La dernière découverte de l’église Sainte-Madelberte de Celles (Commune de Faimes)
L’église Sainte-Madelberte de Celles continue de dévoiler, au fil des années, les trésors cachés de son passé. En 2019, lors de la réalisation de l’inventaire[1], elle avait déjà attiré l’attention avec la découverte d’un ostensoir-reliquaire contenant une relique de sa patronne, sainte Madelberte — sans doute un fragment de tissu. Plus récemment, le 8 septembre 2024, une célébration solennelle a marqué un moment fort pour la communauté paroissiale : une nouvelle relique de la sainte, extraite quelques mois plus tôt (le 19 juin) de la châsse conservée au Trésor de la cathédrale de Liège, a été officiellement intégrée au patrimoine local. Cette translation exceptionnelle, présidée par Monseigneur Delville, s’est accompagnée de l’acquisition d’un nouveau reliquaire, spécialement réalisé pour l’occasion.
Et l’histoire ne s’arrête pas là. Une découverte récente vient à nouveau de réjouir les fabriciens : une statue en pierre calcaire, longtemps perdue de vue, a été retrouvée dans un ancien coffre du presbytère. Son origine et sa destination initiale font dès lors l’objet de réflexions.
Dans cette notice nous évoquerons brièvement la figure de sainte Madelberte, avant de nous attarder sur la sculpture qui soulève encore bien des questions.
1. Contexte
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Fig. 1. Tour d’inspiration gothique (E. Job) | Fig. 2. Intérieur vers le chœur (E. Job) |
L’église a été rebâtie après un incendie en 1200. La tour actuelle date du XIIIe siècle[2]. Le bâtiment a fait l’objet de plusieurs campagnes d’intervention jusqu’à la fin du XIXe siècle. L’ancienne nef a été réparée au XVIIe siècle, reconstruite et consacrée en 1788 puis agrandie en 1877.
En 1895-1896[3], elle a fait l’objet d’une restauration et d’importantes modifications notamment l’installation des trois vitraux du chœur. On note aussi la construction d’une chapelle néo-gothique sur le flanc sud de la tour par la famille de Boussemart en 1898.
L’église de Celles se distingue par son dévouement à sainte Madelberte, une particularité unique en Belgique. Sainte Madelberte, fille cadette de saint Vincent et de sainte Waudru, était la troisième abbesse du monastère de Maubeuge[4], morte vers l’an 705. Ses reliques ont fait l’objet d’une dévotion particulière dans le diocèse de Liège dès le XIIe siècle. Sa fête liturgique est célébrée le 7 septembre.
2. Une sainte Madelberte tenant un buste attribué à saint Lambert
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La statue, récemment re-découverte, suscite de nombreuses interrogations. Elle représenterait sainte Madelberte tenant un buste attribué à saint Lambert[5]. Celui-ci diffère du modèle de la sainte au niveau du style. P. Bertrand, historien du Moyen Âge à l’UCLouvain et spécialiste de la vie de sainte Madelberte, mentionne que le modèle de la sainte pourrait dater du XIXe siècle. P. Georges, suggère un buste de saint Lambert plus récent qui aurait pu être ajouté à une sculpture plus ancienne[6]. |
Fig. 3. Sculpture, vue de face (F. Sondag) |
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Fig. 4. Sculpture sainte Madelberte (auteur et date inconnue) | Fig. 5. Cliché 1945, la sculpture est visible dans la niche au-dessus du portail (auteur inconnu, mai 1945 - archives de la fabrique) |
Néanmoins, les deux éléments semblent composés du même matériau. La cassure visible au niveau de la tête de saint Lambert permet d’examiner la nature de la pierre et d’effectuer des comparaisons visuelles.
À une certaine époque, après 1945 (Fig. 5), la sculpture a dû être déplacée et entreposée, pour une raison demeurée inconnue. Aujourd’hui, la petite niche (Fig. 7) qui l’abritait contient un autre objet, visible de l’intérieur : un élément pouvant être assimilé à un ostensoir (Fig. 6).
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Fig. 6. Niche dans la tour, au-dessus du portail (photo mars 2025 – E. Job) | Fig. 7. Niche au-dessus du portail (photo mars 2025 – E. Job) |
3. Matériaux constitutifs et état de conservation
L’ensemble des éléments constitutifs de la sculpture est en pierre calcaire, sans polychromie. D’après Eric Groessens, géologue expert dans les pierres de taille et d’ornement, il s’agirait d’un calcaire provenant de Savonnières-en-Perthois, département français de la Meuse. Ce calcaire du Portlandien supérieur, qui fut exporté en Belgique dès la période romaine et est toujours exploité, présente en effet exactement les caractéristiques visibles sur la cassure de la tête.
Au niveau de son état de conservation, la sculpture montre un encrassement généralisé. Cette observation pourrait corroborer son exposition à l’extérieur par le passé, dans la niche au-dessus du portail. La tête du buste attribué à saint Lambert est cassée (Fig. 8 et 9) et la cassure montre des dépôts de colle plus ancienne, suggérant une ancienne réparation. La sculpture de sainte Madelberte est un bon état de conservation et ne montre quant à elle pas de cassure.
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Fig. 8. Cassure au niveau de la tête du buste de saint Lambert (E. Job) | Fig. 9. Détail de la tête de saint Lambert (E. Job) | |
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Cependant une question reste ouverte : la sculpture était-elle polychromée à l’origine ? Des traces vertes (oxydation d’une feuille métallique ? Fig. 10) pourraient suggérer l’existence d’une polychromie ancienne qui aurait manifestement fait l’objet d’un décapage. La recherche est en cours.
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Fig. 10. Traces ancienne polychromie ? (E. Job) | ||
Il serait judicieux, dans un avenir proche, de prévoir une étude approfondie de l’œuvre afin d’en évaluer précisément l’état de conservation, une éventuelle polychromie (étude sous microscope), et, le cas échéant, d’envisager l’intervention d’un conservateur-restaurateur spécialisé.
4. Bibliographie
BERTRAND, P., La paroisse Sainte-Madelberte à Celles-Les-Waremme, LEODIUM, publication de la Société d’art et d’histoire du Diocèse de Liège, Tome 79 (1-6), janvier-juin 1994, pp. 20-26.
Emmanuelle Job, diocèse de Liège
Francis Sondag, trésorier de la fabrique d’église Sainte-Madelberte
[1] La constitution d’un inventaire détaillé est indispensable pour avoir une vision d'ensemble du patrimoine d’une église. Un inventaire permet d’identifier les pièces les plus significatives, mais aussi celles qui nécessitent une attention particulière en raison de leur état de conservation.
[2] BERTRAND, P., La paroisse Sainte-Madelberte à Celles-Les-Waremme, LEODIUM, publication de la Société d’art et d’histoire du Diocèse de Liège, Tome 79 (1-6), janvier-juin 1994, p. 22.
[3] L’ensemble des travaux effectués en 1895 est bien décrit dans le registre de la paroisse, y compris les prix du chantier et les montants versés par différents donateurs.
[4] BERTRAND, P., La vie de sainte Madelberte de Maubeuge, édition du texte (BHL S129) et traduction française.
[5] Ibidem, p. 25.
[6] Selon une légende ancienne, Madelberte aurait été la nourrice de saint Lambert, ce qui est bien entendu impossible, Madelberte étant née vers l’an 645 et Lambert en 636 !