Vierge de Walcourt la plus ancienne statue mariale de Wallonie
La basilique Notre-Dame de Walcourt possède l’une des plus anciennes sculptures mariales de Belgique, propriété de la fabrique de l’église Saint-Materne. Cette Vierge est une statue bloc rappelant la sainte Foy de Conques, plus ancienne. L’enfant est posé de profil comme s’il devait bénir des personnages venant de gauche. La Vierge présente une frontalité et un hiératisme qui correspondent à l’attitude des Sedes Sapientiae dans la phase primitive de leur évolution esthétique et s’inscrit, par son revêtement métallique, dans un groupe d’effigies mariales caractérisées par leur apparence précieuse.
Fiche d’identité :
Atelier d’Oignies
Art mosan
Vers 1026 (sculpture)
Et vers 1260 (lame en cuivre doré du dos)
Bois, argent, cuivre, laiton
l. 62 cm – L. 58 cm – P. 20 cm
Basilique Notre-Dame, Walcourt
Classé le 26 mars 2010
Datant des environs de 1026, la Vierge de Walcourt fait l’objet d’un pèlerinage important depuis le Moyen Âge. Elle est en bois polychrome, puis, dans une seconde phase, elle est recouverte de lames d’argent. Une troisième intervention effectuée vers 1260 consiste à fermer le dos de la sculpture (creuse) par une plaque de cuivre doré et ciselé (H. 47 cm, l. 19 cm), dotée d’éléments décoratifs et iconographiques cassant l’austérité de l’œuvre.
Cette plaque du XIIIe siècle comporte quatre registres sur lesquels sont représentés les douze apôtres auréolés, munis d’attributs et de phylactères. Sur un fond guilloché, chaque apôtre se tient debout entre deux rinceaux de végétaux et sous un gâble soutenu par des colonnes à larges chapiteaux à feuillage. Les gâbles sont surmontés d’un ensemble de maçonneries ciselées rythmées par une succession de tours et fenêtres. Les apôtres sont identifiés par leurs attributs ou par les noms indiqués sur les phylactères. De haut en bas et de gauche à droite, on découvre : Paul (front dégarni, épée), Pierre (deux clefs et un livre), Jean (livre, palme, rinceau), Jude (inscription Juda), Simon (épée et inscription), André (croix), Barthélemy (couteau), Jacques le Mineur (bâton de foulon), Philippe (hampe et inscription), Thomas (inscription), Jacques le Majeur (inscription) et Matthieu (inscription). Si des variations dans les poses sont visibles, notamment les apôtres postés aux extrémités se tournent vers l’intérieur, l’aspect général est assez stéréotypé. On peut raisonnablement penser au recours à un carnet de modèles.
La pose de la plaque vers 1260 (décrite ci-dessus) est complétée par l’application sur la face et les bords latéraux du socle d’une bande en cuivre doré, ciselé de rinceaux dans lesquels sont sertis régulièrement neuf cabochons. Des stries sont gravées sur la bordure de cette bande, décor semblable à celui de la plaque, ce qui témoigne de la simultanéité de l’intervention.
La plaque couvrant le revers de la Vierge présente un décor que l’on peut rapprocher de celui du Pied-reliquaire de saint Blaise présenté au TreM.a à Namur. Ces deux œuvres ont vraisemblablement été réalisées dans l’atelier d’Oignies (vers 1260) après la disparition du maître. La cohabitation d’anciennes et de nouvelles formules stylistiques montre un passage entre deux générations d’artistes. La nouvelle génération adopte franchement le nouveau style gothique d’inspiration parisienne.
Il convient, pour être complet, de signaler maintes traces de remaniements successifs sur cette œuvre du XIe siècle complétée d’un dos historié au XIIIe siècle, comme celui survenu en 1626 lors de l’application d’un masque sur le visage marial et celui de l’enfant.
La Vierge de Walcourt a été classée comme « Trésor » par la Fédération Wallonie-Bruxelles le 26 mars 2010 (Moniteur belge du 28 septembre 2010).
Jacques TOUSSAINT,
Président hre de la Commission consultative du Patrimoine
culturel mobilier de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Le Pèlerinage à Notre-Dame de Walcourt
Au cœur de l’Entre-Sambre-et-Meuse, la basilique gothique de la petite ville de Walcourt, juchée sur son rocher accidenté et surmontée de son clocher bulbeux, abrite la statue miraculeuse de Notre-Dame de Walcourt. Sculptée en bois de tilleul et recouverte de plaques et de masques d’argent, on la qualifie souvent (à tort !) de Vierge noire en raison de sa couleur foncée résultant de l’oxydation du métal. Elle fait l’objet d’une vénération toute particulière et son culte est très ancien.
