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Contamination du patrimoine en bois par les insectes xylophages

Publié le 30/10/2025

Les demandes les plus courantes des fabriques d’Église auprès du service Patrimoine du diocèse de Liège concernent le mobilier ou les sculptures en bois attaqués par des insectes xylophages. Mais de quels insectes s’agit-il exactement ? Comment déterminer s’ils sont encore actifs ? Et surtout, comment s’en protéger ?

Quels insectes « mangent » le bois ?

La littérature mentionne principalement trois espèces d’insectes xylophages : la petite vrillette, la grande vrillette et le capricorne. Ces insectes se nourrissent de bois pendant une partie de leur cycle de vie, à l’état de larve. Dans le patrimoine religieux de nos régions, c’est surtout la petite vrillette que l’on rencontre (Fig. 1), tandis que le capricorne sévit davantage dans les zones plus chaudes, comme le sud de la France.

Fig. 1 : petite vrillette - © Kai-Martin Knaak

La petite vrillette, à l’état larvaire peut vivre jusqu’à 5 ans dans le bois, avant d’en sortir pour aller contaminer d’autres zones. C’est quand elle est à l’état de larve qu’elle est destructrice, en formant un réseau de galeries. Le bois perd alors toute cohésion interne et tend à se désagréger. La période d’activité de la larve est accrue quand les températures atteignent 21°C. Pendant les saisons chaudes, lorsque les conditions sont propices, la larve est susceptible de se transformer en insecte adulte. Celui-ci quitte le bois par un petit orifice appelé trou d’envol. Il pourra à ce moment se reproduire et pondre des œufs pour finalement mourir au bout de 2 à 3 semaines [1]. Il est donc important de contrôler toute activité potentielle au printemps et ce chaque année, puisque des larves peuvent survivre de 2 à 5 ans. Il est important de préciser que la taille des trous d’envol ou de sortie permet de distinguer les différentes espèces : la petite vrillette creuse des galeries d’environ 2 mm, la grande vrillette entre 2 et 4 mm et le capricorne entre 6 et 10 mm.

Toujours actifs ?

Fig. 2 : détail d’un ancien repeint, recouvrant partiellement les trous d’envol - © José Vetro

Comment peut-on voir si ces insectes sont toujours vivants ? La première évaluation est d’inspecter les trous d’envol. Quand le bord de ces cavités est déchiqueté, net, et que l’intérieur de la galerie est clair, cela veut dire que des insectes on pris leur envol récemment : la contamination est toujours active. Par contre, quand le contour du trou d’envol est arrondie et plus clair, il s’agit de galeries plus anciennes parce que la surface a été usée par le nettoyage et l’entretien récurent du meuble. Dans d’autres situations, on observe aussi des bourrelets de peinture sur le bord des trous d’envol, indiquant qu’un repeint a recouvert la surface bien après la contamination (Fig. 2).

L’autre évaluation consiste à bien dépoussiérer les espaces après traitement insecticide et de contrôler ces zones, surtout au printemps [2]. Si de nouveaux dépôts de farine de bois sont constatés, cela veut dire que des larves sont encore vivantes, actives dans le bois et qu’il faut réitérer l’opération de décontamination.

Qu’est-ce qui attire ou repousse les insectes xylophages ?

Fig. 3 : contamination du pied d’un ange adorateur avec perte de matière - © José Vetro

Les insectes xylophages prolifèrent dans des lieux calmes, pas ou peu fréquentés. Ils font partie de la famille des décomposeurs et peuvent s’associer avec d’autres êtres vivants qui décomposent le bois, comme les champignons ou encore les moisissures. Tous ces êtres vivants, vrillette comprise, aiment aussi l’humidité. Ils vont donc se développer en périphérie d’une infiltration d’eau, dans les lambris à la base des murs ou dans un plancher en bois, si ce dernier n’est pas suffisamment ventilé.

Fig. 4 : pied manquant d’une chaise d’église, dont la jointure a été presqu’entièrement altérée - © José Vetro

Leur aliment de prédilection est le bois tendre des feuillus. Parmi ceux-ci on retrouve principalement le peuplier et le tilleul. Ce dernier était apprécié des artistes du XVIIe au XIXe siècle car facile à sculpter (Fig. 3). Dans les églises, on retrouve un grand nombre d’œuvres sculptées ou encore des panneaux de bois peints. Ces œuvres doivent idéalement faire l’objet d’une surveillance régulière. Notons que les chaises d’église récentes et de moindre valeur, sont, elles aussi, généralement conçues en bois tendre (souvent contreplaqué en peuplier) ; si une infestation se produit (Fig. 4) , il est recommandé de les évacuer pour éviter la propagation des insectes dans toute l’église.

Quels moyens pour les éradiquer ?

Plusieurs méthodes sont envisageables en fonction du type d’élément contaminé (meubles et objets à valeur non patrimoniale et patrimoniale), mais aussi par rapport à l’importance de la contamination.

Meubles et objets non patrimoniaux

Fig. 5 : contamination généralisée sur un banc d’église ordinaire - © José Vetro

Quand on parle de meubles et objets non patrimoniaux, cela signifie qu’ils n’ont pas de valeur historique, artistique ou culturelle particulière.

