Les châsses de Wallonie, un patrimoine exceptionnel
Les châsses médiévales sont des chefs-d’œuvre d’orfèvrerie ; leurs décors rutilants font appel à des techniques variées : gravure, ciselure, repoussé en haut relief, émaillerie, etc. Une seule châsse peut représenter une quantité impressionnante de matériaux précieux : plusieurs kilos d’argent doré ou plusieurs centaines de pierres précieuses. La préciosité des décors et la qualité de leur mise en œuvre sont destinées à rendre gloire à Dieu et aux saints, autant qu’à éblouir et à étonner les fidèles.
La splendeur des châsses
Par leur taille, la quantité de matériaux précieux et la main d’œuvre spécialisée requise pour leur réalisation, les châsses sont évidemment des œuvres coûteuses, réservées aux institutions qui en ont les moyens. Au Moyen Âge, les orfèvres sont des artisans au statut privilégié. Leur renommée peut dépasser les frontières ; certains se déplacent sur de longues distances pour répondre aux commandes prestigieuses, comme Nicolas de Verdun, l’orfèvre auteur de la châsse de Notre-Dame de Tournai.

Des chefs-d’œuvre uniques
Les châsses conservées en Wallonie sont particulièrement prestigieuses. Les châsses réalisées aux 12e et 13e siècles dans les régions situées entre Tournai et Cologne se distinguent par leur monumentalité et par la richesse de leur décor. Ces châsses qualifiées de « rhéno-mosanes » par les historiens de l’art comptent parmi les réalisations d’orfèvrerie les plus fastueuses du Moyen Âge. La châsse des trois Rois mages à Cologne, réalisée vers 1200, est le plus grand reliquaire orfévré médiéval, avec 2 m 20 de long. Une autre châsse particulièrement impressionnante est celle de la Vierge à Aix-la-Chapelle, qui contient les quatre reliques principales de la cathédrale. Avec l’augmentation du nombre de pèlerins, l’ancienne châsse avait été jugée trop modeste et indigne du rang des reliques ; la nouvelle châsse, réalisée au début du 13e siècle et toujours conservée aujourd’hui, mesure 1 m 80 de long.

Plusieurs facteurs ont contribué à une telle floraison de châsses monumentales dans les régions situées entre l’Escaut et le Rhin aux 12e et 13e siècles. Ces régions comptent alors parmi les plus riches d’Europe, avec une concentration d’élites laïques et religieuses. C’est donc un terrain bénéfique pour un art de haut niveau et précieux comme l’orfèvrerie. À cela s’ajoute un grand dynamisme dans le culte des saints. Aux 11e et 12e siècles, les évêques de Liège et de Cologne procèdent à de nombreuses élévations (elevatio : reconnaissance d’un saint qui peut prétendre à un culte) et translations de reliques (translatio : transfert de relique d’un reliquaire à l’autre). Les reliques des saints nouveaux ou anciens sont mises à l’honneur par des reliquaires fastueux. Les pèlerins de plus en plus nombreux contribuent également, par leurs dons, à ces réalisations hors du commun.
Une véritable émulation (pour ne pas dire une certaine concurrence) se met donc en place entre les institutions religieuses aux 12e et 13e siècles : chacune souhaite la plus belle châsse et fait appel aux meilleurs orfèvres. Certaines châsses réalisées au 12e siècle sont d’ailleurs remplacées moins d’un siècle plus tard, c’est le cas pour la châsse de sainte Ode d’Amay ou la châsse de saint Remacle de Stavelot.

Hélène Cambier