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Comment identifier des broderies restaurées au 19e siècle par la Maison Grossé ?

Publié le 27/10/2023

La maison brugeoise Grossé est le plus souvent connue pour ses créations contemporaines de vêtements liturgiques, reconnaissables par son étiquette placée dans le col de ces derniers. Mais son histoire remonte à la première moitié du 19e siècle, où, alors sous la direction de Louis Grossé, la Maison effectua également des restaurations sur des ornements prestigieux.

Fig. 1. Christ sur le Mont des Oliviers, chasuble de David de Bourgogne, face avant, restauration par la Maison Grossé en 1855, Liège, Trésor de la cathédrale Saint Paul (© KIK-IRPA)
Fig. 1. Christ sur le Mont des Oliviers, chasuble de David de Bourgogne, face avant, restauration par la Maison Grossé en 1855, Liège, Trésor de la cathédrale Saint Paul (Photo© KIK-IRPA, Bruxelles)

Plusieurs indices sont à repérer sur les broderies afin de déterminer s’il s’agit d’une restauration effectuée au 19e siècle, et possiblement par la Maison Grossé. Le premier, et le plus évident, est la fraicheur de la broderie, à la fois au niveau des fils de soie mais également des fils métalliques. Une broderie renouvelée, à la différence de l’ouvrage originel, présente des couleurs plus chatoyantes et des fils de métal plus éclatants. Il était en effet coutume pour la Maison Grossé de renouveler sur les orfrois d’ornements historiés médiévaux des scènes entières ou des figures saintes par de nouvelles créations.  Un bon exemple se trouve sur l’orfroi avant de la chasuble de David de Bourgogne, conservée au Trésor de Liège (fig. 1), où la scène du Mont des Oliviers est une création originale de Louis Grossé. Ces nouvelles créations tranchent avec les broderies originelles par un parti pris stylistique propre au 19e siècle. Les proportions ont ainsi tendance à être effilées, les yeux sont en amande, les figures ont également un caractère individualisé, et les scènes renouvelées sont le plus souvent empruntes d’une certaine théâtralité. Les indices propres à la Maison Grossé sont également la présence d’un fin liseré blanc sur la paupière inférieure de l’oeil, et des étoffes exécutées exclusivement au point dit « passé empiétant », où l’imbrication en quinconce des fils de soie colorés permet de subtils effets d’ombres et de lumières.

Fig. 2. Détails de cordonnets, première dalmatique de l’ornement « Cotrel », 1730-1734, Cathédrale de Notre Dame de Tournai(© KIK-IRPA)
Fig. 2. Détails de cordonnets, première dalmatique de l’ornement « Cotrel », 1730-1734, Cathédrale de Notre Dame de Tournai (Photo© KIK-IRPA, Bruxelles)

Pour les ornements datés des 17e et 18e siècles, sur lesquels se déploiement librement des motifs végétaux stylisés faits de fils métallisés et éléments rapportés, les restaurations se repèrent premièrement grâce à l’éclat du métal. À la différence des fils métalliques crées au 19e siècle, les broderies des 17e et 18e siècle ont davantage eu le temps de s’oxyder et ainsi se ternir. Les éléments rapportés, tels que les cannetilles — des sortes de « ressors » faits de métal enroulé —, trahissent quant à eux d’une production manufacturée de part leur régularité. Enfin, le dernier indice est la présence de fils de soie. Bien qu’originellement présents avec parcimonie sur les ornements originaux, Louis Grossé décida lors de ses restaurations d’en introduire de nouveaux sous la forme d’épais cordonnet colorés brodés sur le pourtour des broderies, afin de « mieux les faire trancher avec le fond ». Une telle intervention se retrouve de façon éloquente sur l’ornement dit « Cotrel » conservé à la cathédrale de Tournai (fig. 2).

Julie VANZELE

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