Entretien de l’orfèvrerie liturgique : soyons prudents !
Parmi le patrimoine mobilier ancien conservé dans les églises, les objets d’orfèvrerie sont davantage sollicités dans la liturgie que d’autres types de biens. Utilisés plus souvent, ils requièrent alors un entretien plus régulier. Mais il est aussi tentant de vouloir leur rendre plus d’éclat. Surgit alors le danger de mauvaises restaurations : soyons prudents !

Régulièrement, des photos de tableaux défigurés par de mauvaises restaurations sont diffusées par les médias. Mais si des peintures maltraitées par des artisans un peu trop zélés heurtent l’opinion publique, de mauvaises restaurations de pièces d’orfèvrerie anciennes passent inaperçues. Pourtant, celles-ci perdent alors autant de valeur que les peintures défigurées. Or les mauvaises restaurations ne sont pas rares… Que faire ?
De quels objets parle-t-on et quels sont les problèmes constatés ?
Nous évoquons ici les objets d’orfèvrerie (calices, ostensoirs, reliquaires, etc.) relevant des biens culturels, c’est-à-dire qui ont une valeur artistique, historique, ou qui se distinguent par leur caractère représentatif ou rare.
Un problème important est lié au statut du métier de restaurateur, qui n’est pas protégé. Plusieurs entreprises de vente proposent des services de restauration, notamment pour de la vaisselle liturgique. Or, elles ne respectent pas forcément la déontologie de la conservation-restauration. L’objectif est la « remise à neuf » des objets ; leur valeur patrimoniale n’est pas prise en compte.
On rencontre fréquemment des objets anciens complètement réargentés ou redorés. Or, ces nouvelles dorures font perdre aux objets toute leur valeur. En effet, elles peuvent rendre illisibles les poinçons ou d’autres marques. Elles peuvent faire perdre le travail de surface voulu à l’origine par les orfèvres : contrastes entre des zones mattes et brillantes, gravures, patines, etc. Modifier drastiquement la surface d’une pièce orfévrée oblitère son apparence et son histoire, comme de mauvais surpeints défigurent un tableau ancien.
Il est aussi très tentant d’utiliser des produits du commerce pour l’entretien des objets. Mais si ces produits sont d’une efficacité redoutable, c’est parce qu’ils sont agressifs et acides : ils attaquent la surface du métal. Ils peuvent provoquer des effets néfastes sur le long terme, surtout s’ils sont mal rincés.
Que faire si on souhaite restaurer un objet ?
S’interroger
Avant toutes décisions, il faut se poser les bonnes questions. Pour commencer, il convient de s’interroger sur ses motivations :
- Pourquoi veut-on une restauration ?
- Que fera-t-on avec l’objet restauré ? L’utiliser ? L’exposer ?
- Si le problème est esthétique et qu’on ne compte plus utiliser l’objet, alors il vaut mieux ne rien faire.
Il est également nécessaire de connaître l’objet auquel on a affaire, et s’il y a un problème, d’identifier sa nature et ses causes :
- Quels sont les matériaux mis en œuvre ?
- Quel est l’état de conservation ?
- Quel est le problème constaté : est-ce un problème pour la conservation de l’objet, ou est-ce un problème esthétique ?
- Y a-t-il un vernis ? L’aspect doré : est-ce une dorure, ou un vernis doré ? Si c’est un vernis, un nettoyage (même à sec) peut endommager celui-ci…
- Etc.
Enfin, le type d’intervention doit également susciter des questions :
- Quel est l’aspect souhaité ? Est-ce viable à long terme ?
- Est-ce adapté à l’usage, aux conditions de conservation de l’objet ?
- Est-ce réversible ? Les méthodes proposées sont-elles en accord avec la déontologie de la conservation ?
Se faire conseiller
Il est important de se faire conseiller. Si vous avez un projet de restauration, commencez par envoyer des photos de l’objet au service du Patrimoine de votre diocèse. Il regardera avec vous ce qui est faisable : en fonction des cas, il sera peut-être possible d’intervenir soi-même, avec les gestes et les produits appropriés, ou il faudra faire appel à un conservateur-restaurateur spécialisé (le service du Patrimoine vous fournira des références).
Un mot d’ordre : la prévention

Mieux vaut prévenir que guérir ! Pour protéger les objets à long terme et éviter d’avoir à les restaurer, il faut avant tout agir sur leur environnement et leur manipulation.
Comme les autres objets d’art, les pièces d’orfèvrerie souffrent des conditions de températures et d’humidité relative instables, ainsi que des polluants. Ces polluants peuvent provenir des mains, des matériaux des armoires, du chauffage, des produits d’entretien, etc. La poussière catalyse les problèmes : déposée sur les objets, elle retient et concentre l’humidité et les polluants.

On peut protéger les objets en les couvrant d’une housse en coton propre (non blanchi au chlore). Cette housse doit être facile à manipuler, pour éviter d’accrocher des éléments, surtout pour les ostensoirs.
Les traces laissées par les doigts sont acides : elles laissent des marques qui seront de plus en plus visibles avec le temps, et qui seront très difficiles à faire partir. Il est donc nécessaire d’utiliser des gants pour manipuler les pièces d’orfèvrerie anciennes. Éventuellement, pour certains calices et ciboires, objets anciens plus couramment utilisés (de la vaisselle liturgique ancienne, en bon état, peut être utilisée !), on peut se contenter d’essuyer l’objet avec un chiffon doux et sec après usage.
Il n’est actuellement plus recommandé d’appliquer un vernis sur les objets : on a constaté que les vernis soi-disant protecteurs amplifiaient les dégâts. En effet, un vernis s’use avec le temps. Or, sur les zones usées, le métal va s’oxyder plus rapidement, et plus en profondeur. Pour protéger les objets, il faut donc agir sur leur environnement.

Un dépoussiérage des pièces orfévrées leur fera le plus grand bien ; cela pourra même suffire à leur rendre meilleure allure. D’autres interventions simples de nettoyage des objets, à faire soi-même, pourront vous être conseillées par le service du Patrimoine de votre diocèse ou des conservateurs-restaurateurs.
Hélène Cambier
Service Patrimoine de l’Evêché de Namur
Les fiches techniques du CIPAR
Le CIPAR propose des fiches techniques pour vous guider dans la conservation et la protection du patrimoine religieux.
Retrouvez la fiche technique sur l’entretien de l’orfèvrerie en cliquant ici.
Source
L’orfèvrerie liturgique. Sens, histoire et conservation, publication du CIPAR, 2019.
https://cipar.be/publication-cipar/#l-orf%C3%A8vrerie-liturgique-sens-histoire-et-conservation
Remerciements
Merci à Françoise Urban, conservatrice-restauratrice métal, pour ses conseils avisés