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Verviers, ville des textiles et de la laine, sous les eaux de la Vesdre

Publié le 21/09/2021

Les inondations ont lourdement impacté la région de la Vesdre, en ce compris la ville de la laine et du textile, Verviers. Trois églises, qui plus est sont classées patrimoine exceptionnel de Wallonie par l’AWaP, se sont donc retrouvées sous eau. L’étendue des dégâts était variable selon leur localisation dans la ville. 

Église Notre-Dame des Récollets

Édifice emblématique qui doit son nom à la statue miraculeuse qui porte le nom de Notre-Dame des Récollets, cette église située au bord de la Vesdre a été lourdement impactée. Les lambris, le maître-autel, les chaises, la chaire de vérité… tout le mobilier a été inondé. Étant donné que la sacristie est surhaussée de quelques marches par rapport au niveau de la nef principale, elle a été relativement épargnée, ainsi que tout son contenu.  

Église Saint-Remacle 

Cette église-halle du XIXe siècle impressionne par sa taille et par la particularité de son plan. L’édifice, qui évoque les anciennes basiliques romaines, est localisé dans le centre-ville verviétois.

L’eau s’y est infiltrée via le déambulatoire, inondant les sacristies, le chœur et la nef. L’église s’est remplie « comme une piscine », tel que l’évoque la fabrique d’église. L’eau y est montée jusqu’à 25 cm. Par conséquent, le mobilier en bois et le carrelage en ont particulièrement pâti. Heureusement, la fabrique d’église Saint-Remacle, assistée par le Comité Culturel Saint-Remacle, s’est rapidement mobilisée pour nettoyer les lieux, après que l’eau se soit complètement retirée. Ils ont pu compter sur l’aide de bénévoles de sorte à évacuer un maximum de biens vers les étages, comme les textiles liturgiques par exemple. Des tiroirs remplis d’ornements, de vêtements, de linges ont pu être sauvés de cette manière. Excepté les tiroirs du bas des armoires, les autres n’ont heureusement pas été directement humidifiés par l’eau et la boue.

Chapelle Saint-Lambert 

Localisée dans le bas de la ville, à proximité de la Vesdre, la chapelle a été plus durement touchée, les dégâts y ont été beaucoup plus importants. L’eau y est montée à plus d’1,50m à l’intérieur… ! Elle s’est infiltrée à l’intérieur de l’église avec force, le portail principal a cédé sous le poids de l’eau, qui l’a partiellement endommagé. Le mobilier en bois tel que les chaises et les orgues, avait été déplacé après avoir flotté durant plusieurs heures dans les flots. Le maître-autel du XVIIIe siècle a également souffert. Les textiles ont particulièrement été touchés mais la fabrique d’église Saint-Remacle (également gestionnaire du Temporel du Culte de la chapelle) et le Comité Culturel Saint-Remacle se sont rapidement mobilisés pour évacuer les textiles dans un lieu épargné des eaux : l’église Saint-Jean-Baptiste, localisée à quelques kilomètres de là. Après les avoir avoir sortis des tiroirs, fabriciens et membres du comité ont rincé à l’eau claire les vêtements, couverts de boue et de souillures. Après quoi, ils les ont disposés sur les chaises pour qu’ils sèchent. Parmi les textiles, plusieurs d’entre eux appartiennent à une communauté latine, qui organisent des offices dans la chapelle. Quelques chapes et chasubles datent du XVIIIe siècle et sont confectionnées dans des étoffes de qualité, dotées de fils de métal, de broderies, de velours, etc. et constituent des exemplaires caractéristiques du XVIIIe siècle. 

Focus sur un type de patrimoine sinistré : les textiles liturgiques

En tant que ville prospère durant le XIXe siècle grâce au développement de l’industrie de la laine et du textile, quoi de plus normal que d’aborder un type de patrimoine religieux qui a également été affecté lors des inondations à Verviers : les textiles liturgiques. 

Les altérations engendrées par les inondations sur les textiles :

  • Décoloration des couleurs, le rouge et le violet ont particulièrement déteints (étoffes souvent employées pour les doublures) ; 
  • Certaines parties d’étoffes collent les unes aux autres (par exemple, revers et avers) ;
  • Rigidification des étoffes et perte de souplesse après séchage ; 
  • En raison de la rigidification des étoffes, des taches blanches se développent en surface. En effet, l’amidon contenu dans les étoffes remonte en surface au moment du séchage ;
  • Déformations en raison de l’épousement des formes du support de séchage par les textiles ; 
  • Moisissures sur les velours et les étoffes épaisses ;
  • Feutrage (dans le cas de textiles à base de laine) ;
  • Petites déchirures au niveau des coutures ;
  • Chapes : déchirures au niveau des fermoirs et des orfrois;
  • Fils métalliques désolidarisés et oxydés ;
  • Fils de soie cassés ;
  • Bases en carton (principalement pour les bourses, manipules) déformées.

