que la paroisse ait été érigée en 1841. Avant cela, il a fallu relever de ses ruines l’ancienne chapelle, victime de la Révolution.

Car l’histoire de Saint-Antoine est bien plus ancienne que le XIX° siècle ! Les Celtes occupaient déjà la région comme en témoignent « les pouhons », sources dans lesquelles nos ancêtres plaçaient des chênes ou des hêtres évidés afin d’y pouvoir plus commodément y puiser. Le bois dans l’eau ne pourrit pas et ces pouhons existent donc toujours.

On peut penser que Saint-Antoine est une christianisation d’un culte gaulois plus ancien. On sait que, pour s’établir dans nos régions, l’Eglise a christianisé certains sites et qu’elle en a diabolisé d’autres (les pierres du Diable, par exemple). Dans la commune de Manhay, il y a une pierre du Diable (Malempré), une construction du Diable (Roche-à-Freine) et, sans doute que Saint-Antoine est la christianisation d’un culte druidique.

Les gens sensibles aux ondes disent que la chapelle et les bois en sont traversés. Saint-Antoine est aussi reconnu comme un lieu à la faune et à la flore particulières.

Le site de Saint-Antoine, isolé en pleine campagne (on n’y trouve, en plus de la chapelle, que le presbytère agrandi d’une cafétéria, deux maisons et un ancien hôtel, converti en lieu d’accueil pour réfugiés) a sa légende. Elle dit qu’un berger s’étant perdu un soir d’hiver, sentant sa mort prochaine - à l’époque le paysage était celui de la Fagne - pria le bon saint de le sauver en échange de quoi il dresserait là un oratoire.

chapelle saint-antoineC’est une légende sans doute, mais ce qui ne l’est pas ce sont les vieilles statues qui habitent ou ont habité la chapelle : la statue de saint Antoine de Padoue, restaurée après un incendie survenu en 2015, date du XVII° siècle, celle de Notre-Dame de Guérison, de style roman, du XIV° siècle et celle de saint Antoine le Grand, maintenant au Musée en Piconrue à Bastogne, de la même époque.

Avant l’incendie, le Christ qui surplombe le maître autel était doré. Marie-Paule Théate (+2016) en entreprit la restauration. Elle me fit remarquer que, sous le doré, il y avait plusieurs couches de polychromie plus anciennes. Je lui ai demandé de les remonter jusqu’à la première. Ce Christ est aujourd’hui comme il le fut tout au début et ses couleurs ne jurent pas avec celles qu’on emploierait aujourd’hui.

Les vitraux de la chapelle, beaucoup plus récents (les premiers datent de 1947), valent aussi qu’on s’y arrête. D’abord parce qu’ils sont colorés et beaux, ensuite parce que s’ils n’avaient pas résisté lors de l’incendie de 2015, le feu ne se serait pas contenté de couver, mais il se serait enflammé et, certainement, que la chapelle aurait été perdue. Les deux premiers sont dédiés à saint Antoine, les deux suivants à la Sainte Vierge et les quatre derniers à Jésus. La Vierge et les saints ont vocation de conduire à Jésus. L’un d’eux, dédié à Marie, est signé J. Louis pour le carton et O. Condez pour la réalisation.  

Tous les vêtements sacerdotaux ont disparu lors de l’incendie à l’exception d’une chasuble rouge, oubliée dans une autre église, après la cérémonie des confirmations. Les chasubles et étoles qu’on trouve actuellement sont donc récentes. Deux chasubles et deux étoles sont des dons de pèlerins. Les chasubles, blanches, sont dédiées à la Vierge. La plus récente vient de Fatima. Les étoles sont dédiées l’une à Saint Antoine, l’autre à la Vierge et au Padre Pio. 

Les vieilles tombes autour de la chapelle sont à l’abandon et c’est triste. Tout d’abord parce que la plupart sont ornées de croix sans doute forgées à Ferrières, ensuite parce que les plus anciennes sont gravées de considérations personnelles qui sont autant de témoins de la foi de nos ancêtres. Certaines sont d’ailleurs reprises dans le « Répertoire photographique du mobilier des sanctuaires de Belgique. – Province de Luxembourg – Canton de Barvaux -, écrit par Agnès Gouders et publié par le Ministère de la Culture Française – Institut Royal du Patrimoine Artistique à Bruxelles en 1977. Dans la région, pareilles tombes méritent un meilleur sort que celui qui leur est actuellement réservé. Elles pourraient faire l’objet d’un prochain article.

La grande croix à l’entrée du cimetière a été volée pendant le confinement. Certains antiquaires, peu scrupuleux, connaissent la valeur de ces humbles témoins que nous ne voyons plus mais qui, malgré tout, sont partie intégrante de nos souvenirs et de notre patrimoine.

Avec quelques amis, nous restaurons, photographions et répertorions ce patrimoine important, en espérant que d’autres prendront la relève.

 

Christian Dehotte.

Pour en savoir plus sur la légende du site de Saint-Antoine, l’auteur a écrit deux ouvrages : « Visite à Saint-Antoine » et « Promenade à Saint-Antoine » D/ Christian Dehotte, éditeur. Ils peuvent tous deux être obtenus gratuitement au : 21, route de Saint-Antoine. 6960 Manhay. christian.dehotte@gmail.com

Plus de renseignements aussi sur le site www.saint-antoine.be

Les illustrations sont toutes tirées du site https://saint-antoine.be/

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