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Des trésors sculptés en bois

Publié le 20/07/2023

En cette période estivale, le CIPAR propose une lettre spéciale consacrée à la mise en valeur d’un type de patrimoine religieux bien spécifique : la sculpture en bois, mais pas n’importe laquelle ! En effet, plusieurs églises wallonnes conservent des biens sculptés d’une qualité exceptionnelle à tel point qu’elles sont classées comme Trésors par la Fédération Wallonie-Bruxelles. À travers cette lettre, l’objectif est d’identifier ces treize œuvres, leurs spécificités et leur accessibilité.

Le patrimoine sculpté en bois : quelques notions

Parmi les sculptures classées en bois, on retrouve des rondes-bosses mais aussi des retables. Rondes-bosses ? Retables ? Que signifient ces termes à priori techniques ?

Les sculptures en ronde-bosse désignent des œuvres indépendantes, façonnées en trois dimensions. Il arrive que les faces non destinées à être vues soient laissées brutes ou soient évidées. C’est le cas notamment pour des sculptures insérées dans des niches ou encore adossées contre une paroi. Avant le XIIe siècle, la plupart de ces œuvres sont des représentations de la Vierge à l’Enfant, autrement dite « Sedes Sapientiae », ou du Christ en croix. À partir du XIIIe siècle, de nouvelles représentations iconographiques font leur introduction dans le domaine de la sculpture et c’est ainsi que l’on voit apparaître des statues représentant des saints.

Retable d'Enghien. Photo © KIK-IRPA, Brussels (Belgium), cliché KM001751

Les retables sont des œuvres sculptées, souvent monumentales, constituées de plusieurs reliefs et de petites figures en ronde-bosse, qui sont insérées dans une caisse en bois appelée « huche ». Ils se présentent comme un ensemble de petites scènes sculptées destinées à illustrer un récit. Les thèmes exploités sont le plus souvent des épisodes de la vie de la Vierge et/ou du Christ mais l’on retrouve également des représentations tirées de la vie de saints.

Les retables apparaissent à partir de la fin du XIVe siècle et se développent pleinement dans nos régions durant les XVe et XVIe siècles, élevant les retables sculptés au rang de production artistique caractéristique du gothique tardif. Les principaux centres de production étaient d’ailleurs Bruxelles, Anvers et Malines.

Plusieurs de ces œuvres sont recouvertes de peinture, de dorure et d’incrustations diverses (en métal, en verre, en cristal de roche, …) et par conséquent, elles sont qualifiées de « sculptures polychromées ». Leur production rassemble deux métiers indissociables : tandis que le sculpteur dégage les formes du bois, le peintre les recouvre de couleurs. La polychromie est un élément indispensable pour une œuvre sculptée destinée à en être recouverte. En effet, elle permet de souligner une série de détails subtils qu’un sculpteur n’aurait pas sculpté, tels que des mèches de cheveux, des paupières ou des effets de matière. Aussi, elle permet de conférer une expressivité à la sculpture, en soulignant par exemple un regard et des carnations. Il arrive même parfois que l’illusion soit poussée à l’extrême, à travers l’incorporation de billes de verre dans le bois, pour représenter les globes oculaires ou encore en incrustant des cabochons, des éléments métalliques et de la feuille d’or pour évoquer la richesse des vêtements.

Au cours des siècles, la polychromie originelle a souvent été recouverte d’une succession de couches plus tardives, ou encore, elle a été décapée partiellement voire intégralement. La conservation de sculptures avec leur polychromie d’origine est donc un fait peu commun, ce qui rend ces œuvres d’autant plus rares et renforce par conséquent leur caractère exceptionnel.

détail du retable de Saint-Denis à Liège
Fig. 2. Détail du retable de Saint-Denis à Liège. Photo © Maura Moriaux

Des œuvres classées ET inaliénables : une double protection ?

Les œuvres sculptées présentées dans cette lettre sont classées car elles présentent toutes une valeur artistique et historique singulière. De plus, elles répondent à des critères de classement arrêtés par le Gouvernement. Ainsi, pour être identifié comme Trésor, il faut que le bien mobilier réponde au minimum à l’un de ces critères :

  • L’état de conservation remarquable ;
  • La rareté ;
  • Le lien que présente le bien avec l’Histoire ou l’Histoire de l’Art ;
  • La grande qualité de conception et d’exécution ;
  • La reconnaissance du bien par la communauté en tant qu’expression de son identité historique ou culturelle ;
  • L’intérêt de l’ensemble ou de la collection dont le bien fait partie.

De plus, les biens doivent avoir une ancienneté d’au moins cinquante ans.

