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L’église Saint-Martin de Dave retrouve son graduel du 17e siècle

Publié le 31/05/2024

L’hiver dernier, le Musée diocésain de Namur présentait dans une exposition, avec d’autres livres de chant, un graduel du 17e siècle inédit, resté plusieurs années dans les réserves du musée. Ce graduel provenait de l’église Saint-Martin de Dave (près de Jambes, Namur). Endommagé et fragile, le livre vient d’être restauré, afin de permettre son retour à l’église de Dave. Ce week-end des Églises ouvertes (1er et 2 juin), le graduel est présenté pour la première fois au public dans l’église de Dave.

Un graduel ?

Le graduel après restauration
Fig. 1. Le graduel après restauration

Imprimé sur papier et protégé par une épaisse couverture composée de plaques de bois (« ais ») recouvertes de cuir et protégée par des rivets métalliques, ce livre de chant est frappant par son grand format : 60 cm de long, 40 cm de large, 16 cm d’épaisseur, et plus de 600 pages ! Cette grande taille s’explique par la fonction du livre : utilisé posé sur un lutrin dans le chœur de l’église, les chantres réunis autour du lutrin pouvaient y lire la musique.

Il s’agit plus précisément d’un « graduel », un livre liturgique qui contient les textes et la musique des parties chantées de la messe. Ce type de livre, qui apparaît dès le Haut Moyen Âge, tire son nom d’un type de chant, le répons-graduel. Ce chant était exécuté après la première lecture par le soliste qui se tenait debout sur un degré (gradus) menant à l’ambon (petite tribune à l’entrée du chœur d’où était lue la Bible).

2. Le graduel avant restauration
Fig. 2. Le graduel avant restauration

Relevant de la catégorie du plain-chant (cantus planus), une musique vocale et monodique, les chants du graduel appartiennent au répertoire connu sous l’expression de « chant grégorien », qui s’est développé dans nos régions à partir des 8e – 9e siècles. Les chants sont choisis suivant le calendrier liturgique.

Un livre conforme aux décrets du Concile de Trente

Le contenu du graduel a varié au cours des époques et des régions. Cet exemplaire, imprimé en 1640 à Paris, est présenté comme conforme au concile de Trente. À cette époque, les guerres de religions ne sont pas loin ; l’église a réaffirmé son autorité et s’est réorganisée. Le concile de Trente (1545-1563) avait été convoqué en réponse aux critiques des protestants. À la suite du concile, les livres liturgiques ont été remaniés, l’imprimerie favorisant leur diffusion et la normalisation de leur contenu.

En tout début de cet épais volume, se trouvent, en guise de préface, plusieurs textes qui nous éclairent sur l’histoire entourant l’édition du graduel. Tout d’abord, une lettre du pape Urbain VIII (1623-1644). Ce pape a mis en application plusieurs décrets du Concile, dont la réforme du bréviaire romain, publié en 1631. Il affirme la prédominance de l’Église catholique sur les mouvements protestants, en veillant particulièrement à une diffusion correcte et universelle de tous les textes et livres. Sa lettre s’adresse spécifiquement aux libraires et imprimeurs français pour saluer leur travail, dans le respect des consignes qu’il leur avait assignées.

Le deuxième texte est une lettre du roi de France Louis XIII (1601-1643), qui acte les propos du pape et rappelle que les livres en usage dans le royaume de France doivent être conforme aux décrets du Concile de Trente et aux intentions du Pape. Le troisième et dernier texte de la « préface » est une lettre du Cardinal de Richelieu (1585-1642) datée de 1631. Le Cardinal avait été chargé par Louis XIII de surveiller les corrections et l’impression des livres réformés. Le roi lui accorde le pouvoir de choisir les imprimeurs et libraires qui auront l’exclusivité de l’impression et de la diffusion de ces livres. Richelieu crée d’abord une « société » des principaux imprimeurs et libraires de Paris «  pour tous ensemble et à communs frais, travailler à la dite impression ». C’est ainsi que le graduel de Dave ne reprend au bas de sa première page aucun nom d’imprimeur, mais l’intitulé « Imprimerie des livres de l’office Ecclésiastique établie par ordre du Roi  MDCXL   Avec le privilège du Saint Père et du Roi très Chrétien français ».

Imprimé à Paris, le graduel de l’église de Dave n’est donc pas unique. En combien d’exemplaires a-t-il été distribué ? Comment ce livre est-il arrivé à Dave ? Quand ? Et à partir de quelle date a-t-il été utilisé pour le culte local ? Des recherches seraient nécessaires pour répondre à ces interrogations.

Le traitement de conservation-restauration

Des fragments de manuscrits plus anciens découpés pour renforcer la couverture
Fig. 3. Des fragments de manuscrits plus anciens découpés pour renforcer la couverture

Afin d’assurer la préservation du livre, un traitement de conservation-restauration a été effectué par l’atelier ARTBEE (Liège). Les pages, fragilisées par l’usure, l’encrassement, les déchirures, ont été nettoyées et consolidées. La reliure était particulièrement abîmée : lacunaire, encrassée, le cuir usé et craquelé. Elle a été complètement restaurée.

Fait curieux, mais pas du tout exceptionnel : la restauration a permis de dégager des fragments de parchemins, issus de manuscrits plus anciens, découpés et utilisés dans le passé pour renforcer la reliure. Il reste maintenant à en déchiffrer le texte, pour tenter d’identifier le manuscrit dont proviennent les fragments.

 

4. Nettoyage des pages. Photo © Atelier Artbee. 5. Restauration de la couverture. Photo © Atelier Artbee.

Merci à la Société archéologique de Namur pour le soutien logistique.

Hélène Cambier et Alex Furnémont 

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