Le patrimoine religieux endommagé lors des inondations
Le CIPAR, alerté par les fabriques et autres responsables d’églises, a dressé rapidement une liste d’églises qui avaient potentiellement été touchées par la montée des eaux. Face à l’ampleur des sinistres, le CIPAR est venu en appui du service patrimoine du diocèse de Liège et du Brabant wallon en allant sur le terrain faire des constats d’état et trouver des solutions pour la conservation du patrimoine mobilier des édifices sinistrés.
A la suite de ces évènements, un comité de crise mis en place par l’IRPA et le Bouclier Bleu a vu le jour. Les institutions et administrations culturelles, associations et organisations du secteur patrimonial se sont associées pour lancer l’alerte sur l’impact des inondations sur le patrimoine belge. Dans ce cadre, le rôle principal du CIPAR est de documenter les interventions dans les églises (établir un rapport de visite qui renseigne les observations et les constats d’état , prendre des photos, faire remonter les informations à l'IRPA via leurs formulaires en ligne, assurer le relais entre restaurateurs et fabriques d’église) pour que les équipes de restaurateurs puissent rentabiliser leur temps sur place au maximum pour les traitements d'urgence. Il est prévu de retourner sur place dans les mois à venir pour suivre de près l’évolution des dégâts.
Lors des visites, nous en avons profité pour faire un point complet sur les inventaires. Etant donné que nous ne disposions pas toujours d’inventaire à jour, nous nous sommes principalement basés sur ceux de l’IRPA.
Il nous semble important, suite à ce que nous avons observé lors de nos visites, de lister les recommandations pratiques et de premier secours pour être mieux armés si d’autres inondations frappent à l’avenir la Wallonie.
La prévention
Mais qu’est qu’un inventaire ?
Un inventaire est une liste exhaustive de biens matériels, un recensement détaillé, constitué de fiches illustrées par des photographies.(lien vers la page du site inventaire)
Un inventaire présente plusieurs intérêts évidents en cas de sinistre. Cela permet :
- d’identifier les pièces les plus anciennes et les plus fragiles ;
- de prioriser les actions en matière de traitements préventifs et de restaurations ;
- de faciliter l'évaluation des biens mobiliers ;
- de faciliter l'identification de la localisation des biens.
En cas de sinistres, certains biens endommagés nécessitent un traitement de conservation-restauration. Disposer d’une fiche d’inventaire et de bonnes photographies facilite la tâche du conservateur-restaurateur, qui pourra se référer à la documentation pour avoir une idée de l’état de conservation du bien avant le sinistre.
Notons que la mise à jour des inventaires est également très importante pour conserver sa pertinence. Les sinistres doivent être clairement indiqués. Si des biens ont dû faire l’objet d’un traitement de conservation-restauration ou s’ils ont été déplacés pour les protéger, il faut impérativement le renseigner pour garder une traçabilité.
Comment dresser une analyse de risques ?
Évaluer les risques est un préalable à toutes les mesures de protection. Il faut identifier les risques spécifiques à l’église et à son environnement pour pouvoir les hiérarchiser et ensuite tenter d’y remédier ou de les atténuer. Au préalable, il est vivement conseillé de se renseigner sur l’environnement dans lequel l’église est localisée, ainsi que d’identifier des risques possibles. Il est également utile de renseigner auprès des Services d’incendie et de secours qui peuvent aider à évaluer les potentiels zones sensibles de l’édifice. Certains édifices sont localisés en zone inondable : il convient d’identifier si c’est le cas pour l’église. Aussi, il ne faut pas hésiter à interroger la commune pour savoir s’il existe des moyens ou des services prévus en cas de calamités (service prévention ou conseiller en prévention, plan au niveau communal, etc.).
Établir un plan d’urgence
Une inondation, c’est avant tout une situation inattendue. Dans l’urgence, lorsqu’on ne dispose pas d’une procédure claire, il est difficile d’avoir toujours les bons gestes et surtout de prendre malgré tout le temps de bien réfléchir pour faire les choses correctement. La précipitation engendre souvent des erreurs irrécupérables : jeter trop vite des pièces du mobilier parce qu’elles semblent irrécupérables, laver à grandes eaux du patrimoine fragile, entasser des objets délicats sous prétexte de les mettre à l’abri. D’où l’importance d’établir préalablement une procédure à suivre en cas d’urgence, afin de pouvoir prendre au plus vite les bonnes décisions.
C’est ce qu’on appelle “le plan d’urgence” ou “plan de sauvetage”. Il s’agit d’une mesure de prévention fondamentale : il permet de se préparer, dans la limite du possible, aux situations d’urgence. Le but d’un plan d’urgence est d’éviter les pertes de temps inutiles quand un accident survient, d’alerter rapidement les secours et les acteurs concernés, et de se préparer pour agir vite et protéger ce qui peut l’être.
Concrètement, il faut établir la liste des œuvres à sauvegarder en priorité et de prévoir les opérations de déplacement et de protection de celles-ci pendant et après l’événement. Il n’y a pas de plan d’urgence-type applicable partout par défaut, puisqu’un plan d’urgence est propre à chaque édifice, suivant ses caractéristiques et ses spécificités, ses contraintes, les ressources disponibles sur place.
