Gimnée : un chef-d’œuvre se révèle
Dans le chœur de l’église Saint-Servais de Gimnée (Doische), une grande toile représentant saint Eloi est partiellement dissimulée derrière l’autel. Redécouverte en 2000 par l’historien d’art Pierre-Yves Kairis, il s’agirait d’une œuvre majeure du peintre montois Charles Wautier. Ce 28 janvier, elle a quitté son église pour la première étape d’un parcours destiné à lui rendre la visibilité qu’elle mérite. D’abord restaurée à Bruxelles, elle sera ensuite valorisée dans une exposition internationale à Vienne.


Dans le coin inférieur droit de la toile, figure une date et une signature : « C. Wautier 1659 ». Peintre d’origine montoise, Charles Wautier (1609-1703) était quasi inconnu jusqu’il y a quelques années. Aujourd’hui, au côté de sa sœur Michaelina, il est considéré comme l’un des représentants majeurs de la peinture de son temps en Wallonie.
À l’occasion d’une exposition rétrospective dédiée à Michaelina Wautier, organisée du 30 septembre 2025 au 22 février 2026 par le Kunsthistorisches Museum de Vienne, la toile de Gimnée a été demandée en prêt.

Michaelina aurait en effet travaillé dans l’atelier de son frère à Bruxelles, et les historiens d’art s’interrogent dès lors sur leurs relations artistiques. L’exposition du Miracle de saint Eloi au côté d’une Annonciation peinte par Michaelina la même année, permettrait d’analyser les points communs, mais aussi les particularités propres aux deux peintres. Toutes deux datées, les toiles situeraient aussi les influences de la production bruxelloise ou du caravagisme sur le travail des Wautier à cette période.
L’observation de ces éléments, tout comme le déplacement de l’œuvre, ne peut cependant avoir lieu sans une restauration approfondie. Nécessaire à sa conservation, elle est financée par le Fonds Baillet-Latour.
Une toile majeure dans une église rurale

Comment une œuvre de cette qualité serait-elle arrivée dans la petite église Saint-Servais de Gimnée ? Une tradition locale, jamais attestée, voudrait qu’elle ait été offerte par la famille d’Arenberg, dont les armes marquent le fronton et la table d’autel. L’église est reconstruite en 1770, mais on ignore si la toile était déjà présente dans l’ancien édifice.
La dépose de l’œuvre a révélé une niche peu profonde à son emplacement, suggérant qu’un autre tableau pourrait avoir été initialement suspendu derrière l’autel.Pierre-Yves Kairis ayant mis en avant le caractère exceptionnel du Saint-Eloi de Gimnée, un dossier de demande de classement comme « Trésor de la Fédération Wallonie-Bruxelles » a également été introduit auprès de la Direction du Patrimoine culturel. Ce classement constituerait une mesure de protection de l’œuvre, tandis que la fabrique d’église souhaiterait en améliorer la visibilité en la présentant dans un autre emplacement de l’église classée depuis 1959.
La restauration, première étape de valorisation

Ce mardi 28 janvier, la toile de Gimnée a quitté son église pour Bruxelles, où elle sera restaurée par Laetitia Golenvaux, restauratrice indépendante spécialisée dans la peinture des xve au xviie siècles. Pour financer cette restauration, la fabrique d’église a obtenu le soutien du Fonds Baillet-Latour.
Le traitement favorisera tout d’abord une meilleure conservation de l’œuvre. La toile est en effet en mauvais état : le support présente des décollements et des traces de plis, tandis que la couche picturale est marquée par un encrassement important, des griffes et un verni jauni et opacifié.

En redonnant à l’œuvre toute sa lisibilité et sa valeur esthétique, cette restauration permettra d’en apprécier la qualité, tout en apportant une contribution majeure à la connaissance et à la revalorisation de son auteur, jusque-là méconnu. Elle permettra la présentation du tableau à un public international grâce à l’exposition de Vienne, et facilitera son étude par les spécialistes.
Son retour et l’amélioration de sa présentation dans l’église de Gimnée sera l’occasion de mettre en avant un patrimoine local de qualité, accessible à la communauté de croyants comme au grand public. La fabrique d’église s’engage en effet faire connaitre l’œuvre au plus grand nombre, par l’organisation de visites et d’horaires d’ouverture de l’église en dehors des offices religieux, ou encore en participant à différents évènements de promotion du patrimoine local.
Lise Constant (Service patrimoine de l’évêché de Namur)
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