Bernard Van Orley, Bruxelles et la Renaissance
Dans le cadre de l’année de commémoration du 450e anniversaire de la mort de Pieter Bruegel, le palais des Beaux-Arts propose une vaste et première rétrospective du peintre bruxellois Bernard Van Orley, l’un des principaux maitres du XVIe siècle dans nos régions.
Célébré de son vivant pour ses qualités de portraitiste et peintre officiel de la cour de Marguerite d’Autriche puis de Marie de Hongrie, Van Orley a consacré la grande majorité de son œuvre à l’art religieux. On lui doit non seulement un grand nombre de tableaux d’église ou de dévotion privée, mais aussi des cartons pour tapisserie et pour vitraux. Sans avoir voyagé, il entre en contact avec l’art de la Renaissance italienne dont il fut le principal importateur dans nos régions.
Van Orley est pleinement l’héritier des grands artistes flamands de la fin du XVe siècle. On retrouve dans ses tableaux les paysages inspirés de ceux d’un Joachim Patenier. L’organisation générale de l’espace relève de ce legs. Les différents éléments narratifs d’un même récit se distribuent en autant de petites scènes réparties dans des espaces paysagers ou architecturaux séparés. Autre élément typique de la tradition locale est le goût de l’artiste bruxellois pour les détails raffinés : les vêtements réalisés dans de riches étoffes, les orfrois des textiles liturgiques et les coiffes, bijoux et brocarts sont traités dans façon minutieuse et brillante.
Bernard van Orley a-t-il fait le voyage d’Italie ? Longtemps, ses biographes avaient trouvé cette idée évidente. Les historiens ont pu montrer qu’il n’en était rien et que c’est plutôt par la présence dans les Pays-Bas d’œuvres ou d’artistes étrangers que le peintre de la cour impériale avait pu s’initier aux innovations italiennes. Bruxelles était au début du XVIe siècle devenue un centre de confection de tapisseries de réputation internationale. C’est ainsi qu’entre 1516 et 1522, les cartons de tapisseries consacrés aux actes des apôtres et réalisés par Raphaël à la demande du pape Léon X, arrivent dans l’atelier de Pieter van Aelst. L’essor à Bruxelles et surtout à Anvers d’ateliers de gravure a également favorisé la connaissance de l’art de la Renaissance. En 1520, Albrecht Dürer parcourt les Pays-Bas et s’arrête à Bruxelles où Van Orley le reçoit et donne en son honneur un somptueux banquet resté dans les mémoires. L’influence de Dürer sur l’artiste bruxellois sera déterminante et également soutenue par la diffusion de son importante œuvre gravée.
De ces différents contacts, il va émerger un art où convergent de multiples références. La perspective géométrique monofocale initiée à Florence et les décors au vocabulaire de grotesques structurent des compositions qui deviennent de plus en plus complexes et chargées. Nombreuses sont les citations directes d’œuvres majeures de l’art italien, le tout disposé dans de larges paysages d’origine flamande. Mais plutôt qu’une synthèse, il vaudrait mieux parler d’un amalgame. Sensibilité flamande, anatomies italiennes ou expressions germaniques se juxtaposent sans vraiment féconder un art nouveau. La puissance émotionnelle rendue par la finesse picturale et la précision des détails d’un Van der Weyden et la force humaniste de l’art italien perdent leur essence profonde dans un assemblage qui n’est pas une assimilation. Était-il d’ailleurs possible de rapprocher deux langages dont les essences mêmes étaient si différentes, et cela malgré les nombreux échanges qui ont nourri les mondes flamands et toscans. Cette belle rétrospective a le mérite de mettre en évidence les spécificités de deux mondes en interactions et pourtant si différents et difficilement assimilables.
La visite de cette exposition suscite toutefois un regret, c’est la faiblesse des outils de médiation. Une iconographie riche, complexe et truffée de citations requiert un décryptage des œuvres difficiles lors d’une première approche. Si l’exposition a le mérite de proposer un ensemble cohérent et complet des différentes facettes du travail du maître bruxellois, elle pêche par l’absence d’explication. Il n’est pas prévu d’audioguide pour le visiteur qui doit se contraindre à télécharger une application sur son smartphone. Il s’agit là peut-être d’une solution d’avenir plus facile à gérer qu’un ensemble d’audioguides, mais la solution est déroutante pour le visiteur non averti et pris au dépourvu.
Focus sur deux œuvres
Un fond d’or traditionnel, un visage de la Vierge dont les larmes et le traitement du voile et des étoffes n’est pas sans rappeler l’art de Van der Weyden, un Christ dont la disposition du corps et la puissance de l’anatomie évoquent une Piéta du Pérugin, les influences sont multiples dans l’œuvre de Bernard Van Orley.
Les épisodes illustrés dans ce polyptyque sont issus du livre de Job, un texte qui raconte les déboires de cet homme juste et craignant Dieu sur lequel s’abat la malédiction divine. Malgré les multiples épreuves qui l’assaillent, la confiance de Job et sa fidélité en Dieu reste inébranlable.
Le volet de gauche raconte comment Dieu envoie Satan pour mettre Job à l’épreuve. La scène se déploie sur fond de paysage rappelant l’art de Patenier. Par contre, le volet central est directement inspiré des constructions perspectivistes conçues par le Pérugin ou même Mantegna. Sur le panneau central, le temple s’effondre sur la famille de Job, drame qui va entrainer la mort de tous ses enfants. La scène prend une allure de cataclysme. La propulsion à l’avant plan les convives terrorisés n’est pas sans rappeler la fresque de la fin du monde réalisée en 1500 par Luca Signorelli à la chapelle San Brizio à Orvieto.
Christian Pacco
Informations pratiques:
Exposition accessible jusqu’au 26 mai, du mardi au dimanche, de 10h00 à 18h00, le jeudi jusqu’à 21h00.
BOZAR PALAIS DES BEAUX-ARTS ; Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Conseils : Il est possible d’acheter ses billets à l’avance sur le site de Bozar et de télécharger l’application sur son smartphone