Ces éléments peuvent être traités en procédant à des injections à la seringue un produit insecticide [3] où en l’appliquant au pinceau lorsque les trous sont présents en grand nombre (Fig. 5). Il est souvent nécessaire de renouveler le traitement. Le mélange reste toxique et il est important de porter des gants de protection de type nitrile et un masque à filtre organique pendant toute la durée de l’intervention.

Meubles et objets patrimoniaux

On considère comme patrimoniaux les meubles ou objets dont la valeur historique, artistique, culturelle ou scientifique dépasse l’usage pratique, en raison de leur histoire, de leur rareté, ou encore de leur qualité esthétique.

De manière générale, le traitement peut être effectué avec le même produit insecticide, mais uniquement à la seringue. Un test doit être préalablement réalisé sur une zone peu visible, afin de contrôler les possibles interactions après séchage du solvant au niveau du bois ou encore au niveau de la polychromie, si l’élément concerné est peint ou verni. L’usage de la seringue a l’avantage de faire pénétrer le produit plus en profondeur dans les galeries et ainsi d’optimiser la décontamination.

Dans le cas d’une contamination généralisée sur de grandes zones, comme sous le plancher de bancs (Fig. 6) ou encore derrière des lambris ou un maître-autel, il est possible d’effectuer une fumigation. Cette opération doit être réalisée par un professionnel qualifié et consiste à nébuliser un biocide dans la structure même du meuble, derrière le revêtement en bois. Les lieux ne peuvent pas être occupés pendant quelques semaines pour laisser le temps à l’évacuation des vapeurs du produit.

Fig. 6 : contamination d’un plancher de banc d’église - © José Vetro

Dans le cas d’une sculpture en bois polychrome ou non, l’intervention doit être effectuée par un conservateur-restaurateur spécialisé.

Le traitement par injection à la seringue d’un biocide est le plus couramment utilisé, mais seulement si la contamination est mineure. Dans le cas où l’infestation est plus avancée, plusieurs possibilités sont envisageables :

  • L’anoxie statique, consistant à placer une œuvre en bois sous une poche hermétique. L’oxygène de l’air est absorbé par des oxydes de fer activés jusqu’à atteindre un taux d’oxygène quasi nul (<0,1%). L’œuvre ainsi conditionnée reste dans la poche scellée durant au moins trois semaines avec une température d’au moins 21°C et un taux d’humidité relative stabilisé entre 50 et 55%[4].
  • L’anoxie dynamique, pour un ensemble de sculptures ou une sculpture de plus grande envergure (>2m). Le principe est similaire à l’anoxie statique, et consiste à placer les biens contaminés dans une chambre hermétique thermosoudée. À l’intérieur, le dioxygène présent naturellement dans l’air, est progressivement remplacé par un gaz neutre, le diazote, injecté via un système de valves. La température et l’humidité relative de l’air sont contrôlées et ajustées au besoin. Cette opération demande un coût plutôt conséquent.

Conclusion

Fig. 7 : contamination d’un dessous d’autel devant le peuple (flèche) - © José Vetro

Les insectes xylophages peuvent causer des dommages importants au patrimoine en bois des églises. Ce problème pourrait s’aggraver avec la diminution de la fréquentation de ces lieux. Un traitement approprié est une solution pour y remédier. Cependant, des gestes préventifs peuvent être mis en place pour les éviter :

  • le dépoussiérage et le contrôle annuel des éléments en bois ou pièces qui ont été traitées afin de constater d’éventuels nouveaux dépôts de farine de bois ;
  • éviter l’apport de végétaux extérieurs dans l’église (pour décorer les crèches de noël par exemple). Ceux-ci sont susceptibles de contenir de petits êtres vivants ;
  • ranger les espaces les moins fréquentés de l’église et examiner les recoins peu visibles, une fois par an, comme en-dessous des table (Fig. 7) et des étagères, notamment dans les meubles de sacristie.

José Vetro


[1] Présentations de Jean-Albert Glatigny et d’Emmanuelle Mercier sur la Pathologie du bois, signes d’alerte. Conservation préventive et mesures curatives appropriées, dans le cadre des formations en gestion et conservation du patrimoine religieux, organisées par le CIPAR (16-11-24).

[2] Présentation de Gaëlle Vangilbergen sur la Gestion des infestations : les insectes, dans le cadre des formations organisées par le MSW (Musées et Sociétés en Wallonie) (22-09-25).

[3] Produit de commerce, prêt à l’emploi, composé généralement de perméthrine dilué entre 0,2 et 0,3% dans un mélange de solvants hydrocarbures.

[4] Centre interdiocésain du Patrimoine et des Arts religieux (coll.), La conservation des sculptures en bois dans les église paroissiales, CIPAR, Namur, 2020, p. 46-47 (https://cipar.be/wp-content/uploads/2021/05/SACF Brochure-Sculpture-bois-PROD-110920.pdf).


Lors des Journées du Patrimoine, le CHASHa a exposé les panneaux Saint, saint, sains du CIPAR et a présenté les enjeux de la conservation des sculptures en bois, principalement la lutte contre les insectes xylophages avec des poches d'anoxie. Ces quelques photos illustrent l'évènement.

© Samuël Christiaens

 

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