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Eglises à trésors : nouveaux classements de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Publié le 03/06/2021

Récemment, plusieurs biens d'Église ont été  protégés par le classement par la Fédération Wallonie-Bruxelles. La Fédération Wallonie-Bruxelles classe des biens culturels mobiliers sélectionnés pour leur grand intérêt artistique ou esthétique, historique, technique, etc. Les biens classés ne peuvent être transformés, restaurés ou déplacés sans autorisation préalable de la Fédération. En voici la liste.

  1. La Châsse d'Andenne conservée à la collégiale Sainte-Begge d'Andenne est un reliquaire daté du début du VIIIe siècle.
Châsse d'andenne
Fig. 1. Châsse d'Andenne. Photo © KIK-IRPA, Bruxelles (Belgique).

En guise de  brève  présentation de la châsse sainte Begge d’Andenne. Celle-ci est un chef-d’œuvre injustement méconnu de l’orfèvrerie religieuse de la Renaissance, dans nos régions. Elle renferme les restes de sainte Begge, sainte fondatrice du monastère féminin d’Andenne, à la fin du VIIe siècle. Le fait qu’elle soit composite l’a dévalorisée auprès des spécialistes. Pourtant il s’agit d’une œuvre de grande qualité qui mérite incontestablement le classement comme trésor. Il est probable que le reliquaire actuel succède à une châsse plus ancienne. Chacun des longs côtés de ce reliquaire orfévré est percé de six niches, abritant des statuettes d’apôtres et séparées l’une de l’autre par des colonnettes engagées. Les pignons et le milieu des longs côtés sont ornés de reliefs narratifs figurant la Nativité, la Mise au tombeau, la Résurrection et l’Assomption. La datation et l’attribution de la châsse sont complexes, car il s’agit d’une œuvre composite réalisée en deux campagnes principales, par plusieurs orfèvres différents. La première campagne, la plus remarquable, est située vers 1560-1580. Les représentations d’apôtres ont été graduellement ajoutées par la suite, de 1608 à 1645. De qualité inégale, elles sont l’œuvre de différents orfèvres et ont fait l’objet de plusieurs commandes successives, ce qu’attestent les différents poinçons d’orfèvres et les noms des donateurs, gravés sur le socle des statuettes. Cette documentation singulière d’une telle commande par étapes pallie largement la considération de l’hétérogénéité de sa matérialisation, longtemps mise en exergue.

La décoration de la partie architectonique de l’œuvre est d’une exceptionnelle qualité. D’un point de vue strictement chronologique et non formel, car les deux œuvres sont trop différentes l’une de l’autre, seule la châsse des Damoiseaux, à Tournai, datée de 1571, serait réellement digne de comparaison. Cette châsse mérite une étude de fond qui permettrait de lui redonner l’importance qu’elle mérite.

2. Les deux suaires de saint Lambert de la cathédrale Saint-Paul de Liège, exposés au Trésor de Liège sont datés  du VIIIe et du XIe siècles.

Fig. 2 et fig. 3. Les deux suaires de saint Lambert. Photos © KIK-IRPA, Bruxelles (Belgique).

Les deux suaires constituent des pièces exceptionnelles et de réputation internationale. Ils furent découverts dans l’âme de bois de l’ancienne châsse de saint Lambert, le 21 juillet 1865. Le premier suaire est conservé sous forme fragmentaire. Lors de l’ouverture du coffrage de bois, cette soierie enveloppait directement les reliques de saint Lambert. Le décor de ce samit se compose de formes ovales contenant des fleurs « polyfoliées » très schématisées. Des samits analogues, conservés au Cooper Union Museum de New York et au Museum of Fine Arts de Boston, confirment son origine perse, post-Sassanide. La datation au 14C effectuée à l’IRPA confirme l’hypothèse d’une réalisation entre 701 et 800.

Le second suaire de saint Lambert enveloppait pour sa part le premier suaire et son contenu. L’état de conservation de ce second suaire est tout à fait exceptionnel. Bien qu’elle ait été très probablement réalisée par un atelier byzantin provincial, cette pièce trahit une forte influence islamique, probablement iranienne. La datation 14C, qui situe cette pièce remarquable entre 950 et 1030, en fait un des plus anciens, si ce n’est le premier samit bicolore conservé, tissé selon la technique « 3 lie 1 ».

En conclusion, la Session Protection du Patrimoine culturel mobilier a décidé à l’unanimité des 9 membres présents ou représentés de proposer à Madame la Ministre de la Culture de classer le Premier suaire et second suaire de saint Lambert de la Cathédrale Saint-Paul de Liège avec la qualification de trésor. En effet, ces biens présentent un intérêt remarquable pour la Communauté française, en raison de leur valeur artistique et historique et répond aux critères de classement suivants : l’état de conservation, la rareté, l’esthétique, la grande qualité de conception et d’exécution et le lien avec l’histoire.

3. Le Retable de la Passion et de la Vie de saint Denis de Paris, daté de 1530-1533 conservé à la collégiale Saint-Denis à Liège a fait l'objet d'une publication récemment de l'IRPA  « Flesh, Gold and Wood ». Pour aller l'admirer, l'église est ouverte tous les jours de 10h à 17h.

