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Les châsses, histoire et fonction

Publié le 14/07/2021

Une châsse (du latin capsa, « caisse ») est un type particulier de reliquaire, c’est-à-dire un écrin destiné à recevoir des reliques. Les châsses sont constituées d’un coffre en bois revêtu d’un parement métallique précieux. Elles peuvent contenir des reliques de plusieurs saints différents ainsi que des reliques du Christ ou de la Vierge.

Les châsses, cercueils et écrins précieux

Les châsses sont indissociables de l’histoire du culte des saints et de la vénération des reliques dont elles sont les témoins matériels les plus explicites. En effet, la forme des châsses, sortes de coffres allongés pourvus d’un toit à double versant, rappelle celle des sarcophages qui abritaient à l’origine les corps des saints. Le décor des châsses, composé de matériaux précieux, exprime la sacralité des restes qu’elles contiennent. Les châsses se veulent être une image du Paradis, accessible à ceux qui viennent vénérer les restes saints.

Les reliques sont extraites de la châsse de Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle
Illu. Les reliques sont extraites de la châsse de Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle à l’occasion du pèlerinage septennal (Heiligtumsfahrt).

Les châsses et la vénération des corps saints

Les châsses sont le support matériel de la vénération des reliques par les croyants. Dans ce cadre, elles sont exposées dans les églises lors de circonstances particulières et portées en procession parfois plusieurs fois par an. Le terme latin feretrum, utilisé dans les sources pour désigner les châsses, ou son équivalent en ancien français fierte, qui signifient tous deux « brancard », se réfèrent explicitement au caractère transportable des châsses.

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Illu. La grande procession de Tournai. Photo : https://www.grandeprocessiontournai.org/galerie

Pour profiter de la protection des saints, de la « force » miraculeuse (virtus) des reliques contenues dans les châsses, il faut approcher de près celles-ci, et idéalement les toucher. La vénération des reliques des châsses s’accompagne donc de déplacements et de nombreux gestes. On vient en pèlerinage auprès des châsses conservées dans les églises ; si elles participent à une procession, on vient assister au défilé pour s’en approcher au plus près. Dans les églises, les châsses sont exposées à la vénération des fidèles au sein de dispositifs variés, permettant souvent de se glisser sous elles pour profiter des bienfaits des reliques.

Des pèlerins en prière autour et en-dessous de la châsse du roi Edouard. Miniature d’un manuscrit du XIIIe siècle
Illu : Des pèlerins en prière autour et en-dessous de la châsse du roi Edouard. Miniature d’un manuscrit du XIIIe siècle (manuscrit Ec. 3. 59., fol. 33 rº, Cambridge University Library) (Photo © Cambridge University Library).

L’emplacement des châsses dans les églises et la manière de les exposer aux fidèles ont évolué au cours du temps. Les châsses sont souvent associées aux autels ; ce lien entre reliques des saints et célébration de l’Eucharistie s’établit très tôt dans le christianisme, en souvenir des martyrs qui ont sacrifié leur vie pour le Christ. Avant le 11e siècle, les châsses sont placées dans des endroits périphériques par rapport au chœur, souvent souterrains (cryptes, massifs antérieurs). Entre les 11e et 13e siècles, elles sont déplacées pour être exposées à proximité de l’autel principal, dans le chœur. L’augmentation du nombre de pèlerins conduit à des adaptations architecturales. Au 13e siècle, on crée des dispositifs monumentaux, bien en vue, pour les châsses et les reliquaires. A Soignies et à Nivelles par exemple, on construit des tribunes étagées sous lesquelles passent les pèlerins. La châsse elle-même n’est toutefois rendue visible qu’en de rares occasions. Ainsi, à Nivelles, elle est protégée dans un coffre qui n’est ouvert que pour les grandes circonstances.

L’édicule de la châsse de sainte Gertrude à Nivelles
Illu. L’édicule de la châsse de sainte Gertrude à Nivelles, réalisé vers 1520 et reconstruit en 1911 (photo d’après catalogue d’exposition Paris, 1996, p. 103).

Les châsses, reflet de la Jérusalem Céleste

châsse de Saint-Eleuthère de Tournai
Illu. Saint-Eleuthère, châsse de Saint-Eleuthère de Tournai. Photo : Hélène Cambier.

Les décors des châsses sont toujours différents. Très souvent, les longs côtés comportent les figures des apôtres. Aux pignons se tiennent le Christ, la Vierge ou le saint Patron, tandis que les versants du toit présentent des scènes de la vie du Christ ou du saint dont la châsse contient des reliques. Ces figures prennent place dans un décor architecturé ; elles se tiennent dans des niches séparées par des colonnettes recevant des arcs.

Le saint présent par ses reliques contenues dans la châsse est donc figuré sur celle-ci parmi les apôtres, en présence du Christ et de la Vierge, dans un décor alliant la rutilance des surfaces dorées à l’éclat des pierres précieuses. Les niches sous les arcades bordées de pierres précieuses symbolisent les portes de la Jérusalem céleste. La châsse apparaît ainsi comme une vision de la Jérusalem céleste, une vision du Paradis et du Salut auxquels le fidèle souhaite accéder en venant vénérer les reliques.

La Vierge Marie sur la châsse de Notre-Dame de Tournai.

De cette manière, l’iconographie des châsses exprime également le rôle d’intercesseur des saints. Le décor montre le saint aux portes de la Jérusalem céleste, où il séjourne en compagnie des apôtres (le saint prend part dès sa mort à la visio Dei, en compagnie des apôtres et de tous les saints). Là, le saint intercède pour le salut des croyants venant en pèlerinage sur le lieu de conservation de ses reliques.
Les châsses du 13e siècle confèrent une grande importance à la Vierge Reine du Ciel, souvent représentée au pignon sous la forme d’une statuette de grandes dimensions (châsse de Notre-Dame de Huy, châsse de Notre-Dame de Tournai). Dans l’intercession entre le Christ et les croyants, Marie agit au nom de tous les saints comme intermédiaire privilégiée.

Illu. La Vierge Marie sur la châsse de Notre-Dame de Tournai. Photo d’après La châsse Notre-Dame de Tournai, 2006, p. 62.

Hélène Cambier

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