Notre-Dame de Walcourt
La statue de Notre-Dame était-elle déjà en place lors de la consécration de l’église en 1026 ? Les données historiques concernant la Vierge de Walcourt font défaut. Le plus ancien événement dramatique connu est l’incendie de 1220* auquel la statue échappa. Il est cependant à noter que les XVe et XVIe siècles furent des périodes particulièrement troublées pour Walcourt (pillages, incendies, saccages…). La préservation de la statue et sa mise en sécurité systématique attestent, déjà à cette époque, d’une dévotion profonde des habitants de la localité.
Il reste toutefois admis que la statue fut endommagée par les incendies, ce qui a sans doute justifié le fait qu’elle soit recouverte de plaques et de masques d’argent afin d’en assurer la préservation. Le degré de finition de la statue ne peut d’ailleurs être entièrement apprécié sans le dégagement de ces parties métalliques. Ces opérations en ont considérablement modifié l’apparence, créant, en outre, une disproportion entre la taille du visage de la Vierge et le reste de son corps ; particulièrement en raison des masques de 1626, plus aboutis, et conférant à Notre-Dame son expression singulière, plus douce, ainsi que des traits plus féminins. Les vêtements dont elle est actuellement vêtue cachent cette irrégularité structurelle puisqu’ils sont confectionnés en tabliers ne laissant apparaitre que les visages de la Vierge et du Christ.
Les origines de la procession
D’après la tradition rapportée de différentes façons, le miracle du Jardinet, survenu en 1228, est à l’origine de la vénération de Notre-Dame de Walcourt. Alors que la collégiale (qui sera élevée au rang de basilique par le pape Pie XII en 1950) était en proie aux flammes, les témoins oculaires de l’époque virent la statue s’élever des flammes (tantôt portées par les anges, tantôt précédée de colombes blanches selon les versions) pour se poser dans un arbre au lieu-dit « Jardinet », situé en contre-bas de la vallée. Devant l’impossibilité de l’en déloger, les habitants du bourg firent appel à Thierri, seigneur de Walcourt, qui, après l’avoir vainement suppliée par trois fois de descendre de son reposoir, promit à la sainte image de construire une abbaye en ce lieu. Touchée par cette offre, la Vierge serait alors descendue dans ses bras, se laissant ensuite ramener triomphalement à son autel.
Et la tradition orale de faire son office : le bruit de ce double miracle se répandit comme une trainée de poudre et les habitants, tant de Walcourt que des environs, voulurent voir et emporter une partie de l’arbre sur lequel la statue s’était réfugiée.
C’est pour commémorer cet évènement merveilleux que fut institué, sans doute immédiatement après, une procession qui aurait désormais lieu tous les ans. En effet, s’il faudra attendre cent ans après les faits pour en obtenir une première mention écrite (1329), le texte en question relate déjà la procession comme étant une coutume bien ancrée depuis longtemps dans la localité. D’autres miracles (certains authentiques, d’autres non-reconnus) attribués à Notre-Dame de Walcourt étofferont rapidement son rayonnement et son culte en Belgique, en France, en Allemagne et jusqu’aux Pays-Bas. Si cet article n’a nullement l’intention de reproduire tous les faits, notons que d’anciennes narrations de ces miracles se trouvent aux Archives de l’Etat à Namur. Par ailleurs, les centaines d’ex-voto qui ornent encore le transept nord de la basilique attestent de la dévotion particulière dont Notre-Dame fait l’objet, rayonnant bien au-delà de l’enceinte de la cité walcourienne.
Le pèlerinage
La pratique du pèlerinage, que le christianisme a considérablement développé, remonte à ceux que les Juifs entreprenaient pour se rendre au temple de Jérusalem. Les premiers Chrétiens inaugurèrent cette démarche dès les premiers siècles de la chrétienté en se rendant sur les tombes des saints et des martyrs. Durant tout le moyen-âge et surtout vers l’an 1000, la ferveur religieuse se traduisait par de nombreux voyages de l’espèce. Le plus souvent, le pèlerinage était simple et les fatigues de la route constituaient l’acte méritoire. Quelques fois, le pèlerin s’imposait lui-même des conditions pénibles (marcher pieds nus, porter des chaînes etc.)