 

Les bons gestes : 

1. Rincer le plus rapidement possible les textiles dans les heures qui suivent l’inondation

Les textiles, s’ils ont été touchés par des eaux boueuses, doivent être rincés, et bien disposés pour un bon séchage dans les 48h qui suivent le sinistre.

2. Faire sécher les textiles humides

Si les textiles sont gorgés d’eau, il est vivement conseillé de les faire sécher dans un premier temps à plat, sur un cadre couvert par une moustiquaire, par exemple. Ainsi, l’air peut bien circuler et ralentir le développement des moisissures. Il est primordial de bien surveiller l’évolution de l’état des textiles. 

Dès qu’ils sont presque secs, il faut mettre les vêtements (chasubles, chapes) sur cintres renforcés à l’aide de tubes d’isolation qui dépassent la longueur du cintre (fixés avec des colsons au cintre, cfr publication du CIPAR sur les Textiles) pour qu’ils puissent sécher sans qu’ils gardent d’éventuelles déformations (qu’ils soient dans un premier temps séchés à plat ou mis à sécher sur de mobilier, comme cela a été le cas à l’église Saint-Jean-Baptiste à Verviers) . Attention, laisser les pièces moisies de côté pour le moment et les traiter AVANT de les placer sur cintre.

Pour les chapes, ne pas hésiter à soulever le chaperon pour vérifier si des moisissures se forment. Pour un séchage plus rapide du tissu sous le chaperon, il est conseillé de disposer une couche de doublure de tenture (blanc) entre le dos de la chape et le revers du chaperon. Dans l’idéal,  il est recommandé d’utiliser un papier buvard, qui est encore plus absorbant que le tissu. 

Disposer les grandes pièces textiles planes (nappes par exemple) à plat sur une surface bien propre (retourner les pièces régulièrement pour contrôler si développement de moisissures).

3. Traiter les moisissures

Les moisissures sont des micro-organismes, des champignons, qui se développent très rapidement sur des biens sinistrés à la suite d’inondations. Il faut impérativement se protéger contre les moisissures et manipuler les objets en étant protégé (mains, nez, bouche, yeux couverts), porter idéalement un masque FFP3 neuf ;

Aspirer les moisissures séchées, sur les étoffes sèches, à l’aide d’un aspirateur à très faible intensité. Idéalement, placer une fine gaze sur l’embouchure pour éviter l’aspiration d’éléments décoratifs (fils d’or, motifs, sequins, etc.). Aussi, il faut doter l’aspirateur d’un filtre HEPA pour éviter que les spores de moisissures se propagent. Jeter le filtre après utilisation et nettoyer l’aspirateur à l’aide de vinaigre blanc de maison. 

À savoir : les moisissures se développent principalement sur :

  • les textiles noirs ;
  • les zones qui sèchent difficilement (ex : sous les chaperons des chapes) ;
  • les étoffes épaisses ;
  • le velours ;
  • zones entachées (par ex : zones présentant des traces de sueur) ;
  • pièces rigides et humides.

À éviter : mieux vaut éviter le brossage car cela peut engendrer la prolifération des spores de moisissures et par conséquent, étendre les dégâts. 

4. Placer les chasubles à plat dès que les épaules sont quasi sèches

Au préalable, il faudra définir dans quels meubles elles seront rangées : la forme finale que les vêtements adopteront dépend de leur endroit de stockage. 

Bon à savoir : ne touchez à rien si la pièce ou le placard où sont conservés les textiles sont déjà entièrement moisis. N’essayez pas de ventiler la zone car cela disperserait les spores et cela serait dangereux. Fermez plutôt cette zone et rendez-là inaccessible jusqu’à ce que vous puissiez faire appel à une entreprise spécialisée (n’y accéder qu’avec un masque FFP3). Faites appel à des spécialistes du domaine de la conservation-restauration. 

La combinaison d’une forte humidité relative et une température élevée (plus de 20 degrés) est propice au développement de moisissures. Un environnement mal ventilé et obscur accentue ce phénomène. En outre, la saleté et la poussière constituent des milieux attrayants pour les champignons, les insectes et les rongeurs.

Maura Moriaux

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