Le Retable de la Passion et de la Vie de saint Denis de Paris, daté de 1530-1533 conservé à la collégiale Saint-Denis à Liège
Fig. 4. Le Retable de la Passion et de la Vie de saint Denis de Paris, daté de 1530-1533 conservé à la collégiale Saint-Denis à Liège. Photo © KIK-IRPA, Bruxelles (Belgique).

Pierre-Yves Kairis de l’Institut royal du Patrimoine artistique a monté un dossier pour le classement avec la qualification de trésor du retable. C’est dans cet institut qu'il a fait l’objet d’une importante restauration de 2012 à 2014, ce qui a permis de mener de nouvelles investigations amenant à mieux comprendre sa genèse. Les éléments principaux sont repris dans le dossier de classement.

Ce retable est l’un des plus remarquables qui soient conservés en Belgique et une pièce majeure du style gothique de la Renaissance en pays mosan. Il se distingue par son format monumental, par la qualité de ses sculptures, par une polychromie partielle unique et par l’association de scènes de styles différents.

La première mention attestée du retable en place remonte à l’année 1537 mais à la différence de la plupart des autres retables, il n’y a pas de marque de fabrication. C’est donc sur des bases stylistiques exclusivement que les spécialistes ont relié cette pièce d’exception à l’atelier bruxellois des Borman. La qualité de la sculpture des figurines confirme que l’on a affaire à un atelier de haut niveau. La prédelle a été clairement conçue dès le départ selon les normes liégeoises. À l’origine, le retable était couvert de volets avec de multiples panneaux peints attribuables à Lambert Lombard et à son atelier. 

La plus grande originalité de ce retable, c’est sa polychromie partielle. À cette époque, les retables bruxellois étaient entièrement polychromés et dorés. La semi-polychromie était plutôt une tradition allemande. Or, Liège était alors la capitale d’une principauté relevant du Saint-Empire romain germanique et les liens avec l’Allemagne étaient étroits.

Longtemps, les spécialistes ont imaginé que le retable avait été entièrement décapé dans le courant du XIXe siècle et que la polychromie partielle était néogothique. Il est aujourd’hui bien établi qu’il s’agit de la polychromie d’origine, dans un état de conservation tout à fait exceptionnel. Les laboratoires de l’IRPA ont par ailleurs découvert que le bois avait été traité avec de la résine de benjoin (provenant d’arbres d’Asie du sud-est) pour donner au bois une subtile couleur rougeâtre sur laquelle la polychromie devait judicieusement ressortir. Le retable de Saint-Denis constitue à ce jour le seul retable brabançon où cette résine a été repérée.

Conformément à l’article 4 du décret du 11 juillet 2002 relatif aux biens culturels mobiliers et au patrimoine immatériel de la Communauté française, ce bien présente un intérêt remarquable pour la Communauté française, en raison de sa valeur artistique et historique et répond aux critères de classement suivants : l’état de conservation, la rareté, la grande qualité d’exécution et le lien du bien avec l’histoire de l’art.

4. Paire d’aigles-lutrins, œuvre de dinanderie de Guillaume Lefèbvre, conservée à la  collégiale Saint-Pierre à Leuze est datée de 1450.

L'Aigle-lutrin Saint-Pierre à Leuze-en-Hainaut, œuvre de dinanderie de Gabriel Lefebvre daté de 1450.
Fig. 5. L'Aigle-lutrin, Leuze-en-Hainaut, Gabriel Lefebvre, 1450. Photo © KIK-IRPA, Bruxelles (Belgique).

La collégiale Saint-Pierre de Leuze possède deux aigles-lutrins provenant de l’atelier du fondeur tournaisien G. Lefèbvre. Le premier a été offert à la collégiale par le chanoine Jean de Montegny en 1449 tandis que le second est une donation à peu près à la même époque du chanoine Pierre de Hermaville. Le nom du fondeur est mentionné dans l’inscription de dédicace du premier lutrin. Pratique propre à cet atelier, le plumage de l’oiseau conserve la trace de la toile appliquée à l’intérieur du moule préalablement à la fonte pour y bloquer le noyau. L’ensemble repose sur une base moulurée en pierre noire de Tournai. Le second lutrin est plus petit et semble avoir été remanié à diverses reprises, contrairement au grand lutrin qui lui, est conservé dans son état d’origine. L’intérêt de classer les deux aigles lutrins provient du fait que l’un est utilisé pour la lecture des Évangiles et l’autre pour la lecture des Épitres. Le dédoublement de l’usage liturgique de lutrins distincts est attesté dans d’autres églises européennes. Il est cependant le seul témoin de cette pratique sur le territoire de la Communauté française. 

Suite aux explications données par rapport à l’usage liturgique des deux lutrins,  la valeur ethnologique a été ajoutée aux arguments de classement avec la qualification de trésor.


Si vous souhaitez adresser une demande de classement d’un bien culturel mobilier de votre église, prenez contact sur le site internet du patrimoine culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Nous remercions Monsieur Claude Vandewattyne (FWB) pour sa collaboration et son soutien dans nos missions. Les présentations viennent des "Extraits de  Procès-verbal de la Session Protection du patrimoine culturel mobilier."

Vinciane Groessens

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