Les douze sculptures d’apôtres de style baroque conservées à la collégiale de Saint-Vincent de Soignies

Variant autour de 215 cm de hauteur, 130 cm de largeur et 70 cm de profondeur, les douze sculptures d’apôtre en bois de tilleul datées de la fin du XVII^e siècle et conservées dans la collégiale de Saint-Vincent de Soignies étaient toutes auparavant adossées aux piliers et colonnes de la nef centrale de l’édifice. En raison des travaux de restauration menés au sein de l’église en 1898, huit de ces douze œuvres ont alors été déchues de leur place d’origine afin d’être disposées dans la tribune nord de l’église, loin du regard du public. Suite aux conditions de conservation, celles-ci se sont détériorées et ont pour six d’entre-elles perdu leurs attributs et par la même occasion leur identification.

Le thème apostolique dans la nef centrale de Soignies, une question de signification.

Comme une multitude d’autres églises des Pays-Bas méridionaux, la collégiale de Soignies voit sa nef centrale être décorée par la représentation du collège apostolique. Suite à la révolte protestante du XVI^e siècle dans nos régions, le XVII^e siècle est marqué par la profusion de la représentation des douze apôtres dans la nef centrale des édifices religieux. Héritière des sculptures gothiques détruites par les hérétiques, ce regain pour cette représentation laisse percevoir l’importance du thème pour l’époque et de sa symbolique majeure sur laquelle s’appuie la foi catholique. Considérés comme les « colonnes » de l’Église, les apôtres étaient régulièrement associés au support des nefs afin de symboliser leur importance dans le maintien de la chrétienté. Au même titre que sans piliers ni colonnes, la structure architecturale de l’église s’écroule, sans la diffusion des fondements du christianisme par les apôtres, l’Église chrétienne se serait effondrée, elle aussi.

Quatre sculpteurs à l’origine d’un seul et même groupe de sculptures

Grâce à l’analyse formelle qui a été réalisée lors de notre étude de mémoire, nous avons pu distinguer différents groupes stylistiques dissimulés derrière la réalisation des douze apôtres de Soignies, supposant ainsi la participation de plusieurs sculpteurs dans la réalisation de l’ensemble. Nous retrouvons un artiste principal qui est à l’origine de neuf des douze sculptures du groupe. Il est alors aidé par deux collaborateurs, qui font chacun un apôtre dans un style similaire à celui du maître. Finalement, un dernier artiste, indépendant, à qui on doit la statue de saint Jean qui se détache totalement des autres statues de l’ensemble par ces différences stylistiques. Par le manque de mention de ces œuvres dans les archives, aucune attribution à un sculpteur n’a pu pour le moment être établie.

 

Il est cependant possible d’associer l’ensemble du maître principal à d’autres œuvres présentes à Mons. Citons ainsi les figures de saint Étienne, saint Liboire et saint Servais conservées dans les chapelles de l’église Saint-Nicolas-en-Havré. Malheureusement, malgré le lien stylistique probant qui les unit, l’association de ces sculptures à un nom d’artiste n’est toujours pas envisageable, car au même titre que le groupe de Soignies, les œuvres de l’église de Saint-Nicolas-en-Havré de Mons ne sont pas attribuées.

Des lacunes dans la connaissance du patrimoine sculpté hennuyer

Cette étude révèle la présence de lacunes dans notre connaissance du mobiliers sculptés du XVII^e et XVIII^e siècles présent dans nos régions. En effet, la sculpture hennuyère de cette période ne fait l’objet que de trop rares études scientifiques approfondies récentes, ce qui a eu pour effet de maintenir ces œuvres aux qualités indéniables dans la pénombre de la connaissance de notre patrimoine. Nous espérons dès lors que nos futures recherches sur le sujet pourront lever le voile sur cette part d’ombre qui subsiste sur l’histoire de l’art de notre pays.

Sarah COLLARD

Historienne de l’art, spécialiste de l’art du relief et de la sculpture baroque, Sarah Collard est une ancienne étudiante de l’université de Namur et de Louvain-La-Neuve.

Note : Cette étude a été réalisée dans le cadre du mémoire de master en histoire de l’art à l’UCLouvain. (COLLARD, S., La statuaire baroque de la collégiale Saint-Vincent de Soignies : Les douze apôtres de la nef centrale, mémoire de licence présenté à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, Faculté de philosophie, arts et lettres (M. Lefftz et R. Dekoninck, promoteurs), 2022.).

Un doctorat sur les sculpteurs hennuyers du XVII^e et XVIII^e siècles et leur production est envisagé par l’auteur et en attente d’un financement afin de compléter la recherche débutée. (COLLARD, S., La sculpture baroque et rococo dans l’ancien comté de Hainaut (XVII^e et XVIII^e siècle) : Prosopographie, style et tradition iconographique, Thèse de doctorat en Histoire de l’art (M. Lefftz et C. Heering, promoteurs).