Confinement...quarantaine....carême...
Le confinement consiste à se tenir à distance de la société. C’est parfois par obligation, comme nous le vivons pendant la pandémie de la Covid-19. Le confinement peut aussi être volontaire. C’est ce que vivent les moines, qui cependant accueillent et pratiquent l’hospitalité. Le confinement a sa place dans la Bible : lors du Déluge, quand Elie monte vers l’Horeb ou lorsque Jésus se retire quarante jours au désert. Chaque année, les chrétiens pratiquent le Carême appelé « sainte quarantaine », pour se préparer aux fêtes pascales. La retraite spirituelle est aussi un confinement volontaire, pour redécouvrir le vrai visage de Dieu et faire le point sur sa vie.
Il y a confinement et confinement… !
Qu’on pense au confinement des prisonniers, imposé à la suite d’un délit. Manière d’éviter que les malfaiteurs nuisent à la population. De même, le confinement sanitaire vise à empêcher la propagation des maladies. Ces confinements se caractérisent par une privation totale ou partielle de notre liberté de mouvement. Nos confinements peuvent être difficiles à supporter – solitude, découragement, déprime - car les relations sociales sont une part essentielle de notre vie : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul… » !
Les monastères et les couvents pratiquent une sorte de « confinement volontaire », marqué symboliquement par la « clôture », cet espace réservé aux membres de la communauté. Le confinement des chartreux est particulièrement strict ; ils vivent en « solitaires » pour mieux s’adonner à la recherche de Dieu et à la prière. Celui des bénédictins est moins strict et varie d’une maison à l’autre. Les bénédictins belges ont une orientation de type « apostolique ». Ceux de l’ancien Congo belge avaient des collèges et s’occupaient de paroisses. Aujourd’hui encore, les bénédictins ont souvent une école abbatiale destinée aux jeunes. Le confinement des moines est donc relatif. La Règle de saint Benoît prévoit d’ailleurs l’accueil et l’hospitalité dans les monastères. Ceux-ci offrent le gîte et le couvert et invitent les hôtes à se joindre à leur prière.
Confinement et quarantaine dans la Bible
Lors du Déluge, Noé entre dans l’Arche avec sa famille et des représentants des diverses espèces animales. Il y demeure quarante jours et quarante nuits (Gen 7 et 8). Ce temps de purification va régénérer le peuple des pécheurs et ouvrir sur une nouvelle alliance. Le peuple de Dieu séjournera quarante ans au désert avant d’arriver à la Terre promise. Le prophète Elie, découragé par la persécution de la reine Jézabel, passe 40 jours et 40 nuits avant d’arriver à l’Horeb, la montagne du Seigneur. Après cette rencontre, il reprend courageusement son « métier » de prophète du Dieu unique (1 Rois 19). Jésus séjournera quarante jours et quarante nuits au désert, revivant la marche de son peuple avant l’arrivée en Terre promise. Temps d’épreuve : là où le peuple s’était montré faible et infidèle, Jésus se montre fidèle à Dieu et à sa mission de Messie : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est à lui seul que tu rendras un culte » répond-il au Tentateur (Mt 4, 10).
Illustration : Modillon "Arche de Noé" conservé à Lessines, photo © Roc-Photo Club Lessines.
La « sainte quarantaine »
Le Carême (Quadragesima dies, 40e jour) s’inscrit dans la ligne des 40 années du Peuple d’Israël au désert et des 40 jours de la Tentation de Jésus. Ce chiffre de quarante (4 x 10 jours) désigne une période longue, en quelque sorte « initiatrice ». Au terme de celle-ci, quelque chose s’achève et une nouvelle période va commencer. C’est donc une sorte de renouvellement ou de « cure » spirituelle.
Dans les premiers siècles, le baptême était presqu’exclusivement donné aux adultes. Venant souvent du paganisme, il leur fallait apprendre les manières des chrétiens. Découvrir dans les Saintes Écritures le projet de salut de Dieu. Découvrir la personne du Christ grâce surtout aux Évangiles. Ils apprenaient aussi les mots de la prière pour s’adresser à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Enfin, ils découvraient les lignes de force du comportement chrétien. Ce stage préparatoire au baptême s’appelait « catéchuménat ». Il se pratique encore aujourd’hui ; c’est à Pâques que les nouveaux venus reçoivent le baptême. Depuis ce temps, le Carême est devenu un temps de progrès de la foi pour tous les baptisés.
Les chrétiens de l’Antiquité qui avaient commis des fautes particulièrement graves (homicide, idolâtrie, fautes sexuelles majeures) s’étaient mis en dehors de la communion de l’Église. Leur comportement « fragilisait » en quelque sorte la communauté chrétienne. Ils pouvaient entrer dans une sorte de « stage pénitentiel » destiné à se reconstruire et à demander le pardon de leurs fautes. Au terme du Carême avait lieu la « réconciliation des pénitents » le Jeudi-Saint par l’évêque. Depuis cette époque, le Carême est devenu pour tout chrétien une période de renouveau. Le sacrement de pardon leur est proposé peu avant Pâques. Le « Carême de partage » invite chacun à entrer dans une démarche de solidarité avec les plus défavorisés de notre riche planète !
Le Carême culmine dans les fêtes pascales de la mort et de la résurrection du Christ. De même que la nature reprend vie au printemps, ainsi la fête de Pâques est la victoire de la vie sur la mort, de la solidarité sur l’égoïsme, de la foi sur l’indifférence. Elle est une sorte de relance pour les chrétiens. Les conférences et retraites de Carême, mais aussi les messes des cinq dimanches de Carême, permettent de poursuivre cet objectif.
La poésie liturgique du Carême
Le chant liturgique de tous les baptisés répond aux appels de Dieu, tel ce chant de l’Aveugle-né qui représente chacun des chrétiens en quête de pardon et de foi :
Ouvre mes yeux, Seigneur, Fais que je marche, Seigneur,
Aux merveilles de ton amour. Aussi dur que soit le chemin
Je suis l’aveugle sur le chemin, Je veux te suivre jusqu’à la croix,
Guéris-moi, je veux te voir. Viens me prendre par la main.
Ouvre mes mains, Seigneur, Garde ma foi, Seigneur,
Qui se ferment pour tout garder, Tant de voix proclament ta mort,
Le pauvre a faim devant ma maison, Quand vient le soir et le poids du jour,
Apprends-moi à partager. Ô Seigneur, reste avec moi.
André Haquin