Conservation et restauration de deux tableaux de Maximilien De Haese à Ottignies
En mars dernier, deux tableaux du peintre Maximilien De Haese ont été réaccrochés à l’église Saint-Rémy d’Ottignies, un événement qui marquait la fin de leur restauration. Une bonne occasion de se pencher sur l’histoire de ces toiles et en particulier sur les différentes interventions de conservation-restauration qu’elles ont connues depuis leur création au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Les tableaux
Les deux peintures à l’huile conservées au sein de l’église Saint-Rémy sont attribuées au peintre bruxellois Maximilien de Haese (1713-1781). La plus ancienne représente la Présentation de Jésus au temple ; cette toile est datée de 1776 et est signée par l’artiste. La seconde dépeint l’Assomption de la Vierge et n’est quant à elle ni signée ni datée. Les deux tableaux ont été achetés en 1831 par la fabrique d’église Saint-Rémy à la paroisse Saint-Nicolas de Bruxelles *1.
Les tableaux sont de dimensions imposantes : environ 4,20 m de haut sur 2,20 m de large. Ils étaient à l’origine suspendus dans le chœur de l’église puis ont été déplacés en 1974 dans la chapelle des fonts baptismaux. Ils sont à présent accrochés l’un en face de l’autre au milieu des nefs latérales.
Les deux tableaux après la restauration. Photographies de l'auteure.
Une première intervention de conservation – 1985-1992
Outre l’intervention menée fin 2020, les toiles avaient déjà été restaurées auparavant à plusieurs reprises. En 1985, suite au constat du mauvais état des toiles, la fabrique a pris contact avec le Musée de Louvain-la-Neuve (actuel Musée L) afin d’envisager la restauration des toiles.
Une étude préalable conclut que les toiles de Maximilien de Haese sont très endommagées. Le châssis* présentait un gauchissement*. La couche picturale montrait des soulèvements, des trous et des déchirures probablement dues à la tension de la toile causée par le gauchissement du châssis. Des lacunes dans la couche picturale laissaient apercevoir à l’œil nu les couches de préparation* blanches et bleues. Les couleurs d’origine des toiles étaient également atténuées par de la poussière et des couches successives de vernis sale. Cette étude préalable conclut également que les toiles ont déjà connu plusieurs interventions de conservation-restauration : une première dans les années 1800, et une seconde plus récente, au cours de laquelle les tableaux ont été retouchés, rentoilés et renforcés à l’aide de papiers journaux.
L’intervention a débuté en 1988, et sera achevée fin 1992. Il s’agissait d’une intervention de conservation, et non de restauration : cela désigne toute action visant à augmenter l’espérance de vie du patrimoine ; ces actions peuvent être curatives, comme dans ce cas-ci, ou préventives. Les interventions de restauration, quant à elles, répondent à une volonté esthétique de valorisation des objets patrimoniaux. L’intervention de conservation était supervisée par le Musée de Louvain-la-Neuve (cellule CORÉ - Conservation et Restauration du patrimoine) et menée par des étudiants en restauration à la Cambre. Elle s’est déroulée en quatre étapes : la préparation des tableaux, le doublage à la cire des toiles (cette étape a été confiée à l’atelier privé Salv’Artes), la fixation sur un nouveau châssis en bois, et les finitions.
Restauration ancienne. Photographies de la fabrique.
Une seconde intervention de restauration – 2020
Cette première intervention portait principalement sur la structure des tableaux (châssis et toile), mais la couche picturale devait encore être traitée, afin d’intervenir sur d’anciens repeints* et sur les lacunes dans les couches de préparation et la couche picturale. Une seconde intervention - cette fois de restauration car poursuivant un objectif surtout esthétique -, a donc été confiée en 2020 à Christian de Castellane et Marc Henricot. Menée entre le 12 octobre et le 20 novembre 2020, la restauration a cette fois eu lieu directement dans l’église Saint-Rémy d’Ottignies, étant donné les grandes dimensions des tableaux. Les peintures, couchées sur le flanc, ont d’abord été légèrement nettoyées à l’eau, et les excédents de la colle utilisée lors des rentoilages* ont été éliminés. Les parties lacunaires de la couche de préparation ont ensuite été comblées avec du mastic, et les lacunes et repeints de la couche picturale ont été retouchés. En guise de finition, un vernis satiné a été appliqué.
Travail du restaurateur. Photographies du restaurateur.
Au cours de telles interventions, les tableaux sont observés de très près, l’occasion d’en apprendre plus à leur sujet. Les deux restaurateurs ont ainsi pu identifier au minimum deux mains sur la Présentation de Jésus au temple : une main plus aguerrie et une main moins sûre, qui aurait notamment travaillé sur les angelots représentés dans la partie supérieure. Ce tableau, non-signé, serait donc à attribuer à Maximilien De Haese et à son atelier.
Les deux tableaux ont ensuite été réaccrochés de part et d’autre de la nef de l’église. La fabrique a également pris des dispositions spécifiques afin de veiller à la bonne conservation des toiles et ainsi éviter toutes dégradations futures et de lourdes interventions de conservation-restauration. Cliquer ici pour visionner la vidéo.
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SOURCE de l’auteure
*1 A. Léger, La paroisse Saint-Rémi d’Ottignies. 1785-1985, ouvrage imprimé à Ottignies-Louvain-la-Neuve en 1985.
LEXIQUE: (extrait de CNRTL)
Châssis: cadre sur lequel est tendue une toile
Gauchissement: déformation
Couche de préparation: couche que l’on applique afin de préparer un support (ici la toile) à recevoir les couches picturales.
Repeint: Retouche d’une toile, restauration des parties dégradées d'un tableau.
Rentoilage: Coller la toile d’un tableau ancien sur une toile neuve ou fixer la pellicule de peinture sur une toile neuve afin d’en assurer une meilleure conservation. Concernant les deux toiles d’Ottignies, la toile ancienne a été doublée d’une seconde toile, fixée à l’aide de cire.
Un grand merci à la fabrique et à Christian de Castellane pour leurs explications et la transmission de leurs photos et documents d’archives.
Elise Philippe