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Le couronnement de la Vierge : trésor classé, dans une église inventoriée !

Publié le 16/07/2024

L’église Notre-Dame de Dieupart est réputée pour abriter l’une des toiles classées Trésor exceptionnel de Wallonie mais elle mérite également d’être reconnue pour le dynamisme dont fait preuve la fabrique d’église et le sacristain, à qui l’on doit un inventaire de qualité.

Fig. 1. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge © IRPA-KIK, Bruxelles, KN012013.
Fig. 1. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge © IRPA-KIK, Bruxelles, KN012013.

Vers 1663

Peinture sur toile

262x137 cm

Eglise Notre-Dame de Dieupart, Aywaille

Propriété de la fabrique de l’église Notre-Dame de Dieupart, Aywaille

Classé le 26 avril 2012 – M.B. 26 octobre 2010

Quelques mots d’introduction

Fig. 2. Eglise de Dieupart © Maura Moriaux.
Fig. 2. Eglise Notre-Dame de Dieupart © Maura Moriaux.

Le hameau de Dieupart, dont le nom provient de l’expression latine « Dei Pars » (la part de Dieu), est situé dans la commune d’Aywaille, à proximité des rochers de la Heid des Gattes. Ceux-ci constituent d’ailleurs un arrière-plan impressionnant pour l’église Notre-Dame, classée comme Monument par la Région Wallonne en 1936.

Remanié et restauré à différentes reprises au fils des siècles, l’édifice fait l’objet d’un suivi continu par la fabrique d’église, qui veille quotidiennement à son entretien. Luc Jonius, trésorier de la fabrique, témoigne à ce sujet : « parmi les derniers projets menés, des travaux de restauration de la toiture ont été entamés en 2019 avec l’installation d’un échafaudage que nous avons acheté avec la commune. La restauration se termine d’ailleurs cette année ». Conjointement à l’entretien, un autre projet a été mis en route il y a quelques années : l’inventaire du patrimoine mobilier.

Un récolement méthodique

Fig. 3. Eglise Notre-Dame de Dieupart. Vue intérieure © Maura Moriaux.
Fig. 3. Eglise Notre-Dame de Dieupart. Vue intérieure © Maura Moriaux.

L’inventaire de l’église a été réalisé en 2020, durant la crise sanitaire. L’intégralité du travail a été effectué par le sacristain Christophe Leclercq, qui partage son expérience : « c’est une tâche qui a pris du temps mais je savais ce qui devait être répertorié dans la mesure où j’avais déjà une bonne connaissance du patrimoine religieux, à force de fréquenter les églises. Réaliser l’inventaire ne m’a pas paru comme étant quelque-chose de rébarbatif, que du contraire. Il est vrai qu’au début, j’ai pris le temps de mettre en application la méthodologie mais au bout de quelques fiches, la démarche s’est systématisée ».

Photos, dimensions, constats d’état, localisation, tout a été soigneusement répertorié et compilé dans la base informatisée du CIPAR.  En plus de l’inventaire de l’église de Dieupart, M. Leclercq a aussi pris en charge l’inventorisation du mobilier de l’église Saint-Pierre à Aywaille. « La période covid ayant impacté la pratique du culte, j’ai eu plus de temps à disposition pour prendre en charge ce travail obligatoire ». Pour conclure, M. Leclercq insiste sur le fait qu’établir ces inventaires a permis de redécouvrir des biens mobiliers.

Le tableau du Couronnement de la Vierge, pièce maitresse de l’inventaire

Fig. 3. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge © IRPA-KIK, Bruxelles, KM016800.
Fig. 4. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge, détail © IRPA-KIK, Bruxelles, KM016800.

La toile a bien entendu été répertoriée dans l’inventaire de l’église et en représente sans aucun doute l’un des éléments mobiliers majeurs. En effet, elle a été classée par la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2012 pour diverses raisons. Le spécialiste de la peinture liégeoise, Pierre-Yves Kairis, l’a d’ailleurs étudiée et a livré des données intéressantes à son sujet.

