Un nouveau trésor déposé au Musée diocésain de Namur
Le Musée diocésain de Namur vient d’accueillir près d’une quarantaine d’objets d’orfèvrerie : calices, patènes, ciboires, ostensoirs, reliquaires ou ornements de statues, déposés par la Fabrique d’église Saint-Jean-Baptiste de Namur. Retour en images sur le plus richement orné de ces objets : un ostensoir du XVIIe siècle.
L’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, en plein cœur du vieux Namur (place Marché-aux-Légumes), est particulièrement chère aux Namurois. Cette église dont l’histoire pourrait remonter au début du Xe siècle est actuellement fermée pour d’importants travaux de restauration. Le début des travaux a été précédé d’un autre chantier, mené avec brio par la Fabrique : l’inventaire du patrimoine mobilier puis sa mise en sécurité en prévision des années de travaux à venir. C’est ainsi que les objets d’orfèvrerie ont été déposés au Musée diocésain.
Datés entre le XVIIe et le XXe siècle, ces objets constituent un véritable trésor enrichi au cours des siècles par les desservants ou les paroissiens, matérialisant ainsi l’histoire de l’église et de sa communauté. Parmi eux, un calice, un ciboire et un grand ostensoir, réalisés par l’orfèvre Henri Dardenne, ont été donnés par le curé Denis Camus vers le milieu du XVIIe siècle. Nous vous proposons d’explorer en images cet ostensoir, qui fourmille de détails se rapportant tous à l’Eucharistie. Cela montre la grande cohérence de l’ornementation de ce type d’objets, dont l’iconographie se retrouve très souvent déclinée à différentes échelles dans le patrimoine mobilier des églises, notamment dans les décors associés à l’autel et au tabernacle.
L’ostensoir a comme rôle de magnifier l’hostie consacrée, le Corps du Christ. Il est utilisé pour l’adoration, la procession et la bénédiction.
La forme générale de l’ostensoir ainsi que plusieurs éléments décoratifs sur celui-ci évoquent de petites tourelles. Cette architecture rappelle à la fois l’édicule de forme circulaire qui marque le tombeau du Christ à Jérusalem, et le ciborium qui pouvait surmonter l’autel, lieu de la commémoration du sacrifice du Christ, de l’Eucharistie.
À l’origine, l’hostie était placée dans un cylindre de verre maintenu par deux montures circulaires toujours visibles aujourd’hui. Au XVIIIe siècle, ce dispositif est remplacé par un autre, suivant les pratiques alors à la mode. La lunule (support de l’hostie) est entourée de rayons de lumière qui glorifient encore davantage l’hostie. Ces rayons signifient la présence du divin dans l’hostie et renvoient à l’image d’un Christ lumineux et protecteur. Une inscription précise la date de cette transformation : en 1718, « au temps de l’abbé Mahi et du Mambour Nicolas Bivort ».
L’ostensoir est surmonté d’un pélican, étrange image que l’on retrouve souvent dans les objets d’église. Sa présence s’explique par une fable diffusée notamment par les bestiaires du Moyen Âge. Cette fable veut que le pélican tue sa progéniture puis, après trois jours, de chagrin, il se perce le flanc de son bec ; le sang qui coule sur les petits les ramène à la vie. La signification de l’animal est renforcée par le nid, qui est constitué d’une couronne d’épines, en référence à celle du Christ.
Au centre d’une structure circulaire, le Christ debout presse la plaie de son flanc ; son sang s’écoule directement dans un calice posé à ses pieds. L’iconographie liant le Crucifié, le sang et le calice est ancienne et peut prendre plusieurs formes. Le sang est indissociable de l’hostie, puisque l’Eucharistie rend présent le corps et le sang du Christ sous l’espèce (l’apparence) du pain et du vin. L’image du sang rédempteur coulant dans le calice est d’autant plus importante que, lors de l’élévation, le prêtre ne peut montrer que le calice (le contenant) et que les fidèles ne communient pas sous les deux espèces.
Sur le pied, figurent notamment l’Agneau, symbole du sacrifice du Christ, et saint Jean-Baptiste. Quoi de plus logique que la présence du Précurseur, le dernier prophète qui a précédé Jésus pour annoncer sa venue et qui a dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.» (Jn 1, 29), paroles proclamées lors du baptême de Jésus et reprises à chaque Eucharistie. L’Agneau figure également sur le calice et le ciboire offerts par le curé Camus.
Le curé Denis Camus, donateur de l’ostensoir, a fait placer ses armes bien en vue, également sur le pied. Ses armes figurent aussi sur le ciboire et le calice. Une inscription sur ce dernier confirme qu’il a fait faire les trois objets pour l’église. Cela est rapporté également dans ses mémoires, conservées parmi les archives de la cure. Le curé Camus figure également dans une inscription liée à une intervention architecturale sur la tour de l’église, au début du XVIIe siècle.
Indice pour les historiens de l’art et autres connaisseurs, le poinçon aux lettres « HD » liées est celui de Henri Dardenne, orfèvre formé et ayant résidé à Anvers. Il était toutefois proche de Namur, d’Andenne et de Huy, car beaucoup d’œuvres conservées dans les églises de la région comportent son poinçon.
Quand peut-on admirer ces objets au Musée diocésain ?
Contrairement à d’autres musées, le Musée diocésain n’a pas encore ouvert ses portes cette année. La pandémie de Covid-19 a retardé le réaménagement d’une partie de l’exposition. Il sera à nouveau accessible dans le courant de l’été : pour plus d’informations, rendez-vous sur le site internet.
Line Eschenhorn et Hélène Cambier