« Il était une fois un musée » sur Vivacité: le CHASHa à l’abbaye de Bonne-Espérance
Chaque Weekend, l’émission VivaWeekend en direct à la radio sur Vivacité et en plateau sur la RTBF présente une séquence « Il était une fois un musée », en partenariat avec l’association Musées et société en Wallonie (MSW), une asbl mettant en œuvre un réseau pour soutenir les musées. Depuis un an, le Centre d’Histoire et d’Art Sacré en Hainaut (CHASHa asbl), conservatoire du patrimoine et musée diocésain de l’Evêché de Tournai, a rejoint ce réseau MSW. Le samedi 29 janvier 2022, c’était au tour du CHASHa de présenter ses missions et son actualité sur base d’un objet atypique des collections. Déborah Lo Mauro, conservatrice-animatrice du CHASHa, a présenté sur le plateau de Vivacité une truelle de commémoration.
La truelle et les sœurs de Jolimont
Cet objet provient du patrimoine de la communauté des sœurs servites de Marie de Jolimont (commune de La Louvière), où est implanté l’hôpital depuis sa fondation par l’abbé Bataille en 1881 avec sept sœurs provenant de l’hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines (ordre de saint Augustin). Ils s’installent dans le château Bouly, toujours existant et étant intégré au site de l’hôpital, et soignent les malades notamment issus des charbonnages. L’institut Notre-Dame de la compassion est alors créé avec la construction d’une chapelle Notre-Dame de la Compassion sur le site de Jolimont en 1946-1948. Cette chapelle a ensuite été décorée en 1949, avec notamment une fresque représentant une Pietà de Clément Verloove. L’objet présenté est une truelle de consécration portant la dédicace suivante : « IN HAC ERGO DOMO TUA AEGROTI SANENTUR INFIRMI RECUPERENTUR », praef. Consecr. (traduction :« Dans cette maison qui est la vôtre, que les malades soient soignés et les infirmes soient rétablis »), ainsi que la date « 11 – VIII – 1949 ». Elle se rapporte donc à la construction de cette chapelle par les sœurs et la consécration de l’autel par le scellement des reliques.
La mission première du CHASHa est d’épauler les fabriques d’église du diocèse de Tournai (province de Hainaut) dans la gestion du patrimoine religieux dont elles ont la charge. Mais il arrive parfois que le CHASHa soit sollicité par des communautés religieuses pour remettre un avis sur le patrimoine et sa possible réaffectation et éventuellement recevoir des objets en don pour ses collections permanentes. Ce qui est le cas avec cet objet qui a rejoint les collections permanentes du CHASHa en 2021, avec d’autres objets comme le ciboire de l’abbé Bataille.
Atypique, cette truelle l’est également par sa typologie. Une truelle de consécration est un objet plutôt rare car moins courant, limité à des évènements de consécration d’édifice ou d’autels, ce n’est pas un objet fréquemment utilisé dans la liturgie quotidienne. Les truelles de commémoration sont plus fréquentes, on peut d’ailleurs encore aujourd’hui en faire graver ! Les inventaires du patrimoine de Belgique réalisés par l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA) ont répertorié 10 truelles, allant du 17e siècle à 1971 pour la plus récente. Elles sont liées soit à une construction civile, comme l’hôtel de ville de la commune de Saint-Gilles (truelle de commémoration), soit à un édifice religieux (truelle de consécration), tels qu’une église ou un hospice. L’objet apporté est le seul répertorié pour l’instant dans les inventaires du patrimoine des églises pour le Hainaut, dans l’état actuel des inventaires des collections. Il n’était d’ailleurs pas répertorié dans les inventaires IRPA, donc il n’est pas exclu de pouvoir faire sortir d’autres exemplaires de l’anonymat des sacristies. Seuls deux autres exemplaires sont conservés dans la province de Namur (Maredsous et Maredret).
