Un retable d’origine anversoise en Vallée mosane : le retable de l’église Saint-Lambert de Bouvignes-sur-Meuse
À moins de deux kilomètres de la célébrissime citée mosane de Dinant se trouve le discret village médiéval de Bouvignes. L’église Saint-Lambert domine le village telle une sentinelle depuis son éperon rocheux. L’édifice impressionne par la richesse du patrimoine qu’elle conserve dont l’un des rares retables anversois du milieu du XVIe siècle qui soient parvenus jusqu’à nous.
Fiche d’identité :
Ecole anversoise, vers 1555-1560/1600 (Christ de la Crucifixion)
Bois sculpté polychromé, passementerie
l. 355 cm – L. 250 cm
Eglise Saint-Lambert, Bouvignes-sur-Meuse
Classé le 26 mars 2010
Classé trésor exceptionnel de Wallonie, le retable de Bouvignes (fig. 1) est sculpté dans du bois de chêne provenant des régions de la mer Baltique[1]. Placé sur l’autel du collatéral sud, il impressionne par ses imposantes dimensions (355 x 257 x 35 centimètres), caractéristiques de la production anversoise du milieu du XVIe siècle, qui convenaient particulièrement bien à son emplacement d’origine, le maître-autel de l’église. Le retable de l’église Saint-Lambert de Bouvignes est daté entre 1555 et 1560[2].
Les groupes sculptés et polychromés abrités dans les six niches de la partie principale du retable, appelée « caisse » ou « huche », représentent des scènes de la Passion du Chris : la Flagellation du Christ, l’Ecce Homo, le Couronnement d’épines, le Portement de croix au moment de la rencontre avec sainte Véronique, la Crucifixion (fig. 2) avec à l’avant-plan, à dextre, la Pâmoison de la Vierge et à senestre les Juifs se disputant la tunique du Christ, et enfin la Déposition du corps du Christ. La Passion est le thème le plus fréquent du programme iconographique des retables des XVe et XVIe siècles.
Une origine anversoise attestée
Son origine anversoise est attestée par dix-huit marques d’atelier apposées sur plusieurs groupes sculptés représentant une main ouverte (fig. 3). Ces marques, de quelques centimètres à peine, sont le symbole des sculpteurs anversois et attestent du contrôle de la qualité des sculptures à Anvers.
Un état de conservation mitigé en raison d’une histoire mouvementée
L’aspect actuel du retable résulte de son histoire mouvementée, marquée par une série de déplacements, de dégradations et d’interventions. Néanmoins, il éblouit par sa polychromie dominée par la dorure à la feuille d’or. Cette polychromie d’origine a pu être dégagée des nombreux surpeints postérieurs qui la recouvraient grâce à la campagne de conservation-restauration exécutée par l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA) entre juin 1992 et mai 1993. Outre la dorure, le rouge et le bleu sont caractéristiques de la palette de la production de retables des ateliers anversois au XVIe siècle[3].
La caisse est surélevée par une base horizontale appelée « prédelle » qui est divisée en trois compartiments rectangulaires. Actuellement, dans chacun des compartiments est enchâssé un fragment d’une pièce textile datant du XVIIIe siècle. Des photographies anciennes témoignent de la présence antérieure de panneaux peints dans ces compartiments. En 2015, un de ces panneaux est retrouvé et restitué gracieusement à l’église en 2016.
A l’origine, deux volets venaient se refermer sur la caisse. Ils n’étaient ouverts qu’à certains moments de l’année correspondant au calendrier liturgique.
L’assimilation au Nord des Alpes des formules du « nouveau style » influencé par la Renaissance italienne, elle-même largement inspirée de l’Antiquité, est attestée non seulement par la forme générale de la caisse et de ses éléments architecturaux (grotesques, guirlandes de fruits, colonnes à fût cannelé et chapiteaux corinthiens,…) (fig. 4) mais aussi, par le style des scènes (expressivité et attitude quasi théâtrale des figues, anatomies massives et puissantes de certaines d’entre elles). La Renaissance flamande est également bien perceptible dans le décor de grotesques dont certains des motifs s’inspirent de ceux imaginés par Cornelis Floris, ainsi que dans le goût pour la multitude de détails anecdotiques du quotidien.
Charlotte HANCE
Historienne de l’art, diplômée de l’université de Namur et de Liège.
[1] BAURET, C. et SERCK-DEWAIDE, M., Retable de la vraie Croix (vers 1556) de Bouvignes-sur-Meuse, Eglise Saint-Lambert, Bruxelles, 1993, n. p. [p. 6].
[2] SERCK-DEWAIDE, M., Examen et restauration de huit retables anversois, dans cat. exp., Anvers, 1993, p. 129-141.
[3] DERVEAUX-VAN USSEL, G., Retables en bois, Bruxelles, 1977, p. 12 (Musées royaux d’art et d’histoire. Guide du visiteur.).
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BAURET C. SERCK-DEWAIDE M., Le retable de la Vraie Croix (vers 1556) de Bouvignes-sur-Meuse, Eglise Saint-Lambert, Bruxelles, 1993.
BUYLE M. et VANTHILLO C. (dir.), Retables Flamands et Brabançons dans les monuments belges, Bruxelles, 2000, p. 157.
HENDERIKS V., Retable de la Vraie Croix, dans DELCOR Fr. (éd. resp.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, coll. Protection du Patrimoine culturel, 1, Bruxelles, 2015, pp. 196-197.
NIEUWDORP H. (dir.), Antwerpse retabels. 15de-16de eeuw. I. Catalogue, Anvers, 1993.