Pastorale du tourisme à Durbuy : comment ouvrir son église?
Dans le diocèse de Namur, quatre églises se sont rassemblées autour d’un projet commun : la pastorale du tourisme. L’occasion est propice à une présentation de ce type de pastorale qui se base volontiers sur le patrimoine mobilier religieux et à un focus sur ce qui se met en place du côté de Durbuy.
Qu’est-ce qu’une pastorale du tourisme ?
Il est, en fait, très difficile de définir ce terme par le fait même que cette pastorale est fort récente et qu’elle dépend du tourisme local. A l’heure actuelle, notons qu’aucun document de référence ne précise le concept en Belgique, qui se résume plutôt à des initiatives dispersées.
En clair, il s’agit d’une action de l’Eglise au service de la communauté chrétienne qui tente de répondre à la curiosité des touristes ainsi qu’à la recherche spirituelle des croyants et qui leur permet de vivre leur foi pendant leur temps de loisir.
Tout comme il est difficile de définir cette pastorale, il est aussi compliqué de récapituler les différentes activités qu’elle peut proposer tellement elles peuvent être variées. Elles sont en effet imaginées en fonction du lieu, de la population et des problématiques rencontrées localement. L’équipe sur place peut par exemple organiser des promenades ou des conférences thématiques, un circuit avec des explications historiques et patrimoniales, ou encore aménager un lieu de repos ou de rencontres conviviales et spirituelles dans l’église. Cela peut passer par la découverte de la nature ou d’autres cultures, par la connaissance du patrimoine esthétique et religieux, par le développement de relations humaines et d’activités liées à l’attention aux personnes.
Dans tous les cas, la pastorale du tourisme a toujours comme objectif premier l’épanouissement des visiteurs dans toutes les dimensions intrinsèques à la personne. Elle repose sur le principe que le temps libre peut être un moment favorable pour la reconnaissance de Dieu et la pratique de la charité envers autrui. Ce sont les essentiels de la foi chrétienne et de nos humanités qui peuvent être redécouverts et approfondis à l’occasion de ces moments de plus grande disponibilité.
Des faits et des attentes à Durbuy
Au cours du dernier siècle, les conditions de travail et de vie ont évolué avec l'apparition de congés, horaire de travail aménagé, retraite. En découlent beaucoup de périodes de temps libre à vivre.
Au bord de l’Ourthe, Durbuy est sans nul doute un des lieux les plus touristiques de Wallonie. Et ce tourisme continue à se développer. Les visiteurs poussent les portes des églises, au contraire d’autres localités où l'édifice religieux est déserté. C’est donc tout naturellement que l’idée d’une pastorale du tourisme y a germé. Missionné par les quatre prêtres en service il y a quelques années, Julien Thiry travaille à l’ouverture des quatre églises : Barvaux, Durbuy, Tohogne et Wéris. Ces lieux ne doivent rien organiser pour attirer les passants, ils sont déjà là. Au lieu de rester les bras croisés, Julien Thiry consacre son énergie, à côté de sa vie de famille et de son travail d’enseignant, à sortir des églises et accueillir tous ces gens, « d’aller aux périphéries » comme l’invite le Pape François.
« Cette synergie entre les visiteurs qui arrivent et nous qui sortons demande une rencontre ! Et pour qu’il y ait rencontre, il faut se connaître ? Qui sont ces visiteurs ? Nous intéressons-nous à eux, pour savoir qui ils sont ? D’où ils viennent ? Soyons attentifs et accueillants. Par exemple, en prévoyant des traductions, ou mieux en sachant dire un petit mot dans leur langue. Un bel accueil aussi si nous prévoyons un thermos de café, quelques gobelets… dans le fond de l’église. » témoigne Julien Thiry.
Mais alors comment accueillir les personnes de passage ? En tant que communauté bienveillante et désireuse d’agir ensemble, il faut commencer par se demander si les églises sont encore ouvertes. Cela semble être la base mais cela demande en fait d’abord un travail en amont : une réflexion en groupe qui mêle questions d’inventaire et sécurité. Ce projet pourrait s’arrêter là mais alors s’agirait-il vraiment d’une pastorale du tourisme ? Pourrions-nous vraiment imaginer dans ce cas une rencontre ? Il est essentiel qu’il y ait aussi une présence dans l’édifice.
De tout temps, l’église se voulait un lieu d’accueil et de vie. Or elle est devenue au fil des dernières décennies le lieu de la seule communauté chrétienne… Cette pastorale doit répondre également à la curiosité des touristes d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur culture. C’est une des missions de l’équipe pastorale : proposer des formules nouvelles pour faire à nouveau vivre ces lieux.
