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Collégiale d’Andenne : retour sur l’inventaire du patrimoine et sur les premiers traitements de conservation

Publié le 05/01/2021

Vaste chantier pour la fabrique et le conservateur de la collégiale Sainte-Begge d’Andenne  : la mise à jour de l’inventaire du patrimoine mobilier. En cours depuis 2 ans, l’inventaire est maintenant quasiment terminé. Cet inventaire complet permet de faire le bilan de l’état de conservation des œuvres et de mieux planifier les actions futures. Objectif en ligne de mire : la revalorisation du trésor de la collégiale.

Sainte-Begge, une longue histoire

L’histoire de la collégiale Sainte-Begge remonte au VIIe siècle, avec la fondation d’un monastère par sainte Begge en 692. Le monastère se transforme en chapitre séculier au XIe siècle. L’actuelle collégiale, qui remplace les sept sanctuaires de la fondation initiale, a été construite vers 1775 selon les plans de l’architecte Laurent-Benoît Dewez. L’imposant édifice en pierres calcaires, qui marque le centre historique d’Andenne, abrite donc un patrimoine multiséculaire, reflet de l’histoire du chapitre à l’origine du développement de la ville d’Andenne. L’octroi par la Région wallonne d’un très important subside pour la restauration de l’édifice annonce un nouveau tournant pour la collégiale et son patrimoine.

Illustration : La collégiale Sainte-Begge d’Andenne, Wikipedia.

Un riche patrimoine à protéger et à valoriser

Le patrimoine de la collégiale est évidemment lié au culte de sainte Begge.  Les reliques de la sainte sont conservées dans le trésor, avec l’imposant buste-reliquaire du début du XVIIe siècle et, surtout, la grande châsse réalisée aux XVIe et XVIIe siècles, considérée comme une des plus belles pièces d’orfèvrerie renaissance en Belgique. D’autres objets du trésor évoquent le culte de la sainte, mais aussi l’histoire et la mémoire des chanoinesses.

La collégiale compte également des œuvres reconnues comme trésors de la Fédération Wallonie-Bruxelles : un lutrin en forme de griffon, pourvu de deux chandeliers, chef-d’œuvre de dinanderie de la première moitié du XVIe siècle, et le grand tableau du Massacre des Innocents par Lodewijk Finson, peintre qui a joué un rôle important dans l’introduction du style du célèbre Caravage dans le nord de l’Europe, au début du XVIIe siècle.

Illustration : Détail du buste-reliquaire de sainte Begge, photo de l'auteur.

Ce patrimoine doit être conservé et surtout valorisé dans de meilleures conditions de conservation et de visite. Pour l’instant, la fabrique et le conservateur se sont consacrés à une action fondamentale pour la suite des projets : actualiser l’inventaire de l’ensemble du patrimoine de la collégiale.

Illustration: L’imposant lutrin-griffon, photo de l'auteur.

Un inventaire pour dresser un bilan

L’inventaire des biens de la collégiale compte pour le moment près de 600 entrées : un travail colossal, donc. Il a été réalisé par phases : d’abord le patrimoine conservé dans la collégiale elle-même, puis les objets conservés dans la sacristie et le trésor (l’actuel musée).  Un tel travail réserve bien des surprises ; ainsi, l’inventaire de l’orfèvrerie a permis d’identifier des poinçons qui n’avaient pas encore été repérés. En plus du support du service Patrimoine de l’Evêché et du CIPAR, la Fabrique a pu également bénéficier des avis et des conseils avisés d’historiens de l’art de l’Université de Namur ainsi que de plusieurs conservateurs-restaurateurs de l’IRPA.

Illustration: Le mode de présentation et de stockage
des textiles liturgiques doit être revu, photo de l'auteur.

La réalisation de l’inventaire offre une vue plus claire sur le patrimoine et sur son état de conservation. Ainsi, pour la collection de textiles liturgiques, des problèmes de conservation ont été identifiés : le mode de présentation des vêtements dans les vitrines provoque des tensions qui endommagent les tissus. L’étape suivante sera de concevoir des meubles de rangement assurant une conservation optimale aux textiles, tout en permettant de les montrer occasionnellement aux visiteurs.  Un bilan a également été dressé pour la collection de sculptures en bois, notamment pour identifier les œuvres nécessitant un traitement de conservation urgent.

