Noël et le "Prince de la Paix" (Is. 9, 5)
N’y aura-t-il « pas de Noël en 2020 »? L'Abbé Haquin nous partage le fruit de ses réflexions sur cette période de confinement et d'avant Noël. Il nourrit sa pensée en analysant des tableaux de grands maîtres et de crèches des quatre coins du monde.
Chacun vit le second confinement à sa manière : soit dans l’isolement, soit en famille dans une vie sociale pas toujours simple, soit dans des difficultés économiques. Sans oublier le personnel hospitalier proche de l’épuisement, les malades et leurs familles, et les nombreux décès. Comme toute situation de crise, la nôtre peut épuiser la résistance des uns et provoquer la créativité des autres, en particulier dans les initiatives de solidarité. Cette épreuve est propice à la réflexion sur nos fragilités et sur les bienfaits du « prendre soin des autres ». Certaines valeurs peuvent refaire surface comme le retour à une vie simple, au partage, aux objectifs à plus long terme, etc.
N’y aura-t-il « pas de Noël en 2020 » comme le disent certains qui se voient privés des vacances à la montagne et des classiques réjouissances, par ailleurs bienfaisantes ? Ou peut-on vivre Noël autrement ? Et d’ailleurs qu’en est-il du premier Noël ? Une naissance dans des conditions inconfortables, à l’occasion d’un recensement dans une ville voisine. Sans compter la difficile mission annoncée par le vieillard Siméon : « Cet enfant sera un signe de contradiction ». Par ailleurs, la liturgie de Noël accueille le « Prince de la paix » (Is. 9, 5). C’est lui qui proclamera la promesse de bonheur dans les Béatitudes : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Une paix qui passe par le travail et le génie de l’ « artisan ».
Vitrail, La Nativité, Photo de Joseph Ponente,
nous remercions chaleureusement
la fabrique pour l'autorisation
d'utiliser sa photographie.
Que signifient les Noëls des peintres de la Renaissance qui montrent l’enfant et sa mère dans de confortables intérieurs flamands, par exemple la Vierge au chanoine Van der Paele de J. van Eyck ? Ou à Florence le cortège des Mages de B. Gozzoli, venus rendre hommage au roi des rois ? Faut-il les considérer comme des œuvres surréalistes sans rapport avec la réalité historique ? Ou les lire au second degré pour en découvrir la signification propre ? Sans négliger leur portée politico-sociale, ne sont-elles pas une sorte de « transfiguration » ou d’anticipation du rôle salvateur de l’enfant ?
Vierge au chanoine Van der Paele de J. van Eyck, 1436, Wikipedia
A côté de ces œuvres prestigieuses, il y a les crèches du monde qui témoignent à leur manière. Les Japonais montrent un enfant aux yeux bridés, les Congolais taillent leurs personnages dans du bois foncé, alors que le Jésus de l’histoire avait le physique d’un Palestinien au teint basané. On se souviendra en tout cas de la parole de Jésus lors de la Passion : « Mon Royaume n’est pas de ce monde ». C’est sans doute ce qu’exprime l’hymne contemporaine de l’Epiphanie « Qui es-tu roi d’humilité » (F 231) dont voici les strophes 1, 3, et 4 :
Qui es-tu Roi d’humilité
Roi sans palais, Roi sans armée ?
Nous sommes venus t’adorer
Des bouts du monde (bis).
Que feras-tu de cet argent,
De ces bijoux, de notre encens ?
Nous les avions pris en pensant
A nos manières (bis).
Regarde donc autour de toi
Dans les richesses qui sont là
Les nations qui ne savent pas
Que tu les aimes (bis).
Le cycle de fresques représentant le cortège des Mages
dans l'édifice de Michelozzo, Benozzo Gozzoli, du xve siècle, Wikipedia.
A tous, belles fêtes de Noël autrement…
André Haquin