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De Byzance à Chimay : le cas d’une mosaïque byzantine à la collégiale de Chimay

Publié le 01/12/2023

Œuvre majeure du trésor de la collégiale Saints-Pierre-et-Paul de Chimay, la mosaïque byzantine de Chimay est un parfait exemple de la vénération des images et des relations avec l’Orient à la fin de la période médiévale. Classée par la fédération Wallonie-Bruxelles depuis octobre 2021, cette icône du Christ Pantocrator fait actuellement l’objet d’une étude approfondie dans le cadre d’un mémoire de master. 

Figure 1 : Coffret de l’icône aux armes de Philippe de Croÿ, 1475-1477 ?, Chimay, Trésor de la collégiale Saints-Pierre-et-Paul ( © Yvan Svantner
Figure 1 : Coffret de l’icône aux armes de Philippe de Croÿ, 1475-1477 ?, Chimay, Trésor de la collégiale Saints-Pierre-et-Paul ( © Yvan Svantner)

Cette mosaïque portative ou « micro-mosaïque », datée du début du XIVe siècle, est représentative d’un type de production à la période paléologue. En effet, contrairement aux mosaïques monumentales que l’on connait, la production d’icônes en « micro-mosaïque » se situe essentiellement sur une courte période entre 1261 et la fin du XIVe siècle. L’iconographie et le style nous permet également de faire le rapprochement avec des mosaïques monumentales comme celle de l’église Pammakaristos à Constantinople et datée de la même période.  Entre 1472 et 1475, l’icône est offerte par le pape Sixte IV à Philippe Ier de Croÿ, comte de Chimay, alors en ambassade en Italie pour le duc de Bourgogne. Plus qu’un simple cadeau diplomatique, l’icône est reçue avec tout le prestige que lui confère sa provenance orientale. Dès son arrivée dans nos régions, l’œuvre va se voir enchâssée dans un cadre argenté et sera accompagnée d’un coffret en argent aux armes de Philippe de Croÿ.  La combinaison de l’icône et de son coffret, tous deux issus de périodes distinctes, sont des éléments qui rendent l’œuvre singulière d’un point de vue artistique et patrimonial.

L’inscription qui accompagne le coffret nous renseigne également sur l’icône et son histoire : « EFFIGIEM CHRISTI FIERET QVAM CARNEVS ANTE / HANC MAGNIFICTAM DEDIT IN PIGNVS AMORIS / NQVE CROY LEGATO SIXTVS PAPA PHILIPPO » (Cette image du Christ avant qu’il ne soit fait chair / a été donnée au légat Philippe de Croÿ en gage de son amour par le Pape Sixte IV). Toute cette attention portée à l’icone témoigne de l’attention qu’y apportait Philippe de Croÿ mais aussi de la vénération dont faisait l’objet. En 1476, le comte de Chimay fait don par testament de l’icone à la trésorerie du chapitre de Chimay. Dans le document, l’ensemble y est alors décrit comme un reliquaire. Cette mention en tant que reliquaire pour une icône témoigne du prestige que rencontrait les images byzantines dans nos régions, qui étaient souvent élevées au rang d’images miraculeuses, originelles ou acheiropoïètes (non faites de la main de l’homme). Comme l’indique l’inscription sur le coffret ‘’avant qu’il ne soit fait chair’’, l’image contenue dans le coffret revêtait d’une dimension originale et authentique. L’iconographie ainsi que la provenance orientale de l’icône de Chimay a conféré à l’objet une forme d’authenticité qui rendait cette image vénérable au même titre qu’une relique.

Figure 2: Icône de Chimay, vers 1300-1350, Chimay, Trésor de la collégiale Saints-Pierre-et-Paul (© Yvan Svantner)
Figure 2: Icône de Chimay, vers 1300-1350, Chimay, Trésor de la collégiale Saints-Pierre-et-Paul (© Yvan Svantner)

L’ambassade de Philippe de Croÿ en Italie est également à l’origine d’une autre pièce remarquable dans le patrimoine de nos églises. C’est en effet à Philippe de Croÿ, qui était également seigneur de Quiévrain, que l’on doit la présence d’une relique de Sainte Barbe à l’église Saint-Martin de Quiévrain. De la même manière qu’avec l’icône, Philippe de Croÿ a tenu à faire apposer les armes des Croÿ-Chimay sur le reliquaire créé à l’occasion. Cela démontre bien la dimension symbolique et ostentatoire de ces cadeaux diplomatiques qui participaient à la réputation et au statut du commanditaire à la cour de Bourgogne.

L’étude de l’icône de Chimay rentre également dans le cadre de l’inventaire fraichement réalisé à la collégiale Saints-Pierre-et-Paul. Celui-ci a permis d’inclure l’entièreté du patrimoine mobilier de la collégiale dans le but de le protéger, l’ordonner mais aussi de le mettre en valeur. Une mise en valeur qui bénéfice en outre à l’icône et son coffret, qui, pour des raisons de sécurité, ne sont actuellement pas visibles à la collégiale. Cependant, la réalisation de l’inventaire et la prise de photos en haute qualité a donné lieu à un projet de valorisation où l’icône pourrait être imprimée et exposée sur des panneaux à taille réelle au sein de la collégiale. Ainsi, une pièce majeure dans l’histoire de la collégiale se verrait davantage mise en valeur, pour le plus grand plaisir des Chimaciens et des curieux du Patrimoine.

J’adresse mes remerciements au CIPAR et à la fabrique d’église de Chimay, qui, dans le cadre de mon mémoire et de mon stage, m’ont donné un accès privilégié à l’icône de Chimay ainsi qu’une expérience inestimable en termes d’inventorisation et de gestion du patrimoine. En plus d’être une œuvre majeure dans l’histoire locale, l’icône peut également être inscrite dans un cadre géographique et historique plus global. La présence d’une icône byzantine à Chimay soulève en effet des questions plus larges telles que les relations entre l’Orient et l’Occident à la période médiévale, les pratiques de noblesse à la cour des ducs de Bourgogne ou encore la réception des images byzantines en Occident. Ces questions seront développées et approfondies dans le cadre de mon mémoire afin d’avoir une meilleure perception des contextes artistiques, politiques et religieux à la fin de la période médiévale dans les Etats bourguignons.

 

Yvan SVANTNER

 

Pour approfondir :

  • Paravicini, W., Montée, crise, réorientation. Pour une histoire de la famille de Croy au XVe siècle, dans : Revue belge de philologie et d'histoire, tome 98, 2023, p.148-355.
  • Vanderheyde, C., Icône byzantine en mosaïque du Christ Pantocrator et son coffret, dans, Dialogue avec l’invisible : l’art aux sources de l’Europe, Œuvres d’exception issues de la Œuvres d’exception issues de la communauté française de Belgique (VIIIe – XVIIe siècle), Namur, 2023, p. 284-287.
  • Evans, H., ed., Byzantium: faith and power (1261-1557), (catalogue d’exposition, The Metropolitan Museum of Art, 23 mars-5 juillet 2004), Londres, 2004.
  • Hôtel-Dieu des hospices civils de Beaune, Quand flamboyait la toison d'or : le Bon, le Téméraire et le chancelier Rolin (1376-1462), (catalogue d’exposition, Hospices de Beaune, 4 décembre 2021 - 31 mars 2022), Beaune, 2021.
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