Entraide patrimoniale dans la commune de Trooz
L’une des communes les plus touchées par les inondations de juillet est sans nul doute celle de Trooz. Au total, trois églises ont été complètement inondées, l’eau étant montée à plus d’un mètre de haut. Étant donné l’étendue des dégâts, plusieurs instances patrimoniales se sont mobilisées, traduisant un bel élan de solidarité pour sauver ces édifices et leurs œuvres.
Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, les trois édifices avaient été réquisitionnés pour y accueillir des vivres, des jouets, du matériel d’entretien, et tout autre élément qui peut venir en aide à la population locale. En effet, beaucoup d’habitants ont été sinistrés et ont été rapidement submergés pour sauver leur habitat. Par conséquent, cela laissait peu de disponibilités pour désengorger la situation dans les églises.
De là, un bel élan de solidarité s’est mis en place au-delà des frontières linguistiques. Cette solidarité s’est également traduite à travers la collaboration entre institutions compétentes de protection du patrimoine. C’est ainsi que le CIPAR a pu bénéficier du soutien de l’IRPA, de IPARC et de restaurateurs (spécialisés en mobilier en bois, textiles, peintures et métaux) issus du réseau du Bouclier Bleu pour soutenir les fabriques d’église dans la sauvegarde des biens mobiliers. C’est ainsi que l’église Saint-Laurent de Prayon a pu bénéficier de traitements de conservation préventive, les biens mobiliers n’avaient pu être évacués dans l’immédiat, faute de local de dépôt disponible.
Étude de cas concret d’une église sinistrée : l’église Saint-Laurent de Prayon
Le cas de cette église illustre les problématiques concrètes auxquelles l’on peut être confrontés dans une situation où des évacuations d’urgence n’ont pu être entreprises. En effet, tout le village a été impacté et par conséquent, il n’y avait pas de ressources disponibles pour mettre en place les « premiers gestes de secours », comme par exemple évacuer les textiles dans la sacristie, surélever le mobilier en bois, etc. La fabrique d’église a seulement eu le temps d’évacuer l’orfèvrerie liturgique pour la mettre à l’abri.
Au vu de ce constat, le CIPAR a dû procéder de manière méthodique et grâce au soutien des autres institutions, plusieurs biens ont pu être sauvés.
Une première visite a eu lieu sur place pour identifier l’état du site et cibler les priorités. Lors de la deuxième visite, il a été question de mettre en application les priorités ciblées.
Tout d’abord, une procédure d’évaluation de mobilier a été établie au préalable sur base de l’inventaire de l’IRPA. Toutes les données ont ensuite été référencées dans la base de données d’inventaire du CIPAR, par le CIPAR.
Ensuite, la prochaine urgence a été d’assainir la sacristie, qui était encombrée de meubles endommagés, embourbés et remplis de textiles. L’armoire de sacristie (répertoriée par l’IRPA) avait été lourdement dégradée. Elle avait flotté durant un certain temps, causant des dommages dans les parties supérieures, à tel point que le pinacle s’est enfoncé dans le plafond au moment où le niveau de l’eau est redescendu. Les tiroirs, gorgés d’eau, n’avaient pas pu être ouverts. En effet, ceux-ci étaient coincés dans le meuble car le bois, matériau hygroscopique, avait gonflé en raison de l’absorption d’eau. Cette humidité a provoqué l’apparition de plusieurs types de moisissures (noires, blanches, vertes, rouges et jaunes) dont aspergilius niger (variété de moisissure noirâtre qui peut être néfaste pour la santé). Pour sauver le meuble infesté, il fallait qu’il sèche correctement et seul un démontage des parties constituant le meuble pouvait permettre cela. Une demande de permission de démontage a donc été introduite préalablement à la fabrique d’église et au prêtre auxiliaire. Voici ce qui a été entrepris par le restaurateur de mobilier :
- Extraction des tiroirs pour en retirer les textiles encore gorgés d’eau et de boue ;
- Nettoyage à l’eau claire des tiroirs, à l’extérieur sur le parvis de l’église ;
- Séchage des tiroirs à l’extérieur durant quelques heures (jusqu’à la fin de l’opération) ;
- Démontage de la partie centrale du meuble pour permettre un séchage du bois ET du mur ;
- Mise à l’abri des tiroirs en fin de journée dans le chœur, à la lumière, pour un meilleur séchage et pour éviter un développement rapide de nouvelles moisissures.
Après avoir retiré les tiroirs, l’équipe s’est rendue compte qu’ils étaient encore remplis de textiles. Vêtements, tissus, linges, nappes avaient donc macéré durant un certain temps dans un environnement très humide. Après avoir été répertoriés, photographiés et évalués, il a fallu effectuer des choix. En effet, des biens ont dû être évacués en raison d’un stade de dégradation trop avancé, irrécupérable (déchirures, pourritures, moisissures, vers, champignons).
Les bannières conservées dans le meuble de sacristie spécialement conçu à cet effet ont été retirées pour pouvoir les sécher et les traiter correctement. Les restauratrices de textiles, de peinture et de métal ont entrepris les traitements suivants à l’aide de matériel adapté :
- Extraction des bannières de la penderie ;
- Aspiration de la moisissure à très faible intensité, à l’aide d’un pinceau doux ;
- Application d’une solution d’éthanol et d’eau déminéralisée pour retirer les moisissures ;
- Montage d’une structure temporaire constituée à partir de tables et de fil à linge pour pouvoir laisser sécher les bannières correctement. Cette structure a été montée dans le collatéral droit, près de l’entrée, pour éviter un apport de lumière directe (en effet, la lumière risque de décolorer les tissus).
Même si beaucoup d’actions ont été menées à bien, il ne s’agit que d’une étape du processus de sauvegarde. En effet, un suivi régulier devra être poursuivi sur place pour :
- Évaluer la rapidité de séchage du meuble de sacristie ;
- Vérifier la présence de nouveaux développements de moisissures sur les bannières, les vêtements préservés et les meubles.
Le développement de nouvelles moisissures est quasi inévitable, d’où l’importance d’un contrôle régulier.
Maura Moriaux