Est-il important de conserver les bancs d’églises ?

Il s’agit d’une question que des fabriciens peuvent se poser. En effet, certaines églises doivent être repensées pour qu’elles continuent d’exister et d’être utilisées. On envisage souvent dans cette optique d’ajouter une fonction culturelle (concerts, spectacles, expositions, etc.) à la fonction cultuelle d’une église. Les bancs fixés sur un plancher en bois ne sont effectivement pas pratiques dans le cadre d’évènements culturels car ils ne sont pas amovibles.

Néanmoins, ces bancs font partie intégrante du patrimoine, de l’histoire et de l’harmonie d’une église (Fig. 1) ; la décision de les enlever ne doit pas être prise à la légère et doit faire l’objet d’une évaluation du service Patrimoine du diocèse concerné.

Dilemnes

Les coûts de restauration de bancs d’église peuvent être conséquents, par exemple quand ceux-ci sont fixés sur un plancher dégradé par l’humidité du sol (Fig. 2). À cela peut s’ajouter l’envie de vouloir plus d’espace dans la nef, pour avoir plus de liberté dans les activités, par exemple pour accueillir une exposition.

La décision doit donc être nourrie par une recherche, sur base d’anciens clichés réalisés par l’IRPA (Institut royal du Patrimoine artistique)[1] et d’observations menées in situ.

Ces observations permettent ainsi d’évaluer la qualité de la mise en œuvre, le style et d’éventuelles inscriptions (Fig. 3)). La devanture des premiers bancs peut être composée d’un millésime et de plusieurs noms de notables importants. Ces noms sont un témoin précieux de l’histoire locale et raconte la place qu’occupait la bourgeoisie dans la vie paroissiale[2].

Considérations techniques

La brique (Fig. 2) ou la terre sont les deux principaux éléments que l’on peut retrouver sous les planchers. Le but d’y placer ces matériaux était certainement de réduire le coût des matériaux pour la conception des carrelages.

Il est important de conserver les sols en briques situés sous un plancher. Le sol participe, tout comme les murs, à la régulation de l’humidité relative à l’intérieur d’un bâtiment[3]. Si une dalle étanche en béton remplace ce sol en briques, l’humidité provenant du sous-sol est bloquée ; elle va migrer par capillarité et se concentrer en périphérie de la dalle en risquant d’engendrer de nouvelles dégradations (développement biologique, cristallisation de sels, etc.).

Dans le cas de la restauration des planchers de bancs, il est préférable que les lames trop abîmées, soient remplacées par des lames de type chêne, afin que celles-ci soient résistantes aux fluctuations d’humidité et à l’action prolongée de l’humidité provenant du sol. Il est conseillé également que les calles en bois qui maintiennent le plancher et qui sont posées à même le sol en brique, soient remplacées par un bois dense et imputrescible comme le robinier ou le mélèze. De plus, une membrane étanche (par ex. EPDM, Roofing) peut éventuellement être posée entre ces calles et le sol en brique, pour éviter que le bois absorbe l’humidité provenant du sol.

Pour finir, il est conseillé de placer des ouvertures dissimulées sous des grilles, au niveau du bord des planchers afin de garantir une ventilation naturelle en-dessous et d’éviter que des moisissures se développent à l’intérieur de la structure.

Critères d'évaluation

Les décisions sur l’enlèvement ou la conservation de bancs d’église, ne peut se faire qu’au cas-par-cas et à la suite d’observations, de recherches et d’une réflexion commune avec la fabrique d’église concernée. De nombreux critères sont à prendre en considération, pour nourrir cette réflexion et aboutir à une décision, dont les principaux sont :

• la valeur d’ancienneté ;
• l’appartenance de ces bancs à l’histoire locale ;
• la qualité de mise œuvre, la richesse d’éventuels décors (Fig. 4) ;
• l’état de conservation.

Un autre critère, plus spécifique, est ce que l’on peut retrouver sous le plancher des bancs. Par exemple, d’impressionnantes pierres tombales du 17^e et 18^e siècle ont été redécouvertes sous certains bancs de l’église Saint-George de Limbourg (Fig. 5). Il est intéressant dans ce cas-de-figure de replacer les bancs dans une autre zone de l’église pour que ces dalles funéraires puissent être mises en valeur.

Dans d’autres cas où il y a un réel intérêt d’enlever les bancs en fonction des critères abordés précédemment et lorsqu’une église est reconvertie pour garantir sa sauvegarde, il est toujours judicieux de conserver 2 à 3 rangées de bancs en place afin de garder un témoin historique.

José Vetro, Service Patrimoine du diocèse de Liège

[1] https://balat.kikirpa.be

[2] Publication Facebook du CIPAR présentant l’église Saint-Nicolas d’Eupen, daté du 20-03-25 et rédigé par M. Stéphane Dado (https://www.facebook.com/share/p/1AHiQK6ivn).

[3] BOURSIER, H., 2022, « Réguler les sels », dans Maisons paysannes de France – Dossier Les sols de nos maisons (revue n°223), p. 14-15 (https://www.calameo.com/read/002975020e4827fdcc369).

Les illustration de 1-4 sont du Service Patrimoine du diocèse de Liège.