Jadis, les pèlerinages « expiatoires » avaient aussi vocation judiciaire et étaient infligés aux personnes coupables de crimes ou de délits. Ces pèlerinages, au nombre desquels figurait celui à Notre-Dame de Walcourt, se retrouvent dans toute la Belgique et presqu’à toutes les époques. Ainsi, en 1293, plusieurs bourgeois de Namur coupables de rébellion furent condamnés à aller en pèlerinage à Saint Nicolas de Bari, à Saint Jacques, en Galice ou à Saint Gilles en Provence. Dans l’histoire de Namur, on trouve un grand nombre de condamnations semblables au XIVe et au XVe siècles. Le traité conclu le 07 mai 1318 entre le chapitre de Fosses et la commune de Walcourt, connu sous le nom de « Lettres del Paix », relate que vingt bourgeois furent condamnés à faire un pèlerinage à Notre-Dame de Walcourt (soit un peu moins de cent ans après le miracle « du Jardinet » et quelques années à peine avant la première mention écrite de l’escorte armée). Les conflits entre les bourgeois et les chanoines furent, dès ce moment, punissables de pèlerinages similaires voire plus contraignants encore selon la gravité des faits reprochés. À ce titre, le pèlerinage Fosses-Walcourt est toujours vivace actuellement : chaque année, les membres de la confrérie Saint-Feuillen de Fosses-la-Ville effectuent leur périple annuel à pied vers la cité mariale au début du mois de juin.
Autrefois, dans le pays de Liège, il y avait six principaux pèlerinages qu’on avait pour habitude de décréter pour amende : le voyage d’Outre-Mer dans la ville de Nicosie, l’île de Chypre, Saint-Jacques de Compostelle… Walcourt est du nombre et figure dans la liste des lieux expiatoires, dressée en 1595. Ajoutons que le pèlerinage durait souvent plusieurs jours en fonction de la localité de départ.
Les voyages auxquels on était condamné envers le seigneur et la justice étaient rarement ajournés mais il est probable qu’on les rachetait fréquemment. Le pèlerinage à Notre-Dame de Walcourt fut parmi les peines que beaucoup de villes belges infligeaient souvent. Les pèlerins qui avaient fait le pieux voyage formèrent parfois, à leur retour, des confréries ou érigèrent chapelles et potales pour que l’expiation soit définitivement accomplie et gravée à jamais dans le roc. Ces constructions sont nombreuses en Belgique et dans le nord de la France.
Ainsi, aux portes de Givet, il existe une chapelle bâtie en 1602 et élevée en l’honneur de Notre-Dame de Walcourt. Au commencement du siècle dernier, cette ville avait instauré une procession le jour de la Trinité qui fut ensuite abandonnée au profit de la procession-mère de Walcourt. Il y eut jusqu'à près de 9000 personnes qui venaient en pèlerinage dans cette chapelle.
Les Pèlerins à la Trinité
Depuis le miracle de 1228, le culte rendu à Notre-Dame de Walcourt n’a cessé de se répandre et de croitre à travers le pays. Jadis, en Belgique, le jour de la Trinité était davantage considéré comme le jour annuel de la madone walcourienne que comme la fête de l’un des dogmes les plus sacrés de l’Eglise. À titre d’exemple, jusque vers 1850[1], la confrérie de N.-D. de Walcourt, érigée en 1663 à l’église Saint-Loup de Namur, prenait part à la grande procession de la Trinité. D’ailleurs, dès la fin du XVIIe siècle, la semaine précédant le jour de la Pentecôte, les membres de ladite confrérie portaient la statue de Notre-Dame qu’ils possédaient de leur église jusqu’à l’église collégiale de Notre-Dame (à Namur ; cette collégiale est aujourd’hui disparue), où elle restait exposée à la vénération des fidèles. Ce rituel permettait ainsi d’honorer la Vierge miraculeuse de Walcourt sans avoir à effectuer le déplacement jusqu’à la cité mariale.
La construction du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse aura fortement modifié l’aspect du pèlerinage. Auparavant, la veille de la Trinité, les pèlerins arrivaient en masse et à pied, par bandes de 30, 50 ou 60 personnes, envahissant la ville dans l’espoir d’y trouver le gîte et le couvert. Il n’était pas rare de trouver 20 à 30 personnes logeant dans une seule chambre ou dans un grenier, parfois étendues à même le sol. Les pèlerins qui ne trouvaient pas de logement, même de fortune, en étaient réduits à loger dans les communes environnantes ou, lorsque les températures étaient favorables, à dormir à la belle étoile.
La création des chemins de fer, en augmentant la facilité des communications, a développé l’affluence et a exigé la mise en place de plusieurs trains spéciaux. Ainsi, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, pour peu que le temps soit clément, il était fréquent que le nombre de visiteurs s’élève à 40.000 personnes, (voire davantage) à Walcourt le jour de la Trinité[2].
