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Les sept joies de Marie de Lancelot Blondeel et Pierre Pourbus

Publié le 16/07/2024
Fig. 1. Lancelot Blondeel, Les sept joies de Marie  © IRPA-KIK, Bruxelles, X118445.

Attribué à Lancelot Blondeel (en collaboration avec Pierre Pourbus ?)

Vers 1545-1550

Peinture sur panneau

134 x 104 cm

Cathédrale Notre-Dame, Tournai

Propriété du Chapitre cathédral, Tournai

Classé le 9 juin 2010 – M.B. 26 octobre 2010

L’œuvre de Lancelot Blondeel et Pierre Pourbus, considérée comme majeure pour le XVIe siècle, met en scène la dévotion populaire liée aux événements de la vie de la Vierge Marie submergée par des éléments architecturaux massifs[1]. C’est d’ailleurs sur la représentation de cette architecture que se basèrent sans doute les historiens d’art afin d’attribuer la composition au brugeois Lancelot Blondeel[2]. Il est vrai que ce peintre est  connu pour être « très habile dans l’architecture» comme le rappelle Carel Van Mander dans sa célèbre Histoire de la vie des peintres[3]. En outre, si l’on compare l’œuvre de Tournai à la Notre Dame à l’Enfant entourée de Saint Luc et Saint Gilles conservée la cathédrale Saint Sauveur de Bruges[4], nous retrouvons ce même goût pour une architecture en symétrie axiale verticale au centre de l’œuvre ; pour un décor luxuriant et pour une mise en retrait de la scène iconographie au profit d’une ouverture en arc de triomphe au centre bas de l’œuvre. Pour autant, cette œuvre qui ne proviendrait pas de l’ancien mobilier tournaisien selon le chanoine Joseph Warichez en 1934-35[5] bien que Jean-Auguste Druon Cardinael l’attribuait à Jean Cousin dans son Calendrier Tournaisien quelque cent-soixante ans plus tôt, 1775[6], fut rendue au gendre de Blondeel, Pierre Pourbus[7], à la moitié du siècle dernier par Paul Eecklout[8] puis, à sa suite, par Paul Huvenne[9]. Accordons nous à dire que l’œuvre est probablement l’une des toutes premières peinte par Pierre Pourbus alors en formation dans l’atelier de Blondeel. Il s’agirait donc selon toute vraisemblance d’une œuvre collaborative exceptionnelle.

   

Fig. 2. Lancelot Blondeel, Les sept joies de Marie © IRPA-KIK, Bruxelles, X128222, X128224, X128227, X128228.

Bien que perdues dans ce faste architectural, les sept joies de la Vierge sont bel bien toutes représentées :  Annonciation et Visitation de part et d’autre de l’arche au bas de la composition qui s’ouvre sur un large paysage en perspective mettant en scène la Nativité, l’Adoration des Mages et l’Assomption ; tandis que la partie supérieure présente le Christ ressuscité apparaissant à Marie et la Pentecôte. Ainsi placées, les différentes scènes se déroulent au sein de la même et grandiose architecture anguleuse et symétrique mis en avant par un puissance clair obscure. Réalisée dans des tons de beige, de rouge et de gris bleuté, la composition fait, comme le veut la période artistique, la part belle aux nombreux puttos apportant des fruits ou tenant nonchalamment une guirlande de fleurs composée tout au plus de quelques discrets festons.

Il n’est donc pas surprenant que parmi les quelques trente six peintures ou ensembles peints ayant eu l’honneur d’être classés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, Les 7 joies de la Vierge fut l’une des premières à avoir été reconnue Trésor du patrimoine. À ce titre, cette peinture datant des alentours de 1550, ne pourra jamais quitter définitivement le territoire national belge. La Fédération Wallonie-Bruxelles, après avoir veillé à sa restauration en 2019, se doit d’en assurer la préservation et la protection. Joyaux du patrimoine, cette composition à l'architecture rigoureusement mathématique comme  tend à le démontrer les marques de compas et de lignes strictes révélées lors de l’étude du tableau par l’IRPA de Bruxelles, ne cesse de nous fasciner. En outre, la quantité de détails présents au sein de cette composition de petites dimensions exposée dans le Trésor de la Cathédrale Notre-Dame de Tournai attire curieux et historiens d’art soucieux de la préservation du Patrimoine de même que la châsse de Notre Dame faisant  quant à elle partie des sept merveilles de Belgique.

