Restauration : Chapelle Notre-Dame de l'Ermitage à Gentinnes
Nous avons eu la chance, sous un ciel tout bleu et une température quasi estivale, de rencontrer Georges Derriks et d'admirer la chapelle Notre-Dame de l'Ermitage à Gentinnes au coeur d'un bois. Celle-ci est un témoin rare et séduisant de l'architecture religieuse rurale du 17e siècle en Brabant wallon. Restaurée récemment, elle est devenue un lieu de prière et d'évènements culturels mais aussi un lieu de vie où les rires des enfants se font entendre. Nous saluons ce genre de belle initiative! L'histoire est belle : un homme tombe amoureux d'un lieu et arrive à s'entourer des bonnes personnes pour l'embellir et l'entretenir.
Un peu d’histoire
La chapelle de Gentinnes a été édifiée entre 1674 et 1679. Le projet de construction émane de Jeanne de Nobili, dame de Gentinnes, veuve sans enfant, sollicitée en 1669 par l’évêque de Namur Ignace Augustin de Grobbendonck. La chapelle a été voulue comme un oratoire destiné à un religieux à recruter, qui serait le maître d’école du village. Accessoirement, une messe pourrait y être célébrée tous les dimanches pour Jeanne de Nobili et sa maisonnée.
La chapelle sera mise en œuvre à l’orée du bois jouxtant le château de Gentinnes par le brabançon Charles Guibert d’Udekem, neveu et héritier de Jeanne de Nobili, décédée en 1676. Elle sera dédiée à Notre-Dame.
L’école et une maison pour maître d’école voisineront avec la chapelle. Un jardin potager et des viviers pour du poisson seront établis à proximité. Deux hectares de terre cultivable auront été annexés à l’ensemble. En 1680, la maison du maître d’école sera qualifiée d' « ermitage ».
Les ermites des 17e et 18e siècles ne sont pas des anachorètes des premiers temps de l’Eglise. Ce sont des clercs qui ont une fonction au sein d’une paroisse mais qui se tiennent quelque peu à l’écart du monde. Ils sont contrôlés par leur diocèse.
Les ermites de Gentinnes se rémunèreront grâce au minerval payé par les parents des écoliers et par des donations de pèlerins. Ces derniers sont attirés par la réputation de Vierge miraculeuse attribuée à la statue de Notre-Dame présente dans la chapelle.
En 1783, Joseph II décrétera la fin des ermitages et de la fonction d’ermite dans l’Empire autrichien. La dernière page de l’ermitage à Gentinnes se tourne. Mais pas celle de la chapelle qui survivra aux affres du temps.
Michel Flahaut
Une rénovation réussie
Heureux celui qui passe par le bois de Gentinnes, miniature de la Forêt de Soignes, où veille un bâtiment historique, datant de ca. 1670.
Il faut remonter dans les années 1970 pour voir une dernière restauration de cet ermitage. Je vous laisse deviner dans quel état il se trouvait il y a trois ans ; abandonné, maltraité, vandalisé, tagué, entouré de détritus de toutes sortes et envahi par la végétation. Destiné à des pèlerins, il devint un sanctuaire, un paradis de rêve pour les défenseurs de la nature, un refuge recherché par une faune - en un mot, une jungle ornée d’un écrin de ronces impénétrables, « passage obligé », à condition d’être équipé et muni d’une machette ; il était aussi devenu un repère isolé et infréquentable, donc malfamé.
C’est dans ce triste état que se trouvait ce patrimoine à la dérive. Un jour, voulant prendre l’air, je fus touché par cette beauté irrésistible, et comme touché par la grâce, celle-ci me donna la force de « faire quelque chose », mais quoi ? Des questions fusaient jusqu’à la rencontre d’un ami qui en savait beaucoup à ce sujet.
Un contact fut pris avec le propriétaire, une administration qui, cela n’étant pas sa mission, nous confia toute initiative qui nous paraitrait bonne pour mettre la chapelle en valeur; une convention en bonne et due forme fut signée. Nous dressâmes donc une liste des différentes tâches et travaux à exécuter. Il nous fallait historien, archéologue, paysagiste, maçon, peintre, informaticien, vitrier, personne d’entretien, financier, coordinateur. Et cela se trouva dans le village. Par le miracle de la mémoire collective fleurissaient les souvenirs d’antan : processions, rosaire, Trinité, Fête-Dieu, communions etc. Comme par enchantement, tous ces souvenirs remontaient à la surface. Manches retroussées et à la force de l’huile de bras, soutenu par le service technique de la commune, il nous fallut moins de six mois, et ce fut l’inauguration ; discours, le curé armé de son goupillon, le bourgmestre à la tête de son collège, nous rassemblions plus de 150 personnes dans cette clairière à la chapelle flamboyante et rénovée.
Ce n’était pas tout : que faire pour faire revivre cet endroit ? Un relais de Grande Randonnée, un site sur le chemin des pèlerins vers Saint-Jacques de Compostelle, des concours de dessin, de photographie, des concerts, des expositions, repris au Journées du Patrimoine (photo), des rassemblements d’enfants, des circuits pour promeneurs et joggeurs. Ce lieu devenu la « place to be », attire du monde chaque jour, à tel point que l’herbe n’y pousse plus ! Beaucoup d’activités prévues pour 2020 ont été annulées pour des raisons sanitaires, ce qui ne signifie pas qu'elles soient supprimées. Au contraire, la volonté est forte pour reprendre les initiatives dès que la situation le permettra.
Georges Derriks, devant le panneau qu'il a réalisé avec d'autres bénévoles de Chastre pour présenter la chapelle, le bois et la flore.
Fiche de présentation des Journées du Patrimoine 2020 avec la chapelle de l'Ermitage pour le Vicariat du Brabant wallon.
Cette expérience nous a confortés dans ce projet, l’engagement de tant de bénévoles dans une entreprise de restauration de leur patrimoine, les biens de tous les habitants. La population est fière de se réapproprier son héritage, tels que potales, chapelles, anciennes pompes, gibets, vieux monuments etc., et faire revivre le passé, non par nostalgie, mais par désir et fierté de redécouvrir ses sources, et comme on le sait, une plante qui est coupée de ses racines est condamnée à mourir. Des civilisations en ont enfoui d’autres, c’est bien connu. Ne tombons pas dans de tels travers. Cultivons la mémoire et le respect des aïeux. Cela nous honore.
Nous avons été surpris de découvrir tant de compétences, liées aux bonnes volontés autour de nous. Il y en a partout. C’est aux communes de soutenir et encourager ces initiatives en laissant à la population le soin de faire revivre son héritage trop longtemps laissé à l’abandon.
Cette expérience, je vous la souhaite à tous, elle n’est pas pénible, au contraire, gratifiante, illustrant une nouvelle culture citoyenne et humaniste de rencontres et de découvertes toujours surprenantes.
Ces quelques illustrations et photos en disent bien plus que je ne puis vous conter.
Georges Derriks, Les Amis de la Chapelle de l'Ermitage
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