Le pèlerinage aujourd’hui
Aujourd’hui, en règle générale, la route est encore pédestrement effectuée par des pèlerins qui sont liés par des promesses ; et le Grand Tour est toujours accompli tout au long de l’année par ceux qui ont conservé cette dévotion particulière et singulière pour Notre-Dame de Walcourt. Les apparitions de Banneux et de Beauraing (1932-1933) ont déplacé l’ardente foi mariale de Belgique dans les localités précitées, là où l’on a pris soin de développer des structures d’accueil et des sanctuaires propices à la fréquentation des foules. En outre, il faut bien reconnaitre qu’à Walcourt comme ailleurs, le folklore a pris largement le dessus sur la démarche pèlerine. Walcourt continue néanmoins d’attirer, notamment le jour de la Trinité, mais les motivations sont autres. On ne peut cependant nier que la Marche et la Foi se complètent mutuellement : on ne peut concevoir l’une sans l’autre.
Et malgré tout, Notre-Dame de Walcourt est là, plus belle et plus majestueuse que jamais, veillant inlassablement sur les affligés qui cherchent la consolation. Abritée dans le transept nord de la basilique Saint-Materne, elle fait toujours l’objet d’une dévotion ardente ; certes moins visible qu’auparavant, mais vivante. Chaque événement dont elle fait l’objet attire une quantité considérable de visiteurs, de curieux, d’admirateurs discrets et sincères[3]. Les nombreuses neuvaines et les innombrables cierges brulés chaque semaine sont les signes visibles d’un amour bien vivace. Et durant les neuf jours de pèlerinage (la grande neuvaine de la Trinité), la basilique n’est jamais vide et, osons le dire, Notre-Dame ne reste jamais seule.
La période s’étalant de 2025 à 2029 comportera de nombreuses dates anniversaire en lien avec Notre-Dame de Walcourt, sa basilique, son couronnement, ses miracles, sa procession… Le présent article se veut l’introduction juste, nécessaire et préalable aux nombreux événements à venir.
Florian LEPINNE. Président de la fabrique d'église Saint-Materne de Walcourt
[1] Le 11 juillet 1850 marque la date du couronnement officiel de Notre-Dame de Walcourt. (Article en préparation)
[2] L’excellent ouvrage « Chroniques des Marches Passées – Tome Ier » de R. Golard livre de nombreuses coupures de presse très explicites à ce sujet.
[3] L’exposition de la garde-robe de Notre-Dame a attiré plusieurs centaines de visiteurs ; de nombreuses visites guidées supplémentaires ont dû être organisées en dehors des moments initialement prévus. Elle sera réorganisée dans le cadre des années jubilaires.
Envie de découvrir le retable ? Informations pratiques d’accès à la basilique : heures d’ouverture
Tous les jours de 8h à 18h de Pâques au 31 octobre
Envie d’en savoir plus ?
L’art religieux dans le doyenné de Walcourt et l’œuvre de frère Hugo, Walcourt, 1975, pp. 14-19.
COLLON-GEVAERT S., Histoire des arts du métal en Belgique, coll. Mémoires de l’Académie royale de Belgique. Classe des Beaux-Arts, t. 7, Bruxelles, 1951, pp. 210-211.
COURTOY F., Le Trésor de la collégiale de Walcourt e, 1656, dans Namurcum. Chronique de la Société archéologique de Namur, II, 3, 1925, pp. 41-47.
DE BORCHGRAVE D'ALTENA J., La châsse de saint Symphorien, dans Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art, III, 4, 1933, pp. 332-341.
DE BORCHGRAVE D'ALTENA J., Le trésor et le mobilier de l'église Saint-Materne, dans Bulletin de la Société royale d’archéologie de Bruxelles, 1938, 2, pp. 49-73.
DIDIER R., Notre-Dame de Walcourt. Une Vierge ottonienne et son revers du XIIIe siècle, dans Bulletin de l’Institut royal du Patrimoine artistique, 25, 1993, pp. 9-42.
DIDIER R., Œuvres de l’atelier d’Oignies et d’autres ateliers, dans DIDIER R. et TOUSSAINT J. (dir.), Autour de Hugo d’Oignies, Namur, SAN, 2003, pp. 319-322.
TOUSSAINT J., Vierge de Walcourt, dans DELCOR Fr. (éd. resp.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, coll. Protection du Patrimoine culturel, 1, Bruxelles, 2015, pp. 116-117.