Illustration : L’inventaire permet de se rendre compte de l’état de conservation des objets. Ici, un reliquaire du XVIe siècle très intéressant par son type: il est formé de deux panneaux en bois compartimentés. Les éléments qui le décorent sont quasiment tous décollés de leur support: un traitement de conservation s’impose, photo de l'auteur.

Hélène Cambier

L’exemple de la collection de sculptures en bois : bilan sanitaire ou traitement d’urgence ?

Un bilan sanitaire se présente habituellement sous la forme d’un rapport tapuscrit qui reprend pour chaque entrée d’inventaire, une description de l’état de conservation suivie d’un diagnostic et de conseils quant à un éventuel traitement de conservation ou de restauration.  Ce bilan est dressé en tenant compte de l’importance patrimoniale des biens conservés ; importance qui peut être historique, artistique, cultuel, technique, etc. Les conclusions de ce rapport devant permettre d’assurer de manière plus aisée la conservation de la collection.

Bien que cette mission soit certes primordiale dans la gestion d’une collection, il est apparu pour la collégiale d’Andenne qu’il fallait procéder autrement. En effet, après observation de l’ensemble de la collection de sculptures, un premier constat s’est imposé d’emblée. Si plusieurs sculptures sont en bon état, d’autres se trouvaient en grand danger. Leurs polychromies présentaient des soulèvements tels qu’un seul souffle de vent aurait suffi à les défigurer irrémédiablement. Par conséquent, il semblait plus judicieux de proposer non pas un bilan sanitaire dans sa forme conventionnelle, mais une intervention de sauvegarde des œuvres en danger. Cette intervention d’urgence consistant en un fixage des soulèvements de polychromie afin de conserver l’intégrité des sculptures.

Illustration : Une sculpture d’un ange attribuée à Cornélis Van der Veken (début du XVIIIe siècle), photo d'Hélène Cambier.

La gestion d’une collection se construit sur des choix qui sont aujourd’hui bien souvent guidés en premier lieu par le critère économique. Face à l’état de conservation très problématique de sculptures d’une importance patrimoniale majeur, le choix s’est vite porté sur la primauté de la sauvegarde de quelques sculptures au détriment, il est vrai, d’un rapport de l’ensemble de la collection. Mais ce dernier pourra toujours être réalisé par la suite tandis que l’altération d’une œuvre, elle, est irréversible.

Cependant, le nombre de sculpture à sauvegarder impliquait un certain nombre d’heures de travail pour un budget d’intervention qui l’était tout autant. C’est pourquoi les œuvres ont été catégorisées selon leur intérêt patrimonial au regard de leur urgence de traitement. Il revenait ensuite à la fabrique d’église de poser le choix de la sélection en fonction des budgets disponibles.

Illustration : Saint Jean-Baptiste, une très belle sculpture attribuée à Jean Del Cour (fin du XVIIe siècle), photo d'Hélène Cambier.

Illustration : La sculpture de saint Jean est dans un triste état, suite notamment à une attaque d’insectes xylophages, photo de détail d'Hélène Cambier.

Cette campagne de conservation s’est toutefois accompagnée de l’étude préalable de deux œuvres majeures de la Collégiale : le saint Jean-Baptiste réalisé par Jean Del Cour vers 1682 et un Christ en croix (la croix est aujourd’hui perdue) des années 1220-1230. Ces études préalables, dont les résultats seront présentés ultérieurement, ont permis de proposer un traitement de conservation qui tiennent compte de leur état de conservation problématique. Si le premier est couvert d’une épaisse polychromie qui empâte la qualité de l’œuvre, le second présente une surface du bois très abîmée et une polychromie presque inexistante. L’étude préalable a donc permis de dégager de nouvelles perspectives d’exposition après un traitement élémentaire de conservation.

Le cas de la collection de sculptures de la Collégiale d’Andenne est exemplatif de la répartition judicieuse des impératifs de gestion d’un patrimoine qualitativement et quantitativement important. Le conservateur-restaurateur a ici un rôle primordial à jouer dans le dialogue avec les fabriciens afin de les accompagner dans l’établissement des priorités au regard de l’importance patrimoniale des œuvres concernées, réservant l’option d’une étude matérielle approfondie pour des cas très particuliers, tantôt justifiée par l’importance de l’œuvre, tantôt par son état de conservation, parfois les deux conjugués comme étant deux états inextricablement liés.

Corinne Van Hauwermeiren (Les Ateliers Conservart)

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