Enfin, cet objet est hors du commun également par son utilisation. Des outils de maçonnerie sont utilisés pour diverses cérémonies liturgiques : consécration d'un autel, pose de la première pierre d'une église, etc. Le service de consécration comprend un marteau de consécration, une truelle de consécration, éventuellement un burin de consécration et une spatule de consécration » (Notices Monuments historiques, site d’inventaire POP du gouvernement français, référence de la notice : PM75004371). D’ordinaire, cet objet fait soit partie des objets utilitaires de l’Evêque et donc utilisable pour divers évènements, ou bien il est lié à l’endroit pour lequel il a été commandé et utilisé. Dans ce cas-là, le prêt pour une autre consécration semble moins évident, l’objet étant lié à l’évènement et à usage unique. Toutefois, cela peut être laissé à l’appréciation de chacun. Le CHASHa a dès lors accepté de faire revivre cet objet et de le prêter au diocèse de Cambrai pour la cérémonie de consécration du nouvel autel de l’église de Saint-Amand-les-Eaux en septembre 2021.
C’est en cela que se distinguent les collections religieuses et notamment les pièces conservées au CHASHa par rapport à un musée traditionnel : le patrimoine mis en dépôt conserve sa charge dévotionnelle et son usage liturgique. Les réaffectations dans d’autres lieux de culte sont évidemment envisagées et les objets sont parfois réutilisés par les fabriques d’église le temps d’une célébration. Le rôle du CHASHa est d’en expliquer le sens, l’histoire, le contexte mais également d’en assurer la survie pour les générations futures.
Le CHASHa et ses missions sur le terrain
Cet objet est représentatif des missions du CHASHa, qui est le relai des instances diocésaines et du CIPAR pour la province du Hainaut, afin d’apporter une aide concrète sur le terrain pour la gestion de ce patrimoine religieux. Représentatif car il s’agit d’un objet hautement symbolique (commandé et façonné pour être utilisé pour la consécration d’autels ou d’églises).
Tout comme d’autres objets du culte, les œuvres qui arrivent au CHASHa par des mises en dépôt des fabriques d’église du Hainaut ou par des dons de communautés religieuses ou de particuliers sont tous chargés d’histoire et en particulier d’une charge cultuelle importante. Une statue présente sur un autel n’est pas un simple artefact, une simple œuvre d’art, mais est inévitablement liée à son contexte religieux. Sans compréhension ou médiation de ce dernier, l’œuvre ne peut être que partiellement comprise et appréciée. Pourquoi cette statue était-elle régulièrement repeinte ? Que signifient les couleurs utilisées et quelle en est la symbolique ? Comment comprendre les objets, qu’on appelle attributs, rassemblés au pied des personnages et permettant de les identifier ? Autant de questions auxquelles la remise en contexte des objets religieux permet de répondre. Tout comme un objet archéologique sorti de son contexte devient muet, une œuvre religieuse nettoyée de son passé cultuel ne parle plus.
Le rôle du CHASHa est dès lors de mettre sur pied des expositions temporaires annuelles avec des œuvres empruntées aux églises de la province du Hainaut, qui se veulent accessibles au grand public pour en expliquer le sens, l’histoire, le contexte mais également d’en assurer la survie pour les générations futures. Il faut rappeler que ce patrimoine est un héritage public et que le devoir des gestionnaires de ce patrimoine est de le transmettre. Le CHASHa se fait alors médiateur pour en assurer la conservation et la compréhension. Dans ce but, le CHASHa a également un conservatoire du patrimoine, afin d’offrir un lieu de stockage sain et professionnel au patrimoine en déshérence pour les fabriques d’église du diocèse de Tournai.
L’actualité du CHASHa
On organise chaque hiver depuis plus de 3 ans des visites du CHASHa (exposition des collections permanentes) et de l’abbaye de Bonne-Espérance (où est implanté le CHASHa), en collaboration avec la maison de la mémoire de Bonne-Espérance. Les prochaines dates : le 20/02 et le 20/03 à 14h30 précises devant les grilles de l’abbaye (sans réservation). Cette visite dure environ 2h à 2h30 et permet de visiter l’intérieur de l’abbaye.
La prochaine exposition temporaire s’ouvrira le 17 avril 2022 (accessible uniquement en visite guidée) et le 12 juin 2022 tous les dimanches de 14h30 à 18h (pour les visiteurs individuels) avec une exposition sur les Vierge à l’Enfant en bois du Hainaut. Environ 45 statues seront exposées pour parcourir cette thématique en traversant les siècles du 14e au 20e.
Plus d’informations sur le site internet.
Pour écouter l’émission, cliquez ici.
Déborah Lo Mauro