En effet, le Couronnement de la Vierge a été conçu pour le maitre-autel, aujourd’hui disparu, de l’église de Dieupart. Cet ancien maître-autel datait de la phase de travaux menés après l’incendie de 1654 par les troupes françaises. La toile, conçue durant cette même phase de travaux, est déjà d’une finesse et d’une sûreté d’exécution remarquables, annonçant ainsi la production de maturité de Gérard de Lairesse (Liège, 1640 – Amsterdam, 1711). Aujourd’hui encore conservée dans l’église, plus spécifiquement dans le collatéral droit, cette œuvre est une pièce maîtresse de la période de jeunesse du peintre.

Fig. 4. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge, détail © IRPA-KIK, Bruxelles, KM016799.
Fig. 5. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge, détail © IRPA-KIK, Bruxelles, KM016799.

Le tableau représente la Vierge Marie couronnée par les figures du Christ et de Dieu le Père au-dessus desquelles trône la colombe du Saint-Esprit. Dans le fond de la partie supérieure se distingue à peine des nuages une multitude de têtes d’angelots en camaïeu ; elles cernent discrètement la scène de couronnement, que met en valeur une subtile lumière dorée. Le tableau offre une gamme très colorée caractéristique de la première période de l’artiste. Une fois installé à Amsterdam, celui-ci raréfiera de tels effets de couleurs et tendra vers des œuvres d’ambiance plus monochrome dominées par cette gamme ocre-tabac si personnelle et que l’on voit poindre ici dans le vêtement du grand ange de gauche.

De même que l’Orphée aux Enfers, ce tableau a été exécuté pour le compte du maître de forces aqualien Godefroid de Sélys, qui fut bourgmestre de Liège et l’un des principaux clients du jeune Lairesse. G.de Sélys a aussi été l’un des principaux acteurs dans la reconstruction de l’église au 17e siècle.

Fig. 5. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge, détail © IRPA-KIK, Bruxelles, KM016798.
Fig. 6. Gérard de Lairesse, Couronnement de la Vierge, détail © IRPA-KIK, Bruxelles, KM016798.

Pour les fabriciens, la toile est certainement l’une des pièces les plus intéressantes de leur église. Ils communiquent à son sujet : « elle avait été redécouverte il y a plusieurs dizaines d’années dans les combles d’une abbaye ou d’un presbytère. Au vu de la qualité évaluée par les spécialistes, nous avons été encouragés à la fin des années 80 à introduire un dossier auprès de la Fondation Roi-Baudouin, afin d’obtenir un soutien financier pour la restaurer. » C’est ainsi que l’œuvre a pu bénéficier d’une campagne de restauration en 1991, grâce au soutien de la Fondation Roi Baudouin. Fait rare, le tableau n’avait jusqu’à sa récente restauration subi que très peu d’interventions. Il n’a notamment jamais été rentoilé ni doublé, ce qui renforce le caractère exceptionnel de ce chef-d’œuvre.

Parmi les futurs projets, la fabrique aimerait rendre l’église davantage accessible : « peut-être via la mise en place d’un dispositif de délimitation de l’espace, ce qui permettrait aux visiteurs de voir l’intérieur de l’édifice et bien entendu, d’admirer le tableau de Gérard de Lairesse ! »

Maura Moriaux

Informations concernant la toile : Pierre-Yves Kairis

 

Bibliographie

KAIRIS P.-Y., Couronnement de la Vierge (v. 1663). Gérard de Lairesse, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1992.

KAIRIS P.-Y., « Les peintres liégeois et la France (1600-1800) », dans MAES G. et BLANC J., Actes de colloque Les échanges artistiques entre les anciens Pays-Bas et la France, 1482-1814, Turnhout, Brepols, 2010, pp. 135-136.

ROY A., « Quelques nouvelles œuvres attribuées à Gérard de Lairesse », dans Cahiers d’histoire de l’art, t. 2, 2004, p. 122.

JAFFRE G. et MARCHANT C. (sous la coord.), Trésors classés en Fédération Wallonie-Bruxelles, Protection du Patrimoine culturel, vol. 1, Stavelot, 2015, p. 233

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