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Dio non habita più qui? Conférence internationale sur l'avenir des églises

Publié le 10/01/2019

Conférence internationale organisée par le Conseil pontifical de la culture les 29 et 30 novembre 2018 à l’université grégorienne de Rome : un retour sur les journées.

Dans les pays d’ancienne chrétienté, le constat est général que le nombre d’églises paroissiales n’est plus adapté à l’évolution de la pratique religieuse.Il s’en suit un défi considérable pour l’Eglise qui doit adapter et gérer un patrimoine important dans le respect de sa spécificité.
Le Conseil pontifical de la culture a souhaité faire le point sur ce problème en organisant à l’université grégorienne de Rome un colloque international "Dieu n’habite-t-il plus ici ?" qui a réuni les 29 et 30 novembre dernier des délégués de vingt-trois conférences épiscopales d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Océanie.
Dans son message d’introduction, le pape François a rappelé que le patrimoine était indispensable à la liturgie sacrée, l’évangélisation et l’exercice de la charité. Le patrimoine culturel est le témoin de la foi de ceux qui l’ont créé et sa spécificité originelle doit être préservée même s’il n’est plus utilisé dans la vie ordinaire du peuple de Dieu.
Les participants ont ensuite entendu différentes interventions de spécialistes ainsi que les témoignages des délégations nationales. Si le contexte socio-pastoral est assez semblable d’un pays à l’autre, les solutions adoptées différent selon le statut juridique des Eglises et des bâtiments.Conférence à Rome
La conférence a adopté une déclaration qui doit servir de guide pour les politiques des responsables diocésains. L’objectif est d’apporter des réponses pastorales lorsqu’un espace n’est plus utilisé pour le culte et pourrait trouver de nouvelles fonctions sociales, culturelles, récréatives ou communautaires.
Outre l’importance historique et culturelle du patrimoine, l’accent a été placé sur des défis nouveaux et fondamentaux pour notre époque que constituent l’inclusion sociale et la sauvegarde de la création. Se référant à Laudato Si, le texte prône une réutilisation des églises dans un esprit « d’économie circulaire » fondée sur la réutilisation, la restauration et le recyclage.

Critères pour le changement d’affectation de bâtiments cultuels

  1. Après avoir envisagé la question sous les angles patrimoniaux, sociologique ou canonique, la déclaration relève quatre critères de base qui doivent guider toute démarche de réaffectation d’édifices religieux.
    Maintien de l’identité. Les églises ont connu dans leur histoire de nombreuses transformations qui en ont fait évoluer les formes tout en respectant l’intention initiale. Transformations architecturales et continuité identitaire témoignent de la capacité d’une communauté de marquer sa fidélité à sa mémoire autant qu’à son époque. Le changement d’usage et les transformations structurelles veilleront à maintenir une lisibilité respectueuse des éléments fondateurs même sil convient de s’adapter à une réalité nouvelle.
  2. Durabilité. Un processus de désaffectation doit s’inscrire dans la durée en tenant compte de facteurs économiques ou environnementaux mais aussi de contexte sociologique et politico-administratif. Les acteurs et les responsabilités seront clairement identifiés et les projets envisagés sur le long terme.
  3. Réappropriation par les communautés. Une implication large des communautés locales, pratiquantes ou non, dans le processus de prise de décision constitue un impératif fondamental pour la viabilité du projet. Une pluralité d’usage peut être promue dans une optique de co-responsabilité et de partage entre différents partenaires reconnus.
  4. Planification. Aucune intervention sur une église ne doit rester isolée. Elle doit se situer au cœur d’une réflexion globale sur les stratégies pastorales, les dynamiques sociales, les politiques culturelles et économiques, l’exploitation du patrimoine culturel. Cela suppose une étude large de ces différentes composantes.

Et le patrimoine mobilier
L’art chrétien est un atout extrêmement important qui continue de rendre un service extraordinaire en communiquant avec force l’histoire de l’alliance entre Dieu et l’humanité et la richesse du message révélé (Jean-Paul II, 31 mars 2000).
Le document adopté par les délégations aborde également la conservation et l’avenir du patrimoine mobilier. Il rappelle tout d’abord qu’idéalement une œuvre d’art religieuse ne devrait pas quitter l’église pour laquelle elle a été conçue. C’est dans le lieu d’origine qu’elle trouve son sens et assume sa mission de culte, de catéchèse, de charité et de culture. Néanmoins, en cas de désaffectation des bâtiments ou quand la sécurité ne peut être assurée, une autre destination doit être recherchée tout en s’assurant de la continuité sémantique.
Une première solution est de valoriser le patrimoine mobilier dans une église proche où un lien historique peut être maintenu. Si ce n’est pas possible, les œuvres d’art doivent rester sous la garde du clergé. Un musée "ecclésiastique" est la meilleure formule pour offrir une nouvelle vie aux vases sacrés, statues de dévotion, peintures d’autel ou reliquaires en leur permettant de témoigner sous une autre forme de la foi du peuple de Dieu dans une région donnée.
Notons que le texte rappelle, l’obligation d’établir un inventaire détaillé du mobilier (canon 1283, cette obligation se trouve également dans le droit belge).

Recommandations finales
Les délégués des conférences épiscopales s’accordent in fine sur une série de recommandations pratiques.
La réflexion sur l’avenir du patrimoine religieux incombe en premier lieu à l’Eglise qui doit en conserver la maitrise tout en ouvrant le dialogue à l’ensemble des communautés locales et aux pouvoirs publics et en tenant compte des dynamiques sociales et des stratégies pastorales. Elle doit s’inscrire dans un esprit de développement durable. Cela suppose que les acteurs pastoraux disposent d’une bonne formation en patrimoine, en histoire de l’Eglise et de la liturgie et en droit canon.
En cas de désaffectation, un usage religieux, culturel ou communautaire doit être préféré à une réutilisation commerciale, industrielle ou à des logements privés. Les transformations architecturales veilleront à respecter la lisibilité de bâtiment originel. La destruction est vécue comme un échec et doit être à tout prix évitée.
Le texte définitif sera publié dans les prochaines semaines par le Conseil pontifical de la culture.

Christian Pacco

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