Le retable de Saint-Denis : le plus bel échange artistique entre Bruxelles et Liège vers 1530?
En l’année 1522, le chanoine Louis Chokier indique à ses confrères sa volonté de faire réaliser un nouveau retable pour l’autel majeur de la collégiale Saint-Denis de Liège. Quinze ans plus tard, ce retable majestueux est installé dans l’église, puisqu’un texte mentionne son premier nettoyage.
Fiche d'identité :
Les atelier de Lambert Lombard et de Borman de Bruxelles
1522 à 1537
Chêne sculpté polychromé, volets peints
l. 325 cm – H. 479 cm
Eglise Saint-Denis, Liège
Classé le 11 juillet 2022
Le retable peut être scindé en deux : la partie supérieure (la huche) représente les scènes de la Passion du Christ, tandis que la partie inférieure (la prédelle) raconte la vie de saint Denis de Paris, mêlée à celle de Denys l’Aréopagite. Les différences de style entre la huche principalement gothique et la prédelle marquée par la Renaissance ont mené à penser que cette dernière aurait pu avoir été ajoutée dans un second temps. Au contraire, les études récentes ont démontré que l’ensemble du retable et ses volets peints constituent une œuvre unique conçue et réalisée dans un laps de temps restreint : la fourchette chronologique la plus large pour son exécution allant de 1522 à 1537. Deux ateliers majeurs ont collaboré à sa réalisation : celui du peintre liégeois Lambert Lombard et celui des sculpteurs Borman de Bruxelles.
En bas de la scène de la Crucifixion, un soldat porte une inscription sur le fourreau de son cimeterre : « ALT ». Sur deux autres retables des Borman, c’est à cet endroit que l’on trouve respectivement la signature de Ian Borman et celle de Passier. Plusieurs hypothèses d’interprétation de ces trois lettres ont été proposées par les spécialistes, mais cette marque demeure énigmatique.
Des volets peints sur les deux faces permettaient d’ouvrir le retable lors de fêtes, dévoilant ainsi la 160-aine de figurines finement sculptées et assemblées en onze scènes. Ces volets ont été démantelés, peut-être déjà au XVIIIe siècle. En effet, un chanoine formule en 1729 le projet de les intégrer aux stalles « pour ÿ estre conservé a perpétuité ». Malheureusement, ce souhait n’a pas suffi à les préserver de la période Révolutionnaire et les panneaux ont été dispersés et vendus à des particuliers. Huit d’entre eux ont pu être retrouvés et sont aujourd’hui conservés dans diverses institutions belges. Quatre ou six autres restent à redécouvrir.
La dernière restauration du retable a été menée à l’IRPA de 2012 à 2014, grâce au soutien des Fonds Baillet Latour et David Constant. Elle a permis de lui rendre un aspect proche de son état d’origine en retirant la poussière et un vernis de 1824 qui assombrissaient l’ensemble. Les résultats des études interdisciplinaires liées à cette restauration ont été publiés dans l’ouvrage Flesh, Gold and Wood, Scientia Artis n°18, IRPA, 2020. Il faut aussi conseiller la lecture de Borman. A Family of Northern Renaissance Sculptors, Marjan Debaene (dir.), Harvey Miller Productions, 2019.
La polychromie partielle originelle du retable, ses dimensions exceptionnelles (h. 4,79 m), la qualité de son exécution et son excellent état de conservation ont conduit à son classement comme Trésor de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2021. Cinq siècles après sa commande, la messe est toujours célébrée quotidiennement devant le retable.
François REMY - Historien de l’art et archéologue, membre de la fabrique d’église de Saint-Denis de Liège
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Articles du CIPAR : Eglises à trésors : nouveaux classements de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Nouvelle publication : retable de l’église Saint-Denis à Liège à la loupe
MERCIER (E.), De BOODT (R.) et KAIRIS (P.-Y.), Gold and Wood. The Saint-Denis altarpiece in Liège and the question of partial paint practices in the 16th Century. Proceedings of the Conference Held at the Royal Institute for Cultural Heritage in Brussels, 22-24 October 2015.
Paru en décembre 2020.
Sous la direction d’Emmanuelle Mercier, Ria De Boodt et Pierre-Yves Kairis
Institut royal du Patrimoine artistique
Scientia Artis 18
Langue : anglais et français
483 pages
ISBN 978-2-930054-40-7
Prix : 60 €
Le livre est en vente à l’accueil de l’IRPA et sur le site de Brepols.
Pour en savoir encore plus, on vous invite à écouter l’émission de RCF SUD Belgique avec une interview passionnante de Pierre-Yves Kairis de l’IRPA.