CIPAR

Les inondations, quatre mois plus tard… quel bilan ?

Publié le 03/12/2021

Quatre mois après les terribles inondations qui ont touché notre pays, le comité de crise, constitué initialement pour évaluer l’étendue des dégâts au niveau patrimonial, s’est rassemblé pour la première fois en présentiel pour établir les constats des actions entreprises sur site et pour définir les projets d’avenir.

La journée s’est organisée en trois parties destinées à faire le bilan sur les collections impactées, les sites et monuments en enfin, les perspectives. L’IRPA a fait office d’hôte pour accueillir tous les participants qui ont joué un rôle actif dans la gestion de cette crise inédite. Des musées de Verviers aux réserves archéologiques du SPW, des archives au patrimoine immobilier classé en passant par les églises paroissiales, tout type de patrimoine sinistré a été abordé.

                                   

Ill. 1 & 2. Photos prises pendant la journée par l'auteur.

Un bilan sur les collections impactées

La ville de Verviers a probablement été un des centres urbains les plus touchés par les violentes inondations des eaux de la Vesdre. Au niveau patrimonial, les musées, les édifices et les églises classés en ont largement payés les frais.

Comme le rapporte Caroline Henry, directrice des musées, « les sous-sols qui faisaient office de réserve, les locaux pédagogiques et les salles d’exposition du rez-de-chaussée du Musée des Beaux-Arts ont été sous eau, endommageant principalement nos collections de céramique ».  Du côté du Musée d’Archéologie et du Folklore, les salles ont été envahies par… du beurre ! En effet, la beurrerie de Goé avait également été inondée et les flots ont emportés quantités de mottes et de raviers, causant des dégâts supplémentaires. Parmi les biens impactés, citons notamment le Bethléem, théâtre de marionnettes du XIXe siècle et pièce majeure du patrimoine verviétois, et le violon de Vieuxtemps.

Ill. 3. La directrice des musées Caroline Henry devant le Bethléem verviétois complètement dévasté. © RTBF - Erik Dagonnier

En province de Namur, les collections archéologiques qui étaient conservées dans le dépôt archéologique à Saint-Servais ont été inondées à deux reprises, le 14 juillet et le 24 juillet 2021. Autant dire qu’accéder aux locaux sens dessus dessous, retrouver les artefacts archéologiques, les nettoyer et les sécher a été un réel défi pour les archéologues de l’AWaP et pour les nombreux bénévoles qui leur ont prêtés main forte. Les collections sont actuellement hébergées dans un dépôt de transit, mis à disposition par la caserne de Jambes.

Autre type de collection qui a beaucoup souffert : ce sont les archives. Communes, palais de justice, églises, CPAS, … tout lieu abritant de la documentation a payé un lourd tribut. « Il est encore un peu tôt pour dresser un bilan précis des pertes mais nous pouvons déjà en tirer une expérience certaine », rapporte Michel Trigalet, chef de service aux Archives de l’Etat à Liège. Beaucoup de choses ont malheureusement été jetées alors qu’elles auraient pu être sauvées. Un véritable travail de sensibilisation doit être mené pour éviter des actes irréversibles tels que le rejet non-évalué de documentation.

archives inondées
Ill. 4 : archives inondées. © Archives de l’Etat.

Le patrimoine mobilier religieux avait également été lourdement touché. Les textiles (vêtements, linges, bannières) ont le plus souffert car bon nombre d’entre eux, rangés dans les sacristies, avaient rarement été évacués en urgence.

Sites et édifices touchés… dont des églises paroissiales

Beaucoup de sites et d’édifices classés, principalement localisés en province de Liège, ont également subi des dégâts. Leur identification et leur prospection s’est effectuée progressivement et cela n’a pas été toujours très aisé étant donné que plusieurs localités étaient difficilement accessibles (Trooz, Verviers, Pepinster, …). Nathalie Absil, architecte de l’AWaP, rapporte que 100 biens classés ont été endommagés, dont la plupart sont localisés à Verviers.

Même constat du côté des églises paroissiales : le CIPAR a dénombré environ une trentaine d’églises inondées. Voici les derniers chiffres :

Province de Liège : 28

Province du Brabant Wallon : 2

Province du Luxembourg : 2

Province de Namur : 1

Province du Hainaut : 0

Ill. 5. Après l'eau, la boue séchée. Photo de l'auteur.

