Un saint Jacques le Majeur de 1380, mais tellement contemporain !
Immobile, dans sa vitrine du Trésor de la collégiale Sainte-Waudru à Mons, depuis de longues années, la statue de saint Jacques le Majeur, datée de la fin du XIVe siècle (1380), reconnue par arrêté ministériel du 1er mars 2016 (publication au Moniteur belge le 3 octobre 2016) comme trésor de la Communauté française de Belgique, est une œuvre exceptionnelle au niveau des traces de polychromie et de la qualité de la sculpture.
Fiche d’identité :
Hainaut, vers 1380
Bois de noyer polychromé
H 101 cm
Collégiale Sainte-Waudru, Mons
Classé le 1er mars 2016
L’arrêté de classement stipule que la statue doit être qualifiée de trésor « en raison de sa valeur artistique et historique, et répondant aux critères de classement suivant : l’état de conservation, l’esthétique, la rareté, la grande qualité de conception et d’exécution et le lien avec l’histoire de l’Art ». Le soin apporté à sculpter le visage, à représenter les plis des vêtements, à dorer et peindre la statue, tout concourt à rendre la statue exceptionnelle.
Saint Jacques est représenté debout, barbu et moustachu, pieds nus. Vêtu d’une longue tunique aux plis harmonieux, il porte, sur les épaules et la tête, un pallium (large bande de tissus portée au-dessus de la tunique). Ce tissu est retenu par le bras gauche (dont une partie est manquante) et est soutenu par la main droite légèrement relevée, accentuant ainsi les plis du tissu. De la main gauche, il tient une panetière sur le rabat de laquelle figure une coquille. Le pommeau d’une épée est également apparent derrière la main. La statue est remarquable par sa réalisation : les plis des vêtements surtout qui donnent à la fois du volume, du prestige, de la vie au saint représenté.
Quant au regard aux yeux bleus, il est déterminé et tellement contemporain malgré son âge.
L’avant-bras droit a disparu au fil du temps. On ne peut qu’imaginer… Il portait peut-être un livre (attribut, comme les pieds nus, des apôtres). Comme nous ne connaissons pas, et ne connaitrons probablement pas, l’origine de la statue, la question n’aura jamais de réponse.
Le bourdon du pèlerin était peut-être intégré à la statue au XIVe siècle mais a disparu avec le temps. Le saint Jacques de la collégiale Sainte-Waudru est davantage présenté comme un pèlerin (son pallium lui couvrant la tête peut évoquer les vêtements des pèlerins se protégeant soit de la pluie, soit du soleil) qu’en tant qu’apôtre.
A l’origine (les analyses de l’IRPA et les traces de dorures le prouvent), la statue était recouverte de feuilles d’or probablement travaillées de manières différentes selon les endroits pour aider à la lisibilité de la statue (bords des vêtements, barbe, sourcils, moustache, …). Mains, pieds et visage étaient vraisemblablement peints presque comme on les voit aujourd’hui.
Au moins cinq surpeints, découverts lors de la restauration de la statue par l’IRPA, ont été placés, lors de diverses remises en état de la statue (qui était alors pièce de dévotion et non œuvre d’art) au-dessus de la polychromie originale.
En 1995, lors de la campagne « SOS Polychromies » (menée par le Fonds du patrimoine culturel immobilier de la Fondation Roi Baudouin) il a été décidé, lors de la restauration de la statue par l’IRPA, de retrouver, et donc de mettre en valeur, les traces les plus anciennes. Il est de la sorte possible d’imaginer l’effet que pouvait produire la statue, toute dorée et éclairée par quelques bougies, sur les pèlerins qui priaient devant elle.
Désormais, au premier regard, c’est le bois qui apparaît sur la majeure partie de la statue, car la dorure est plus que lacunaire. On se souvient encore qu’avant restauration, la statue apparaissait dans les tons bleu, beige, ocre et brun. Quant au visage tel qu’il est aujourd’hui avec un regard d’une profondeur exceptionnelle, probablement parce qu’en manipulant une statue, on la prend rarement par le visage, il a été peu dégradé en un peu plus de six siècles. Il a ainsi, lors de la campagne « SOS Polychromies » retrouvé son apparence d’origine (restaurée et nettoyée par l’IRPA) ; saint Jacques semblant de la sorte regarder loin devant lui, la tête légèrement relevée.
Il fut un temps où, dans la collégiale Sainte-Waudru, quand le 25 juillet (jour de la saint Jacques) tombait un dimanche (ou le dimanche le plus proche du 25), la statue était sortie du Trésor et placée près de l’autel lors des messes du jour. Depuis la restauration de la statue, cette pratique populaire n’est plus de mise. En effet, le travail de restauration doit être respecté. Son classement comme trésor implique aussi des autorisations et vérifications pour la déplacer, la manipuler. La collégiale Sainte-Waudru a certes « gagné » un trésor mais la statue a probablement perdu un peu de son âme.
Il est, c’est un constat évident, toujours difficile de trouver un juste équilibre entre le sens à donner au patrimoine religieux et la nécessaire obligation de conservation d’un patrimoine essentiel à transmettre aux générations futures.
Saint-Jacques le Majeur reconnu comme Trésor voisine avec d’autres œuvres reconnues elles aussi comme Trésor ; celles en albâtre de Jacques Du Broeucq (dans la collégiale et au Trésor).
Quoi qu’il en soit, en ce début de XXIe siècle, le Saint-Jacques accueille directement tous les visiteurs du Trésor de la collégiale Sainte-Waudru défiant le temps avec ses six siècles d’existence, lui, qui s’il était à Mons à l’époque (il y avait à Mons, rue de Nimy, une chapelle dédiée à saint Jacques depuis 1403), a connu le début du chantier de la collégiale en 1450…
Benoît VAN CAENEGEM
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru et de son Trésor
Envie de découvrir le retable ? Informations pratiques d’accès à la collégiale : heures d’ouverture
Tous les jours de 9h à 18h de Pâques au 31 octobre
Dimanche à partir de 9h30
Statue visible dans le Trésor de la collégiale
Envie d’en savoir plus ?
BALACE S., Saint Jacques le Majeur dans DELCOR Fr. (éd. resp.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, coll. Protection du Patrimoine culturel, 2, Bruxelles, 2021, pp. 105-106.
TOUSSAINT J., « Saint Jacques le Majeur », dans ALLARD D. (dir.), Dorures, brocarts et glacis. S.O.S. Polychromies, 27 octobre – 31 décembre 1995, Musée des Arts anciens du Namurois, Bruxelles, 1995, p. 51.
VAN HAUWAERT F. et ROSSAT-MIGNOD E., dans Idem, p. 55.