Nous avons pu le constater dans certains cas à la suite des inondations. En effet, il faut absolument prévoir un lieu de stockage pour les biens qu’il faut évacuer. Ce local doit évidemment être sécurisé, en dehors de la zone de risques, et offrir de bonnes conditions de conservation pour les objets.
Rappel des priorités en cas d’inondations :
- Tout d’abord, assurez-vous que la structure du bâtiment ne pose pas de problème de stabilité. Alertez l’administration communale en cas de doute et demandez l’envoi d’un ingénieur.
- Sécurisez les lieux directement. Ne laissez pas le site ouvert à tous les visiteurs potentiels. Si la sécurité des objets contre le vol ne peut être assurée sur place, déplacez les objets, plus particulièrement l’orfèvrerie et les petites sculptures, vers un lieu sec pouvant être sécurisé (peut-être le presbytère).
- La sécurité des personnes reste la priorité absolue : portez des gants, des bottes de pluie, un masque.
- Prenez un maximum de photos des dégâts et dresser la liste des dommages constatés. Cela vous permettra de vérifier que la situation ne s’aggrave pas dans les jours suivants et demandez ultérieurement des devis à des restaurateurs spécialisés.
- Dès que vous le pouvez, au plus vite au mieux, évacuez l’eau à l’aide d’une pompe ou en épongeant le sol avec une bassine à évacuer régulièrement.
- Traitez le plus tôt possible les objets organiques (bois, papier, textile, toile, cuir…) pour éviter l’apparition de moisissures.
- Attention : documentez tous les déplacements d’objets avec des photographies et avec une liste datée de tout ce que vous aurez rassemblé.
- Isolez les biens mobiliers secs et propres des lieux et mobiliers humides : placez-les dans un espace propre, sec et sûr, même dans le bâtiment endommagé. Si le bâtiment est devenu malsain (trop humide), évacuez les biens mobiliers secs du lieu impacté, en particulier les biens en bois déplaçables (sculpture, mobilier, chemin de croix, etc.), les peintures et l’orfèvrerie.
Que faire ensuite pour la conservation des objets/du patrimoine ?
- Le rangement doit susciter toute votre vigilance. Lorsque des objets doivent être déplacés pour les protéger, veillez à les placer à chaque fois de manière stable et leur laisser à chacun de la place.
- Surélevez les objets en contact avec l’humidité.
- Ouvrez les portes et les fenêtres des locaux ayant subi les dégâts des eaux afin d’obtenir une bonne circulation de l’air et une température la plus fraîche possible.
- Ouvrez les placards et tiroirs du mobilier qui reste sur place pour bien les ventiler.
- Ouvrez dans la mesure du possible et avec toute la prudence requise aussi les pièces d’orfèvrerie impactées pour ne pas que l'humidité stagne : par exemple les reliquaires, souvent constitués de "matelas" en velours ou en tissus, les ostensoirs dans laquelle la moisissure pourrait se développer. Ouvrez aussi les boîtes contenant l'orfèvrerie même si elles sont vides, car l’intérieur est souvent capitonné de tissus/velours.
- Manipulez les objets à deux mains, et pour les plus grands (chapes, meubles, etc.), à deux personnes voire plus, un textile mouillé par exemple est bien plus lourd et fragile qu’un textile sec.
- Retirez délicatement les fragments et les morceaux de boue ayant commencé à sécher. Il est possible d’utiliser des brosses douces et souples, sans frotter l’objet. N’oubliez jamais votre masque !
- Quand c’est nécessaire, séchez en tamponnant les objets avec des chiffons doux, ne frottez jamais !
- Épongez l’eau en surface des objets en pierre, métal, verre et plâtre.
Ce qu'il ne faut pas faire :
- Ne placez jamais un objet directement sur un radiateur, car la chaleur le déformera.
- N’exposez jamais les objets ou documents à la chaleur ; utilisez le sèche-cheveux seulement en position froide si nécessaire.
- Ne frottez jamais pour enlever de la boue ou des dépôts.
- Ne rincez pas les objets à l'eau très froide ou chaude ; utilisez une eau à température ambiante si c’est possible.
- Ne rincez JAMAIS les objets peints et, si vous avez un doute, faites une photo et demandez l’avis d’un restaurateur.
- Ne rincez pas un objet si vous n’êtes pas sûr qu’il pourra sécher rapidement !
- Faites le plus rapidement possible appel à des restaurateurs professionnels reconnus qui seront à même de juger des meilleures techniques à utiliser. Le CIPAR peut vous aider dans ces prises de contact.
Informations supplémentaires : mesures de sécurité
Étant donné qu’il est impossible de déterminer avec certitude quelles bactéries étaient contenues dans l’eau durant les inondations, il est primordial de bien se protéger :
- Portez des gants en nitrile
- Portez un masque FFP3
- Portez éventuellement des lunettes de sécurité
- Portez des vêtements qui peuvent être lavés à très haute température (90°)
- Jetez les masques et les gants après utilisation
Vinciane Groessens