La Sedes Sapientiae de l’église Saint-Jean à Liège : au cœur de la sculpture mosane du XIIe siècle
Véritable chef-d’œuvre de la sculpture mosane, la Sedes Sapientiae de l’église Saint-Jean à Liège constitue un témoignage singulier de l’art médiéval. Qu’est-ce qui la rend si exceptionnelle au point d’être reconnue comme Trésor ? Découvrons-le ensemble.
Fiche d’identité :
Chêne, cristal de roche, verre
H. 136 cm – L. 56 cm – P. 47,5 cm
Eglise Saint-Jean, Liège
Classé le 8 octobre 2012
Une représentation raffinée
Le terme latin « Sedes Sapientiae » désigne littéralement « trône de la sagesse » et il fait référence à un mode de représentation de la Vierge à l’Enfant qui était en vogue au début du XIIIe siècle en région mosane. En ce sens, la Vierge sert de trône à l’Enfant, qui est l’ultime incarnation de la sagesse.
Réalisée aux alentours de 1230, la Vierge couronnée de l’église Saint-Jean est représentée assise sur son trône, le diable à ses pieds, figuré sous les traits d’un dragon. Sa main droite levée laisse supposer qu’elle tenait quelque chose, probablement une pomme. L’Enfant, lui-même assis sur son genou droit, tient dans sa main gauche le globe crucifère, symbole de souveraineté universelle.
Le revers de l’œuvre, qui n’était pas destiné à être vu, a été évidé et ne dispose pas d’un soin aussi travaillé que l’avers.
La mère de Dieu porte une robe resserrée à la taille par une ceinture ainsi qu’un manteau qui couvre ses épaules. Elle est coiffée d’un voile court par-dessus lequel est posé sa couronne. Le Christ est vêtu d’une tunique longue dont le col est serti d’ornements précieux. D’un point de vue stylistique, l’œuvre a été sculptée avec soin, comme en atteste le traitement des plis des vêtements qui évoquent les « drapés mouillés » antiquisants, qui suggèrent notamment la forme des jambes des deux protagonistes. Les mèches de cheveux ont été subtilement dégagées de la matière, au même titre que les paupières et les phalanges. Ces différents détails permettent d’attester la qualité de mise en forme de la pièce.
Un témoin d’une riche polychromie
La Sedes se démarque notamment par la conservation remarquable de sa polychromie d’origine. En effet, exceptées les carnations qui ont été repeintes plus tardivement, les incrustations ainsi que la dorure datent dans leur majorité du XIIIe siècle. En raison de cette prépondérance d’or, l’œuvre fait partie d’un type de polychromie qui se développe entre 1230 et 1240, à savoir le type « à dominante or ». La Vierge à l’Enfant de l’église Saint-Jean à Liège est actuellement le seul témoin mosan conservé de ce type, ce qui en fait un objet remarquable. Outre l’or, la Sedes Sapientiae se caractérise également par la variété et la richesse des moyens décoratifs employés. En effet, des cabochons en cristal de roche ont été incrustés dans le bois pour évoquer des pierreries précieuses. Elle s’illustre également à travers le réalisme de son regard et de celui de son Enfant : les yeux sont réalisés à partir de billes noires en verre, insérées dans le bois, pour représenter les pupilles. Celles-ci sont entourées de bleu pour représenter l’iris et enfin, les paupières ont été délicatement sculptées.
Envie de la découvrir ? Informations pratiques d’accès à l’église : Heures d’ouverture de l’église
lundi, mardi, jeudi et vendredi : 12h00–13h00
mercredi : 12h00–13h00, 19h30–20h30
Samedi : fermé, dimanche : 18h00-19h00
Maura MORIAUX, CIPAR
Envie d’en savoir plus ?
LAFFINEUR M., Vierge à l’Enfant en majesté, dite Sedes Sapientae, dans , dans DELCOR Fr. (éd. resp.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, coll. Protection du Patrimoine culturel, 1, Bruxelles, 2015, pp. 162-163.
LEFFTZ M. (2019). Autour de la Sedes Sapientiæ de l’église Saint-Jean à Liège (1ère moitié du XIIIe siècle): réévaluation de la chronologie et nouvelles propositions d’attributions dans la sculpture mosane, dans BALACE S., PIAVAUX M., & VAN DEN BOSSCHE B. (Eds.), L’art mosan (1000-1250). Un art entre Seine et Rhin ? Réflexions, bilans, perspectives (pp. 212-236). (Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire, 85/86, 2014/2015).
MERCIER E., La polychromie de la sculpture mosane entre les XIIe et XIVe siècles. Couleurs, techniques et expressions en rapport avec l’évolution des formes et les pratiques cultuelles dans le diocèse de Liège, dans Bulletin de l’IRPA, n° 34, Bruxelles, 2013-2015, pp. 41-75.