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À la découverte du patrimoine funéraire sculpté de Wallonie : 1. Le Hainaut (suite)

Publié le 02/09/2024

Excursus : des vêtements liturgiques funéraires exceptionnels à Mons

Quand on parle de patrimoine funéraire, il n’y a pas que la sculpture qui doit être mise à l’honneur, car de nombreuses autres typologies funéraires sont trop souvent oubliées, comme les textiles. De nombreux ensembles de vêtements liturgiques de funérailles anciens sont encore conservés dans les sacristies hennuyères et wallonnes, mais sont particulièrement menacés. En effet, depuis Vatican II, c’est la couleur violette qui est privilégiée lors des funérailles, et tous les vêtements de couleurs noires sont depuis lors inutilisées et souvent oubliés dans les armoires des sacristies.

Parmi ces vêtements de funérailles, un bel ensemble en velours est conservé à Mons, dans l’église Saint-Nicolas-en-Havré. Il se compose d’une chasuble, de deux dalmatiques et d’une chape, et daterait de la fin du XVIe – début XVIIe siècle. Il a été restauré par le CRECIT (Tournai) en 2022.

Le motif principal de cet ensemble de vêtements est une représentation de danse macabre. Il s’agit d’un thème iconographique né à la fin du Moyen Âge et qui représente la Mort sous la forme d’un squelette qui entraine dans une danse différents personnages, appartenant à des catégories « socio-professionnelles » différentes. Le message est simple : la mort ne fait pas de distinction entre les vivants : peu importe que l’on soit riche ou puissant, les hommes et les femmes sont tous égaux devant la mort.

Fig. 1. Danse macabre : détail de la chape, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. Photo © M. Gilbert et H. Malice.

Sur la chasuble, on voit ainsi la Mort danser avec des religieux (pape, cardinal, évêque et abbé). Au dos, à la place principale, se trouve une représentation du Jugement dernier. Le Christ en gloire se tient au centre, les pieds sur un globe. Il porte les stigmates de sa Passion, indiquant qu’il a triomphé de la mort. De part et d’autre se trouvent la Vierge et Saint Jean, tandis que des morts sortent de leur tombe.

Les représentations de la chape résonnent avec celles de la chasuble. On y voit d’autres représentations de danse macabre, mais la Mort entraine cette fois des laïcs dans sa danse (empereur, duc, comte, roi, chevalier et noble). Sur le chaperon, on peut observer une représentation de la Résurrection de Lazare.

Les dalmatiques sont plus sobres et ne présentent pas de scènes historiées. Les orfrois accueillent plusieurs évocations symboliques de la mort (crânes et ossements croisés), en lien avec la fonction de l’ensemble liturgique.

Fig. 2-5. Ensemble liturgique de funérailles : dalmatique, chasuble (face et dos) et chape, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. © M. Gilbert et H. Malice. Les photos ont été prises juste avant la restauration des vêtements au CRECIT (Tournai) en février 2022.

Détail d’une chasuble, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. © M. Gilbert et H. Malice.
Détail d’une chasuble, fin du XVIe – début du XVIIe siècle, Saint-Nicolas-en-Havré, Mons. © M. Gilbert et H. Malice.

Ces représentations de la mort peuvent sembler incongrues, voire macabres, pour notre époque. Elles étaient pourtant omniprésentes dans la culture visuelle du Moyen Âge et de l’époque moderne, et ce même dans les églises. Et surtout à partir du XVIIe siècle, ces représentations de la mort se multiplient également sur les monuments funéraires, sous la forme de crânes, d’ossements ou de squelettes, ou par des représentations symboliques comme des sabliers. Ces représentations n’insistent pas que sur la mort, mais sont également imprégnées d’un message d’espoir, celui de la vie après la mort. Ce message est très visible pour cet ensemble montois. La résurrection de Lazare est ainsi un épisode qui préfigure la résurrection des fidèles. Et le Jugement dernier, avec les défunts qui sortent de la tombe, met en scène directement la résurrection des Justes, qui est placée en lien avec la Passion du Christ (de part la représentation de ses stigmates) et donc le rachat des péchés.

Bibliographie :

I. Lüders, Der Tod auf Samt und Seide: Todesdarstellungen auf liturgischen Textilien des 16. bis 19. Jahrhunderts im deutschsprachigen Raum, Kassel, Arbeitsgemeinschaft Friedhof und Denkmal, 2009, p. 131-135.

 

Elise Philippe, doctorante en histoire de l’art (FNRS/UCLouvain)

 

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