Fig. 2. Lancelot Blondeel, Les sept joies de Marie © IRPA-KIK, Bruxelles, X118446, X128217, X128218, X128219.

Nathalie Fraquet

[1] Jean DU MOULIN et Jacques PYCKE, La cathédrale Notre-Dame de Tournai et son trésor, Tournai : Casterman, 1972, p. 57

[2] Lancelot BLONDEEL, (Poperinge1498- Bruges 1561) fut peintre, cartographe et ingénieur. Tout d’abord maçon, il réalisa un arc de triomphe en 1520 à Bruges pour la Joyeuse entrée de Charles Quint ainsi que trois « tableaux vivants » apposés sur l’arcs de triomphe érigé en 1549 pour l’entrée de Philippe II.

[3] Karel VAN MANDER, Het Schilder-Boeck, Haarlem : Passchier Wesbusch, 1604, T.1, p.64

[4] Lancelot BLONDEEL, Notre Dame entourée de Saint Luc et Saint Gilles, 1545, huile sur toile, 138 x 98 cm, Bruges, Cathédrale Saint Sauveur, Trésor, n°13. Oeuvre datée, monogrammée et comportant la truelle chère à Blondeel qui a commencé sa carrière comme maçon.

[5] Joseph WARICHEZ, La Cathédrale de Tournai, Bruxelles : Nouvelle Société d’édition, 1934-1935, Vol 2, p. 22.

[6] Jean-Auguste DRON CARDINAEL, La Description abrégée de la ville et cité de Tournay, de commerce et des meilleures peintures & sculptures dont les églises sont décorées, dit « Calendrier tournaisien », Archives et Bibliothèques de la Cathédrale de Tournai, Calendrier 1775 [Non côté].

[7] Pierre POURBUS (Gouada 1523-Bruges-1584) fut peintre, dessinateur, ingénieur, cartographe. Peu de temps après son inscription à la guilde des sculpteurs et selliers de Bruges (Guilde saint Luc), en 1543, il épousa Anna, la plus jeune fille du Peintre Lancelot Blondeel qui n’avait pas d’héritier masculins : Marc DE BEYER et Josephina DE FAWN, Pieter Pourbus : maître peintre de Gouda, catalogue d’exposition, musée de Gouda, 17 février- 17 juin 2018, Gouda : Museum Gouda, 2018.

[8] Afin de confirmer l’attribution à Pierre Pourbus, Les 7 joies de la Vierge de Tournai aurait été prêtées au musée de Gand pour y être comparées à une Annonciation, elle même attribuée à Pierre Pourbus et offerte au Musée de Breda Par Me. Van Buuren : Françoise LECHIEN-DURANT, Le Musée David et Alice van Buuren : maison de mémoire, Bruxelles : Racine, 2000, p. 7.

[9] Paul HUVENNE, Pierre Pourbus : peintre Brugeois, 1524-1584, catalogue d’exposition, Bruges, Musée Memling (Hôpital Saint-Jean) 29 juin-30 septembre 1984, Bruges : Crédit Communal, 1984 p. 130-132.

Bibliographie

BÜCKEN V., Les sept joies de Marie, dans JAFFRE G. et MARCHANT C. (sous la coord.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, Protection du Patrimoine culturel, vol. 1, Stavelot, 2015, p. 213.

DENHAENE G., « Blondeel, Lancelot », dans Dictionnaire des peintres belges : du XIVe siècle à nos jours depuis les premiers maîtres des anciens Pays-Bas méridionaux et de la principauté de Liège jusqu’aux artistes contemporains, Bruxelles, 1995.

HUVENNE P., Pierre Pourbus. Peintre brugeois 1524-1584, Bruges, 1984, pp. 131-132, (avec bibl.antérieure).

JANSEN L., « Les sept joies de Notre-Dame » dans Bruges et la Renaissance. De Memling à Pourbus, Bruges, 1998, vol. 2, p. 116.

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