Quel sont les moyens ? Les idées d’animations ne manquent pas. Le responsable de la pastorale envisage d’amener une grande crèche et d’organiser des lectures de contes de Noël. Ils ont, pendant l’été, exposé les panneaux du CIPAR sur les textiles liturgiques.
De plus, ils ont la volonté de produire des documents qui présentent l’historique des édifices et leur village mis à l’entrée. Ils représentent un point d’accroche pour le visiteur qui aura ainsi sa curiosité éveillée. L’équipe souhaiterait également réaliser un graphisme attrayant, commun aux quatre églises, facilement reconnaissable pour donner de la cohérence au circuit et à la pastorale du tourisme qui les rassemble. Ils imaginent aussi exploiter le principe des QR code ou d’autres technologies pour compléter les informations sur le mobilier et leur représentation iconographique. Cela permettra aux visiteurs curieux d’aller plus loin dans sa contemplation. L’objectif est d’intégrer le patrimoine mobilier religieux dans la réflexion globale, d’en tirer parti pour transformer l’église en lieu de rencontre, de vie et pour parler de Dieu.
Ce qui a déjà été mis en place à l’église Saint-Nicolas de Durbuy
L’église de Durbuy a fait récemment peau neuve. L’enveloppe extérieure mais surtout l’intérieur ont été complètement rénovés début 2021. Murs peints, rangement, circulation intérieure revue, statues et tableaux remis en valeur, nouveaux mobiliers et anciens déménagés.
Les fonts baptismaux ont été un peu déplacés. Étant à l’origine remisés dans un coin à l’entrée, ils s’élèvent dorénavant fièrement dans la nef de gauche. Plusieurs raisons ont amené à ce déménagement : laisser un espace libre pour évacuer en cas d’incendie, permettre un espace dédié au baptême mais aussi donner un sens liturgique du mobilier au service des chrétiens.
Un système de sécurité très complet a également été pensé lors de la rénovation. Un cordon a été tiré et empêche maintenant de rentrer dans le chœur. A cela se rajoute un dispositif d’alarme anti-intrusion. Le mobilier a été bien attaché aux socles ou aux murs. Les dispositifs choisis ont été étudiés selon ceux déjà existants (trous, crochets).
Pour rendre l’église accueillante, un fond musical est prévu toute la journée. Quelques chaises sont mises à disposition à l’entrée.
et à l’église du Sacré-Coeur de Jésus de Barvaux
Pour le moment, hormis lors des célébrations (plus ou moins cinq messes par semaine), l’édifice est fermé. Le projet est donc de l’ouvrir davantage et laisser découvrir aux visiteurs le patrimoine intérieur du bâtiment.
Une réflexion a été menée autour des portes et du circuit dans l’église. Quelles portes s’ouvrent, et à l’inverse quelles portes doivent être fermées ou même condamnées. L’idée choisie est de rentrer par l’entrée principale, avec un accès spécial PMR. Le rétablissement de la porte principale dessine le cheminement « naturel » dans l’église. C’est une invitation à progresser du fond de l’église, lieu profane vers l’endroit le plus sacré, le chœur.
Au niveau de la sécurité, le projet est d’installer un système d’alarme de type rayon laser. A l’extérieur, des caméras de surveillance ont été installées.
Certaines pièces du mobilier ont été retirées : les confessionnaux qui n’étaient plus utilisés et les chaises vermoulues. La fabrique s’est aussi attelée au rangement de l’église (retirer les icônes qui encombrent, libérer les collatéraux), et de manière plus ciblée le coin de l’orgue.
Ils ont également scellé les 14 stations du chemin de croix dans les murs.
Les autres édifices concernés sont
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L’église Saint-Martin de Tohogne
Classée depuis 1948, l’église Saint-Martin date de la première moitié du XIe siècle et reflète, au niveau du plan, les caractéristiques du style roman : trois nefs sans transept, un chœur, une haute tour à l’ouest. L’édifice est, avec celui de Durbuy, ouvert tous les jours et permet aux visiteurs d’admirer son patrimoine. Il mérite vraiment d’être remis en lumière.
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L’église Sainte-Walburge de Wéris
L’église Sainte-Walburge date du 11e siècle et est classée depuis 1938. Durant l’été, de gros travaux de réaménagement de l’enclos paroissial ont été effectués. Cette église ancienne mérite vraiment le détour pour tous ceux qui passent dans le village, avec entre autres, les nouveaux vitraux de Gilbert Laloux. L’objectif est de l’ouvrir plus régulièrement et de continuer la restauration en s’attaquant à l’intérieur.
Comme le dit très bien Julien Thiry « De nombreux défis devant nous ! » !
Vinciane Groessens
Toutes les illustrations sont de l'auteur.