Durant la phase d'urgence, l’équipe est entrée en action pour identifier les sites sinistrés. Après quoi, les visites se sont enchaînées avec les objectifs suivants :

  • Cibler les types de patrimoine qui ont le plus étés impactés via l’établissement de synthèses renseignant les premiers dégâts constatés par édifice ;
  • Dresser un inventaire couplé à une évaluation d’urgence pour déterminer les interventions prioritaires (conservation préventive, évacuation de patrimoine, …) ;
  • Rapporter les étapes entreprises et les conseils, compilés dans des rapports de visite soumis aux gestionnaires (principalement les fabriques d’église) ;
  • Documenter les interventions (articles, photos, …).

La phase d’urgence étant révolue, le suivi se poursuit : l’évêché de Liège a engagé en octobre 2021 un conservateur-restaurateur pour une durée de six mois, afin de suivre l’évolution de l’état de conservation des biens sinistrés.

Et ensuite ?

De nombreux enseignements ont été retenus et seront encore tirés de cette vaste crise. Des projets de recherche en conservation vont probablement émerger au sein de l’IRPA pour déterminer des protocoles de nettoyage d’œuvres sinistrées. Des réflexions vont également voir le jour concernant la nécessité d’établir des plans d’urgence et de disposer de zones de repli et/ou de lieux de dépôt pour stocker du patrimoine. Aussi, un projet d’action mémorielle et de collecte de témoignages (photographiques, textuels, ...), mené notamment par l’Association des Archives Francophones de Belgique (AAFB ), verra très prochainement le jour pour constituer un fond d’archive.

Le Bouclier Bleu, qui a joué un rôle majeur dans la gestion des bénévoles qui ont prêté main forte pour le sauvetage du patrimoine et pour la remise en état des lieux, va poursuivre ses actions.

Côté patrimoine religieux, les choses bougent également… ! Un projet de mise en place de conservatoire de transit est en cours d’étude, pour accueillir notamment les textiles liturgiques d’une église verviétoise sinistrée. Aussi, le CIPAR va prochainement déployer un vaste projet de sécurisation des églises paroissiales ainsi que constituer une « boite à outils virtuelle », constituée de fiches techniques renseignant des conseils de conservation préventive. Enfin, cet événement a démontré plus que jamais l’importance de réaliser des inventaires pour sauvegarder et même sauver le patrimoine. L’équipe poursuivra encore ses efforts pour sensibiliser les gestionnaires de mobilier religieux à cette tâche importante.

Un mot de remerciement

Le CIPAR tient à remercier chaleureusement le Bouclier Bleu Belge pour sa remarquable gestion des bénévoles et pour son soutien, l’IRPA pour son grand apport de connaissance et son aide ainsi que tous les conservateurs-restaurateurs pour leur implication dans cette crise. Une pensée et un merci tout particulier également à toutes les fabriques d’église de patrimoine sinistré, pour leur disponibilité et leur accueil sur les sites.

Les actions du CIPAR

Vous désirez (re)découvrir nos actions précédentes ?

N’hésitez pas à (re)voir nos articles à ce sujet :

  1. Une opération de sauvetage d’œuvres d’art à l’église de Fraipont : cliquez ici.
  2. Entraide patrimoniale dans la commune de Trooz : cliquez ici.

  3. Eglise Saint-Rémy à Angleur : ses peintures attaquées par la moisissure et ses statues en plâtre : cliquez ici.

  4. Église du Nom de Jésus à Chanxhe : un coffre-fort avec des archives et des pièces d’orfèvrerie : cliquez ici.

  5. Les églises sinistrées en Brabant wallon et la question du patrimoine en bois : cliquez ici.

  6. Quelles leçons tirer des inondations ? cliquez ici.

  7. Verviers, ville des textiles et de la laine, sous les eaux de la Vesdre : cliquez ici.

  8. Église Sainte-Bernadette à Angleur : des livres inondés et des icônes endommagées : cliquez ici.

  9. L’église Saint-Léger à Tilff : le cas d’une très bonne gestion d’urgence : cliquez ici.

  10. Le patrimoine religieux endommagé lors des inondations : cliquez ici.

  11. Inondations 2021 : sauvons aussi le patrimoine culturel belge : cliquez ici.

Maura Moriaux

 

CIPAR - Centre Interdiocésain du Patrimoine et des Arts Religieux linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram