Lire les armoiries canoniales sous l’Ancien-Régime
Nous l’avons vu le mois dernier, les armoiries épiscopales sont à la fois répandues et relativement simples à lire. Il n’en va pas de même de toutes les catégories d’armes ecclésiastiques, en particulier, les emblèmes canoniaux ! Les chapitres canoniaux sont au Moyen âge et aux Temps modernes des institutions puissantes et souvent soucieuses de leur prestige et de leurs prérogatives. Ces questions de statut et de privilèges se traduisent naturellement en héraldique… donnant du fil à retordre au Saint-Siège.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un chanoine ? Il faut distinguer chanoine régulier et séculier. Le premier appartient à un ordre, comme celui de saint Augustin ou de Prémontré, il vit selon la règle de saint Augustin, dans le cadre d’une communauté rappelant le mode de vie abbatial. La différence avec les moines, outre la règle de vie qui est le plus souvent celle de saint Benoît, réside dans le fait que le chanoine rayonne autour de son abbaye et prêche en paroisse tandis que le moine accueille les fidèles dans son abbaye mais n’en sort pas. Existent en parallèle les chanoines séculiers qui vivent à proximité d’une collégiale, d’une cathédrale ou d’une basilique. Ils se réunissent en ces lieux lors de chapitres qui sont l’occasion de prises de décisions et lors des offices qui rythment la vie canoniale. Si le chapeau héraldique des évêques est vert, celui des chanoines est entièrement noir. C’est là la version minimale, c’est-à-dire en dehors des concessions de privilèges particuliers. Il en pend six houppes, trois de part et d’autre. Si les privilèges, accordés uniquement par le souverain pontife et non retirables par les évêques, sont nombreux et variés, certains sont plus classiques, il en va par exemple de la mitre. Certains collèges canoniaux se sont vus attribuer l’autorisation de porter la mitre, à la condition de ne plus porter le chapeau.
Figure 1 Chanoine Joachim de Dreux-Brézé (1649-1716), Pinterest
Autre privilège : les couronnes. Nous avons vu le mois dernier que des couronnes représentant un rang nobiliaire pouvaient coiffer un écu d’évêque et permettre de le rattacher à un lignage. Il peut en aller de même pour les chanoines de certains chapitres, à la différence près que les titres ne relèvent pas toujours de l’hérédité. Parmi les signes de distinction octroyés par le Pape, ou autorisés par celui-ci, on compte régulièrement une forme d’anoblissement par charge, c’est-à-dire l’octroi d’un titre de noblesse lié au chapitre canonial, dès l’entrée en fonction du chanoine. Il faut donc éviter les raccourcis et ne pas considérer automatiquement les couronnes comme témoignant d’une origine familiale, même s’il ne faut pas être naïf pour autant : nombre de chapitre canoniaux, masculins ou féminins, demandaient aux candidats à l’entrée de présenter leurs preuves de noblesse, appelées « quartiers ». Ne devenait donc pas chanoine-comte ou chanoine-baron qui voulait !
Il faut effectivement être très prudent par rapport à ce statut nobiliaire : certains chanoines ne semblent pas accorder d’importance à leurs attributs d’état ecclésiastique et se contentent d’arborer leurs armoiries familiales. Le lignage prend-il clairement le pas sur la fonction en termes de prestige ? Rien d’impossible, la carrière ecclésiastique ne se concevait pas alors comme de nos jours : un canonicat, c’est-à-dire une place dans un chapitre canonial, était un poste prisé car il garantissait d’importants revenus qui permettaient d’assurer la tenue de son rang au bénéficiaire.
De nos jours, l’Ancien Régime est terminé et le concile Vatican II a revu les usages de l’héraldique ecclésiastique. Les armes canoniales ne sont donc plus coiffées que du chapeau dédié et les titres de noblesse auparavant liés aux chapitres ont été supprimés.
Figure 2 Armoiries du chanoine Roland-Gosselin.
Charles Melebeck