Le classement est en priorité une protection pour les biens concernés mais comment se traduit-elle concrètement ?

Premièrement, le classement instaure un cadre réglementaire en termes de déplacements. Cela implique notamment qu’un bien classé ne peut plus quitter le territoire belge de manière définitive. Tout déplacement temporaire, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de son lieu de conservation, est nettement plus encadré. Si un bien est prêté, une demande spécifique doit d’abord être introduite auprès de l’Administration de la FWB, qui soumettra après analyse, une décision. Cela permet donc, par exemple, d’assurer un meilleur suivi en termes de conservation pour les potentiels prêts d’œuvres en cas d’expositions temporaires et de garantir une traçabilité optimale. Toute restauration doit également faire l’objet d’une demande préalable. De cette manière des interventions abusives de la part de personnes non formées est rendue impossible. En effet, des interventions maladroites ont déjà été effectuées par le passé, engendrant des altérations irréversibles. Enfin, un bien classé ne peut être vendu sans que la Fédération n’en ait été informée préalablement et qu’elle ait mené un dossier présentant une autorisation authentique.

détail de la main de la Vierge de l'église Saint-Jacques
Fig. 3. Détail de la main de la Vierge de l'église Saint-Jacques. Photo © KIK-IRPA, Brussels (Belgium)

Les gestionnaires disposent également d’un soutien professionnel de la part de l’Administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles en cas de besoins de traitements de conservations-restauration, par exemple. Enfin, des subsides sont mis à disposition des gestionnaires si des interventions de conservation s’avèrent nécessaires.

Deuxièmement, dans le cas d’œuvres conservées dans les églises paroissiales, elles se caractérisent aussi par leur inaliénabilité. En effet, en tant que patrimoine mobilier religieux affecté au culte, elles ne peuvent être déplacées, vendues, données et/ou transformées. Ces éléments sont d’ailleurs rappelés dans l’ordonnance épiscopale pour la protection du patrimoine mobilier et s’appliquent à tout propriétaire ou gestionnaire de patrimoine mobilier religieux conservé dans une église paroissiale.

Par conséquent, les trésors classés disposent bel et bien d’une double protection !

Des biens exceptionnels dans les églises paroissiales wallonnes : quels enjeux de conservation ?

Les églises, qui abritent des biens religieux variés, sont des lieux de préservation dont les enjeux de conservation divergent de ceux des musées. Comme beaucoup de biens mobiliers des églises, le patrimoine sculpté a également souffert des aléas du temps, des phénomènes de mode et de conditions de conservations problématiques. Rappelons également que la gestion, la conservation et la valorisation des édifices et des objets sont assurées par des fabriciens, qui sont des bénévoles. Leur rôle est capital et par conséquent, les soutenir constitue une tâche de première importance. De plus, les collaborations sont indispensables pour mener de manière commune une politique de gestion responsable et à long terme de ce patrimoine. La Fédération Wallonie-Bruxelles est par conséquent un partenaire de premier-plan pour la gestion des biens classés.

Actuellement, le réseau Trésors d’église créé par le CIPAR a pour objectif de constituer un lieu de concertation et d’échanges pour les gestionnaires à qui incombent la conservation et la valorisation de plusieurs biens classés au sein du lieu dont ils ont la gestion ou dont ils sont propriétaires.

À l’avenir, de potentiels nouveaux biens sculptés en bois pourraient rejoindre la liste de ces Trésors. La réalisation d’inventaires patrimoniaux (encore et toujours !) constitue un bon moyen pour mettre de potentiels biens à classer en lumière. Toute initiative est bienvenue pour (re)découvrir le patrimoine des églises !

Envie d’en savoir plus ?

La Fédération Wallonie-Bruxelles a publié deux tomes Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles (l’un paru en 2015 et l’autre 2021) sur le patrimoine mobilier classé en Wallonie.

DELCOR Fr. (éd. resp.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, coll. Protection du Patrimoine culturel, 1, Bruxelles, 2015.

De plus, le CIPAR a édité une brochure en 2020 sur la thématique de la sculpture en bois. N’hésitez pas à cliquer ici pour la découvrir.

Maura MORIAUX, CIPAR

Sources :

Fédération Wallonie-Bruxelles, Patrimoine mobilier, https://patrimoineculturel.cfwb.be/reconnaissances-subventions/patrimoine-mobilier/#:~:text=Un%20bien%20d'int%C3%A9r%C3%AAt%20patrimonial%20(BIP)%20est%20un%20bien,attribuable%20%C3%A0%20un%20bien%20class%C3%A9 (consulté le 10/07/2023).

 

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